Chapitre 25

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Je pose mon « journal intime » sur mon lit puis m'avance jusqu'à la fenêtre, comme j'avais l'habitude de faire dans ma chambre, sur Terre. J'admire le paysage, lasse. Je m'ennuie même au Paradis. Quand ma vie se montrera-t-elle attractive ? Quand viendra le jour où je me languirai d'un évènement ? que j'attendrai un moment avec impatience ou bien que je prendrai un réal plaisir à faire quelque chose ?

  Je l'ignore.

  Deux coups sont frappés à ma porte.

  - Am ?

  - Entre.

  Lahela ouvre et s'avance dans la pièce. Arborant un sourire qu'elle veut rassurant. Elle a un don pour paraître sincère. À première vue, tout le monde la prend pour une fille géniale et pleine de vie. Pourtant, pour moi qui commence à la connaitre, on peut lire de l'angoisse dans ses yeux, lors de rares moments, qu'elle fait son possible pour dissimuler. Je me demande si ce n'est pas son passé qui la rattrape. Passé dont elle refuse catégoriquement de parler, en changeant merveilleusement bien de sujet.

- Alors ? Comment ça va depuis tout à l'heure ?

  - Bien... bien.

  J'ai décidé d'être forte, alors pas question de me montrer affectée par les circonstances. Et puis, pleurer au Paradis, ça ce fait ?

  - Vous mangez aux mêmes horaires que nous ? demandé-je, soudainement intriguée par le quotidien des anges.

  - Pas tout à fait... ça dépend des lieux, des personnes...des classes sociales en général...si on peut parler de classes sociales. Pour faire simple, il y a en gros deux classes : les anges riches, puissants, nobles, ou qui gouvernent, et les marchands, travailleurs, ouvriers... chômeurs, pauvres... si tu veux des comparaisons avec ton monde, explique-t-elle un peu gênée.

  - Je ne savais pas tout ça...

  - Ouais...

  - J'avais une bonne image du Paradis avant d'y mettre les pieds..., rajouté-je malgré moi en ayant aussitôt peur de l'avoir offensée.

  - Tu sais, c'est plus compliqué que ça... je ne suis pas la meilleure pour expliquer... Tu demanderas à Théo, il t'en dira plus.

  D'un accord tacite, la discussion prend fin.

  Lahela et moi sortons de ma « suite ». Nous empruntons le même chemin qu'à l'aller, jusqu'à ce qu'elle m'indique de prendre à gauche et non à droite, soit la direction de la sortie du bâtiment blanc. Nous débouchons dans une sorte de grand restaurant. La salle est immense et surplombée de lustres étincelants, occupée par des meubles en bois foncé luisant. Des tas d'objets dignes d'être exposés au Louvre sont disposés de part et d'autres, tellement qu'il m'est impossible de m'arrêter sur chacun d'entre eux. Un homme d'une trentaine d'années à la carrure impressionnante, vêtu d'un smoking noir, nous indique une table située au bout de la salle. Il nous y conduit avec une classe presque extraordinaire. Sa démarche est si assurée, si légère et en même temps appuyée... j'en reste sans voix. Cet homme a juste marché, mais jamais je n'avais vu quelqu'un se déplacer aussi parfaitement. Il ne fait qu'un avec l'atmosphère et la gravité, il... oh à quoi bon chercher les mots, je ne les trouverai pas de toute manière.

  Avec une révérence sans faille, il nous laisse à notre table et s'éloigne. Je le suis des yeux, jusqu'à ce que Lahela me surprenne et me fasse les gros yeux.

  - Non, ne t'inquiète pas...

  - Je ne m'inquiète pas, réplique-t-elle.

  - Je sais, mais...

Ombre & Lumière Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant