Chapitre 35

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Je sursaute. Autour de moi des gens discutent comme si tout allait parfaitement bien ; la musique des violons fait valser quelques danseurs et les buffets sont étouffés par une foule impressionnante d'anges qui papotent et dégustent les gourmandises réputées du Grand Bal du solstice d'été.

Moi, je suis plantée en haut des escaliers, à contempler les centaines de personnes déjà présentes à l'évènement de l'année. J'ignorais que la salle pourrait contenir autant de monde, et pourtant, malgré la masse de personne, elle est loin d'être comble. Les convives sont éparpillés dans tous les coins mais il y a quand même assez de place pour faire rentrer un troupeau d'éléphant.

L'orchestre est placé à l'étage, ou plutôt le rehaussement, qui donne sur la grande salle. On accède à celle-ci par des escaliers. Il y en a plusieurs. La pente des miens est légère. En fait ce ne sont pas vraiment des escaliers sur lesquels je me trouve mais plutôt de larges marches. Je suis seule à leur sommet. Surplombant la salle de bal et tous les anges qui s'y trouvent.

Soudain, un à un, ils se retournent vers moi. Des centaines d'yeux sont rivés dans ma direction. Comme si j'étais une star qui marchait sur le tapis rouge de Cannes. Je lance un rapide coup d'œil dans mon dos : personne. C'est bien moi qu'ils regardent avec... admiration ? C'est du moins ce qui en ressort. Qu'ai-je fait ? S'est-il passé quelque chose que je n'aurais pas saisi ? Oh ! C'est sûrement ma tenue !

Je tâte délicatement ma coiffure, d'après moi ce n'est pas là que ça cloche. J'en viens ensuite à baisser la tête pour vérifier que ma robe ne se serait pas trouée ou décousue par endroit. Je veux ce geste discret, hélas, je suis plutôt de nature maladroite.

A mes yeux tout va bien. Ma tenue est intacte. Je me trouve magnifique, peut-être un peu trop si bien que j'ai du mal à me reconnaitre à travers tous ces chichis.

Je lance à nouveau un regard vers la foule. J'ose froncer un sourcil, puis deux. Petit-à-petit les canons se baissent avant de revenir à leur occupation première : raconter les ragots, jouer les commères.

Quelques anges continuent néanmoins de me dévisager, cependant j'essaie de ne plus y prêter attention et descends les marches une par une et lentement – car je ne souhaite guère m'empêtrer les pieds dans les volants de ma robe qui trainent sur le sol.

Le centre de la grande salle est libéré. Les carreaux de différentes tailles et couleurs, oscillants entre plusieurs tons tels que le beige, le marron et le brun, y dessinent une sorte de rosace. Il s'agit de la piste de danse. Là où se présentent ceux qui veulent la commencer, la conduire, la mener.

Une fois en bas je remarque que l'éclairage est plus faible. Je me faufile entre les gens sans qu'ils aient le temps de me reconnaitre. Je sais que ma robe ne m'aide pas à passer inaperçue, mais quand je vois certaines femmes porter des fourrures fines oranges ou des robes en plumes violettes...

Les hommes quant à eux sont vêtus plus sobrement mais cela n'exclut pas l'extravagance de quelques-uns.

Tout ça me fait presque rire. Je suis au beau milieu d'un regroupement de riches bourgeois et anges issus de la noblesse paradisiaque. Qu'est-ce que je fais ici ? Je n'ai aucun point commun avec tous ces gens hautains et vicieux qui se manipulent même entre pères et fils. Je suis une fille honnête et timide, rien à voir avec ce qui m'entoure.

Des éclats de rire fusent dans tous les sens. Les gens s'agitent et lèvent les bras au ciel tout en se racontant des anecdotes. Je me fonds dans la masse, me perds, coule... Je ne sais pas où je dois aller ni vers où je me dirige actuellement. Je ne fais que m'enfoncer dans la foule tout en me faisant écraser et presser par des anges agités qui ne font plus le moins du monde attention à moi.

Ombre & Lumière Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant