Ombre & Lumière Tome 1

Chapitre 34

A la sortie de ma douche je me retrouve au beau milieu d'un brouillard de vapeur. J'ai dû rester un peu trop longtemps sous l'eau...

J'étale ma robe sur mon lit. Elle occupe presque toute la place. Ses paillettes et rubis la font scintiller de mille-feux, je crois que je serai belle ce soir.

Quelques minutes plus tard arrive ma servante. C'est elle qui est chargée de me donner une allure de princesse. Elle me coiffe, me maquille et m'habille en ajustant ma robe grâce à de petites épingles. Le tout prend deux heures. Je suis sûre qu'elle aurait pu m'arranger encore un long moment mais j'ai insisté pour qu'on en finisse là. Lorsque je me place face au miroir j'ai du mal à me rendre compte que c'est moi. Je ne suis plus la même fille. Mon visage a complètement changé, mes cils sont longs et d'une noirceur intense. Mes lèvres sont rouges comme si je les avais mordues jusqu'au sang. Ma couleur de peau est beaucoup plus sombre, sans doute de plusieurs tons ; moi qui suis plutôt pâle à en avoir l'air malade je trouve que je devrais sérieusement penser à me faire bronzer, ça en vaut la peine. Mes joues étrangement creuses et mon visage affiné m'effraient un peu, mais je me répète que c'est moi derrière tout ce maquillage, et qu'il s'en ira au lever du jour. J'ai l'air plus âgée, je me demande si c'est à ça que je ressemblerai plus tard, tout en redoutant de vieillir.

Quelques mèches bouclées me retombent près du visage et ondulent sur mes épaules. Mes cheveux sont rabattus en arrière tandis que quelques-uns sont attachés comme une queue de cheval qui n'aurait jamais vu le jour.

Je n'ai jamais eu le luxe de me payer une telle coiffure et je n'aurais jamais imaginé que ça puisse si bien m'aller. C'est splendide, magnifique ; je ressemble aux princesses que l'on voit dans les livres pour enfants, ou bien à un mannequin à qui on aurait donné l'air d'en être une. Cependant, avec ma tenue et mon maquillage, je ressemble davantage à une femme vampire diaboliquement froide et séduisante.

Petit-à-petit mes yeux descendent en suivant les courbes de mon corps. Il est temps de passer à l'essentiel. A ce qui me rend en ce moment-même si différente, extraordinaire. La robe, celle qui fait que ce soir je n'aurai pas de mal à me transformer en quelqu'un d'autre.

Elle est rouge. D'un rouge comme je n'en ai jamais vu. D'un rouge que l'on s'imagine étant enfant lorsque l'on apprend les couleurs, mais que de toute sa vie on n'a pas la chance de voir. Aucun feutre, aucune peinture n'est de ce rouge-ci, un rouge que l'on ne peut sans doute trouver qu'au Paradis. Un rouge comme l'aboutissement d'un rêve. La preuve qu'une chose que l'on n'aurait pas crue possible puisse être réelle. Je ne savais pas qu'une couleur pouvait être aussi belle. J'ignorais qu'elle pouvait traverser nos yeux pour toucher notre cœur, comme une flèche lancée par cupidon.

Par-delà la soie et les tissus sans équivalents sur Terre, il y a ces petites dentelles, si fragiles, qui recouvrent une partie de la robe, la parsemant ainsi de tous les petits ornements qui les décorent. Une multitude de parures embellissent la robe, à chacun de ses recoins. Le moindre détail compte, et dieu sait combien il y en a.

C'est une robe de bal. Une robe qui, je sais, tournoiera autour de moi lorsque j'entamerai une danse. Un coquelicot. Un coquelicot qui se retrouvera bientôt au beau milieu d'un champ de fleurs. Une infinité de couleurs viendront se mêler une-à-une dans la grande salle. Tout se mélangera. Nous nous perdrons les uns les autres. Ce sera la fusion entre des anges... et une humaine. Une simple humaine immortelle qui se voit être, avec surprise, au Paradis.

- Voulez-vous manger ou boire quelque chose ?

- Non merci, ça ira.

Je m'assois sur le rebord de mon lit, c'est devenu une habitude quand je réfléchis.