Ombre & Lumière Tome 1

Chapitre 9

Le sourire qui s'inscrit peu à peu sur mon visage est de sagesse.
L'heure est venue.

Puis, sans requérir au courage, sans serrer les dents, sans me crisper, je me retourne lentement pour faire face à Elle.

La chose est là. Elle m'attend. Tout va bien. Je suis confiante.

J'ouvre les yeux... sur une lumière blanche. Si pure, si belle. Mais ce n'est pas juste une lumière. Mes yeux mettent quelques secondes avant de s'adapter, à moins que ce ne soit la lumière qui se soit dissipée ?

Non, ce n'est pas juste une lumière. C'est une vie. Une personne que je sais non-humaine.

Est-ce un ange qui se tient face à moi ? Je l'ignore, mais il en a tout l'air. Si beau. Si parfait. Si posé. Si bienveillant. Ce n'est pas la chose.

Je le ferais bien gardien de mon âme si je le pouvais.

Il dégage une aura pure et douce qui m'envahit peu à peu. Je me laisse faire, je m'évade. Je me sens déjà ailleurs. Loin des problèmes, loin du mal, loin du danger. Je suis à l'abri, protégée par mon ange-gardien. Je ne risque plus rien. Je suis au paradis. Enfin libérée...

Je le vois sans le voir. Ses yeux sont bleu turquoise. Comme l'eau de la plus pure des plages. Je n'ai jamais vu la mer, mais je tente de l'imaginer. Je me sens alors m'envoler vers un autre monde. Puis une douceur intense enveloppe mon corps. Comme si j'étais sur cette fameuse plage de sable blanc. Comme si mes pensées étaient devenues réalité. J'entends les flots. Les vagues. Je me laisse bercer par ces sons qui m'étaient jusqu'alors inconnus.

J'ai chaud. Mais d'une chaleur bénéfique et puissante. Le soleil. Je crois même voir un ciel bleu, avec quelques nuages, pareil à un dessin d'enfant..., sur lesquels de petits anges s'amusent. J'en reste sans voix. Je me laisse porter, guider, vers de nouveaux horizons...

Je me retrouve dans une grotte, une galerie, un sous-terrain ? Des murs de marbre m'entourent. Un marbre légèrement rosé, si brillant que je peux y voir mon reflet. C'est merveilleux, c'est le miroir du monde, c'est... je cherche les mots, et je les chercherai toujours...

Sans que je n'ai touché son visage je sais que la sensation serait la même que si j'effleurais ce marbre magique. Ou peut-être mille fois plus prenante ? Je n'en ai aucune idée.

Ses lèvres rose pâle me font penser à de la barbe à papa... barbe à papa ?! Ne pourrais-je pas trouver plus poétique pour décrire cette beauté que je sais délicieuse bien que je ne l'ai pas encore goutée ?

Son teint clair et tendre me transporte encore plus loin...

Je suis dans un désert,

Fait de pierre

Et de terre claire.

Quelques arbousiers aussi,

Qui m'ouvrent l'appétit

Oh que c'est jolie !

Je redescends doucement sur Terre. Incapable de cligner des yeux ; je ne peux me permettre de rater ne serait-ce qu'une demi-seconde de perfection !

Il m'envoute toujours autant. Je crois que cela ne changera jamais, tout comme son degré de beauté.

C'est un coup de foudre tendre et léger qui m'est tombé sur la tête. Non, en fait rien ne m'est tombé dessus, c'est plus subtil ! Une infinité de paillettes aux milles éclats se sont déposées sur moi, en douceur. Dans mon ventre il y avait des papillons multicolores, et dans mes yeux des petites étoiles.

Suis-je amoureuse ? Oh je l'ignore, je n'ai jamais ressenti une telle chose. Je suis au pays des Bisounours, tout est fait de couleurs et de joie.

Ma vue devient floue, alors mes paupières se referment. J'inspire. J'expire. Puis elles se relèvent.

Ce n'est pas un rêve. Il est toujours là. Il me regarde.

Des yeux ouverts qui s'ouvrent à nouveaux

Un regard qui s'illumine

Comme s'il avait jusqu'alors été aveugle

Une vie qui prend la relève de ma vie antérieure

Il y aura toujours quelqu'un

Même lorsqu'on croit que c'est la fin.

Il apparaitra, c'est le destin

Arrivé par hasard,

Passant par là...

Une rencontre extraordinaire.

Unique et sans marche-arrière.

On s'en souviendra

Aussi longtemps que l'on vivra

On ne cherchera pas

À savoir pourquoi

On se contentera de le regarder

Puis de fermer les yeux

Pour les rouvrir à nouveaux ;

Et on se rappellera

De cette étoile filante...

Il n'est pas la chose. Il est bien plus.

- Ambroisie ? finit-il par dire d'une voix aussi délicate qu'envoutante.

Puis le jour où tout s'arrêtera

Son souvenir lointain remontera

À la surface, demeurera

Comme une âme presque effacée

Par le temps qui passe.

Une âme,

Que nous aurons l'éternité pour contempler

Que suis-je sensée lui répondre ? L'écho de sa voix résonne dans ma tête, douce, lointaine, et si proche. Je reste plantée là. Sans bouger. Sans parler. Juste à le regarder. C'est déjà tellement... Il a l'air désolé... comme si c'était normal que je réagisse de cette façon, comme si il s'en voulait de se retrouver face à moi.

Puis, d'un seul coup, sans réfléchir, comme si ma voix n'avait nul besoin de l'autorisation de mon cerveau pour parler, je dis : «Tu es un ange ».

Suite à ça nous nous fixons durant de longues secondes. Son visage est de glace. Impossible de percevoir la moindre de ses pensées. Pour lui, en revanche, ce doit être facile de savoir ce qui me trotte dans la tête : un mélange de fascination, d'interrogation, d'attente d'une réponse. Or celle-ci ne vient pas.

Un timide sourire peiné se dessine à la commissure de ses lèvres. Il s'apprête à prendre la parole, puis y renonce.

Alors nous nous fixons encore, nos regards se font moins insistants. Je contemple l'être magique qui me fait face, lui fait de même pour moi. Qu'ai-je de si extraordinaire ? Peu importe. Le plus important c'est que nous avons tout le temps devant nous. Je pourrais rester l'éternité, là, comme ça. Ce qui se dégage de lui me donnerait toute la force nécessaire pour vivre. Je n'ai besoin de rien ni personne d'autre.

« Oui » lâche-t-il enfin dans un murmure.

Je crois que je le savais déjà. Je pourrais lui poser un bon millier de question, pourtant je ne dis rien. Je me fiche des réponses. Elles sont sans importances. Seul lui compte. Ses yeux brillent, les miens doivent sûrement faire de même. J'aimerais le toucher, l'approcher, mais je crois que ça ferait trop. Je suis déjà à l'apogée.