Chapitre 21

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  « Chère Maman, Cher Papa, 

J'espère que vous êtes bien rentrés. J'ai fait mes valises comme vous pouvez le voir... en fait je pars pour quelques temps, peut-être plusieurs semaines, avec des amis. C'est un grand voyage... je me languis, ça va être super ! Désolée de ne pas vous avoir prévenu avant mais j'ai oublié, tout s'est fait dans la précipitation si bien que j'ai à peine le temps de vous écrire cette lettre. Je n'ai pas mon portable avec moi parce qu'il ne marche plus. S'il y a un problème je vous contacterai, faut pas s'inquiéter !

A part ça, je vais louper les cours... mais il ne reste que deux semaines et on ne travaille plus beaucoup, vous savez comment se déroule une fin d'année... et puis le bac c'est l'an prochain, je louperai seulement l'épreuve de français mais elle doit pouvoir se rattraper. Donc tout va bien,  et si le voyage se passe bien - ce sera le cas j'en suis certaine - et bah je resterai pendant les vacances... Franchement je sens que ça va être génial.

Ne pensez pas trop à moi, profitez tous les deux et amusez-vous !

Gros Gros Bisous

Et à bientôt !

Am <3 »

Pourvu qu'ils ne s'inquiètent pas et qu'ils n'appellent pas la police...

Je range mon journal intime dans ma valise et énumère une dernière fois les objets susceptibles d'avoir été oubliés... mais à vrai dire j'ai pensé à tout. Je boucle définitivement mes bagages en prenant conscience qu'elles contiennent de quoi me rappeler d'où je viens, une fois que je serai au Paradis. Là-bas, ce seront sans doute les seules choses me rattachant à la Terre, à mon chez moi. Le reste ne sera fait que d'inconnu, de sibyllin et d'ésotérique. J'ai tout à découvrir, et je n'en ai pourtant pas la moindre envie. J'ai toujours aimé l'aventure, mais cette fois-ci je le vois d'un autre œil. Des tas de questions m'assaillent et je n'ai pas la moindre réponse. Comment les choses vont-elles se dérouler là-bas ? Qu'est-ce qui m'attend ? Ma famille est-elle en danger ? Les vampires pourraient-ils s'en prendre à elle ou du moins s'attarder dans mon village ? Et puis, et surtout, vais-je revenir un jour ?

A cette pensée mon cœur se serre et je sens mes yeux s'assécher et me picoter, aussi étrange que cela puisse paraître. Je songe à tous ces détails qui vont me manquer...

Pour commencer il y a mon réveil, que souvent je hais mais qu'aujourd'hui j'aime de tout mon cœur tant il me remémore les frais matins d'hivers et la sensation que mes rêves m'échappent malgré le fait que je persiste à les rattraper.

Ensuite il y a toutes mes petites habitudes du matin durant lesquelles je me rends dans à peu près toutes les pièces de la maison, avec leurs défauts et leurs qualités... comme par exemple le robinet de la salle de bain qui s'obstine à s'égoutter de longues minutes après utilisation, l'eau de la douche qui à certaines heures oscille toujours entre chaud et froid sans parvenir à rester stable et enfin les escaliers qui grincent et réveillent ainsi tous ceux qui se seraient retrouvés à dormir lorsqu'ils sont empruntés.

Après ma maison à laquelle je suis tant attachée – et qui, je crois, va énormément me manquer – il y a bien évidemment le paysage. Oui, parce que je ne suis pas certaine de retrouver les mêmes montagnes au Paradis. Alors même si parfois je hais mon environnement en enviant la mer et le soleil, je suppose que je vais quelques fois regretter le brouillard et la pluie qui m'étaient devenus si familier.

Enfin il y a le fameux trajet en car qui me mène chaque matin vers la société et me fait ouvrir les yeux sur la monde puis qui, chaque soir, me reconduit dans ma profonde solitude. Le long du chemin je cogite dans mon coin, interceptant parfois les rires des enfants ou bien des scoops promulgués par des lycéens. J'apprends systématiquement des petites gourmandises à me mettre sous la dent et malgré moi je prends part aux commérages.

Ce qui va me manquer, ce sont surtout les gens. Car, bien qu'ils ne se soucient pas de moi et qu'il en aille de même de mon côté, ils font parte intégrante de ma vie. Les gens que j'ai pour habitude de croiser, ceux de ma classe, Greg, Mathieu, Mme Cornichi, Mr Lebonmarché ainsi que tous les profs, ma famille... et tous les êtres humains, tout simplement...

Alors j'adresse une dernière fois mes aux revoir à la Terre, aux terrestres, à ma vie et à mon passé.

C'est, je crois, le moment de verser une petite larme... or, et presque à regret, je n'y arrive pas. J'ai l'impression que tout en moi refuse de gâcher mes derniers instants sur Terre à pleurer et ainsi troubler ma vue alors que mon corps entier me souffle de profiter encore un peu.

J'aurai tout le temps d'être triste là-haut, mais pour l'instant il faut que je sois forte.

Je suis déjà nostalgique de « l'avant » alors que je ne l'ai pas encore quitté. Pourtant je crois que c'est déjà fini. La page vient de se tourner et c'est irrémédiable.

Je regarde une dernière fois tout ce qui m'entoure avant que la porte d'entrée s'ouvre, signant l'arrivée imminente de mon départ.

- Salut ! s'écrie un ange


Voler. Ne faire plus qu'un avec l'air. Gravir la gravité elle-même. Aller là où bon nous semble. Défier le monde, mais aussi lui être reconnaissant. Aimer. Aimer tout plus que tout. Connaitre la valeur. Appendre l'art de réaliser nos rêves. Plonger dans l'atmosphère et glisser sur l'air. Se sentir léger, se laisser porter par le vent, et guider vers les nuages. Parcourir le bleu et s'y fondre, pour être lui, pour être ciel. Devenir couleur intense, profonde et infinie. Puis se transformer comme chenille en papillon, comme caméléon... changer de ton, changer d'émotion, changer de vision. Être immense et minuscule, voir horizon puis être horizon. Avancer. Découvrir. S'élever. Chuter. Et regarder défiler la terre, la mer... garder espoir. Apercevoir la lumière. Tout là-haut. Ne jamais la quitter des yeux. La fixer jusqu'à la dernière seconde. La fixer intensément, jusqu'à ce qu'elle se rapproche, ou que nous nous rapprochions d'elle. Ou peut-être même les deux. Oui, le soleil et la Terre qui se rejoignent. Accourant l'un vers l'autre tels deux amoureux qui se retrouvent... puis sourire. Et fermer les paupières. Dire merci. À je-ne-sais-quoi, je-ne-sais-qui. Observer le noir puis admirer le blanc, le contraste du bien et du mal, ou du mal et du bien. Ressentir la vie, la douceur et la rudesse. Le doute et l'assurance. La peur et... la confiance. L'envie d'aller plus haut. Toujours plus haut. Mais de profiter de chaque instant, chaque lieu. Enfin, ouvrir les yeux. Et s'envoler. S'élever. À toute vitesse. Le vent siffle dans les oreilles, frappe le visage et refroidit le corps. L'apprécier, le défier, l'aimer, jouer.

Vivre. Vivre comme personne n'a jamais vécu. Repousser les limites de la vie, de la galaxie. Et faire ce qu'aucun être humain n'a jamais fait.

Voler.

Ainsi, bras enroulés autour du coup de Théo, j'ai parcouru le ciel. Lahela nous a regardé et a souri. J'ignore ce qu'elle a pensé à ce moment-là. Tout ce que je sais, c'est que ça n'a eu aucune importance. Plus rien n'a eu d'importance. Je volais. Sur le dos d'un ange. J'étais vivante. Et heureuse. Plus que je ne l'avais jamais été.


Merci d'avoir participé au chapitre précédent ! La gagnante est yamik01 qui avait prédit qu'Am laisserait un mot, bravo à elle :) 

A votre avis, à quoi va ressembler le Paradis ? Donnez vos idées en commentaires ;)

Ombre & Lumière Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant