Chapitre 24

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Je me demande comment ça serait aujourd'hui, si j'étais toujours là-bas, est-ce que je continuerais à m'effacer comme je l'ai toujours fait ? Est-ce que c'aurait été ainsi toute ma vie ? Aurais-je pu finir vieille et morbide, sans jamais avoir connu le bonheur et les vraies saveurs de la vie ? Je n'aurai pas la réponse. Car je suis loin de tout ça à présent, un peu trop loin même. Dans un lieu, fort, fort lointain de mon village. Je suis dans un monde imaginaire. Un monde auquel croient les gens qui ont peur. Un monde dont j'aurais toute ma vie ignoré l'existence si l'un de ses ambassadeurs n'était pas venu me sauver d'un danger encore plus improbable que cette existence même.

Le monde est le Paradis, l'ambassadeur est un ange, et le danger une armée de vampire prêt à tout pour s'emparer de mon pouvoir – dont personne ne peut à ce jour prouver l'existence.


En ce moment je repense beaucoup à ma traversée des nuages. La peur que j'ai éprouvée avant de m'agripper à Théo s'est vite dissipée lorsque nous avons commencé à nous élever dans les airs. J'ai senti que je pouvais lui faire entièrement confiance, qu'il ne me laisserait pas tomber.

Au début je me suis étonnée de ne pas avoir froid, puis Théo m'a expliqué que les ailes des anges les protègent des intempéries. Elles forment une sorte de sphère protectrice, plus ou moins puissante selon les anges et leur état de forme. À ce que j'ai compris, il y a des anges plus forts que d'autres, comme tout être humain, et certains d'entre eux possèdent des pouvoirs...

Il a refusé de m'en dire plus.

Peu avant notre départ, Lahela a voulu savoir où étaient mes valises. Je les lui ai montrées du doigt puis elle s'en est approchée. Avant même que je ne puisse lui demander ce qu'elle comptait en faire, elle les a faites disparaitre. J'étais épatée, ébahie... en même temps, je me doutais bien qu'elle n'allait pas porter mes bagages jusqu'au Paradis...

En me voyant aussi surprise elle n'a pas caché sa joie. « Ne t'inquiète pas ! » m'a-t-elle dit, « Tu les retrouveras là-haut. Je les ai faites passer par un tunnel magique qui permet de faire la communication entre ton monde et le mien..., sympa hein ? »

Lorsqu'on planait, j'ai pensé.

À un tas de choses, plus ou moins importantes...

Est-ce que je manquerai au chat du voisin ?

Qui irait chercher le courrier si ce n'était pas moi ?

Est-ce que mes parents conserveraient les soirées pizzas du jeudi soir ?

Au fond, tout ça était déjà parti. Toutes mes habitudes, mes rituels, tous les détails auxquels je prêtais attention n'avaient plus lieu d'être...

Ma vie avait un peu coulé ces derniers-temps...

Comme Titanic...

Sauf que ce n'est pas moi qui est morte.

C'est Loana.

Elle me manque terriblement, et la seule chose que je peux faire pour combler ce vide, c'est de vivre pour elle.

« Vivre », ce mot avait perdu son sens.

Hieraujourd'huidemainlamorthieraujourd'huidemainlasuiteencoreaprèsd'autresjours


Dans le ciel, j'ai aussi pensé à mon avenir...

Beaucoup naissent et meurent au même endroit, sans jamais l'avoir quitté car ils n'avaient pas le choix. Je me suis souvent identifiée à ce genre de personne, et je connais bien le sentiment d'être rattaché à un endroit contre sa volonté. Je me suis toujours dit que je serais mieux ailleurs, mais, maintenant que je dois partir... disons que j'aurais préféré que ce soit vraiment volontaire. Là j'ai l'impression d'être arrachée à ma vie, à mes terres... Pourtant je n'avais pas de vie là-bas, et je n'ai jamais ressenti une quelconque appartenance à mon village natal. Je ne me suis jamais dit : « Ici c'est chez moi ». Non, jamais. Ma réaction est sans doute due au fait que je me sens encore plus perdue maintenant et que la nostalgie vient malgré moi noyer mon cœur.

Ombre & Lumière Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant