Chapitre 27

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Haletante, la respiration saccadée, le corps tout entier qui tremble, je cours aussi vite que possible. Ma vie en dépend.

  Je revois sans cesse l'épée du garde transpercer le vieillard, tout en l'entendant hurler derrière moi. Il appelle du renfort. Je suis fichue. Je regrette de m'être trouvé de fausses excuses pour ne pas faire sport au collège et au lycée. Je regrette de ne pas avoir accepté de faire du volley à Saint Sébastien quand Julie, une fille de la classe, me l'avait proposé il y a trois ans. Peut-être qu'une chose aussi anodine que ça me sauverait la vie ce soir. Malheureusement ce qui est fait est fait. Il ne me reste plus qu'à courir et à espérer que j'irai plus vite que « Wilfried » et ses acolytes. Il faut que j'arrête de penser, de réfléchir, ça me ralenti.

  J'ignore vers où je me dirige. Je traverse des ruelles désertes, je passe in extremis entre des maisons serrées les unes contre les autres... mais il n'y a pas d'autre option. Aucun moyen de monter sur les toits ou même de me cacher chez quelqu'un. Si je tente d'ouvrir une porte mais que celle-ci est fermée je perdrais de précieuses secondes lors desquelles les gardes en profiteraient pour rattraper leur retard.

  La seule solution pour moi est d'essayer de les semer, et pour cela je ne peux qu'accélérer et prier pour que la chance me sourisse.

  Et si je mourais ? Ici, au Paradis, là où d'après les légendes nous nous retrouvons lorsque nos vies s'achèvent. Mourir au Paradis. Dans l'antre de Dieu.

  « Elle est là » s'exclame soudain une voix que je reconnais bien. Ils m'ont vue. Ils sont là. A quelques mètres de moi. C'est fini. Si je n'avais pas hurlé de stupeur tout à l'heure rien de tout cela ne serait arrivé. Je regrette, et ça ne fait que m'énerver encore plus. Sauf que la colère n'est pas le sentiment dominant en cet instant, ce qui fait vibrer mon corps c'est la peur. Une peur forte et violente qui me fait tressaillir,  frissonner, trembler.

Cependant je commence à reconnaître les façades des maisons qui m'entourent. Je suis dans la rue du vieil homme qui jouait de la musique. Cela veut dire que... je suis toute proche de la petite place dans laquelle débouchaient les marches... ce courant d'espoir me redonne de la vitesse. J'y suis presque, je peux me sauver !

  « Arrête-toi ! Jeff, où sont les autres ?! Appelle-les ! vite ! »

  J'accélère de plus belle.

  « Où elle va ?! »

  Là où tu ne pourras pas me suivre, ai-je envie de répondre.

  Ça y est. J'atteins enfin les marches que je grimpe à toute allure. Je m'introduis dans les larges couloirs qui forment un labyrinthe de blocs de pierres blanches. Sur mon chemin sont allumées des torches qui n'émettent qu'une faible lumière mais qui cependant s'intensifie au fur et à mesure que je m'enfonce dans les murs du Palais. J'entends derrière moi résonner les cris malfaisants des gardes et me dis que s'ils m'attrapent ils pourraient bien me tuer sans même demander à connaitre mon nom. J'emprunte les escaliers que je me souviens avoir pris à l'aller puis, arrivée au sommet, me glisse dans un recoin et me laisse tomber par terre. Je n'en peux plus. Je suis si essoufflée que j'ai l'impression que je vais mourir. Je fais de mon mieux pour calmer mon cœur qui bat à la folie, de peur et d'épuisement.

  « Où elle est passée ? » Ça y est. Ils sont là, au pied des escaliers. S'ils choisissent de monter ils me verront ; et alors là c'en sera fini pour moi.

  Je ferme les yeux. Qui aurait cru que je mourrais ici ? Qui l'aurait cru ?

  « Elle a pris les escaliers ? »

Ombre & Lumière Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant