Chapitre III

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De petites tâches au loin fendaient l'horizon. Une puis deux, puis trois, puis quatre...Puis des dizaines et des dizaines. Enfin on put distinguer le drapeau Manaé sur l'ensemble des mâts. La flotte de Pia était là, au port de Rebourg, à quelques centaines de kilomètres seulement. Daniel devait se préparer au pire. Avec son État-Major ils réfléchissent au meilleur moyen de repousser la flotte conséquente qui s'approchait dangereusement des côtes. A part la panique, et les regards perdus, les solutions ne venaient pas. Dans un coin du bureau de Daniel, Rafael regardait son demi-frère s'agiter, s'énerver contre les dizaines de Généraux qui défilaient dans son bureau. Des propositions farfelus émergeaient: construisons un mur sur le port, fuyons, ou la plus censée mais impossible, bombarder la flotte avec l'aviation. Mais cette solution n'était pas envisageable car la flotte était plus conséquente que la capacité de l'armée de l'air montoise à frapper. Daniel s'arrachait littéralement les cheveux. Il n'en pouvait plus, au bord de la crise de nerf, il s'énervait contre les Généraux et s'exclamait:

-Mais pourquoi Jacob de Harval s'est impliqué la dedans! Pourquoi cet idiot est-il allé se battre!?

Personne n'avait la réponse. La même journée, on apprit qu'Aysha avait libéré Macan et le Prince Jacob. Daniel n'en revenait pas. Il était installé au pouvoir, il ne manquait plus que le couronnement et tout serait rentrer dans l'ordre, mais non! Pia et Aysha ne le laissaient pas en paix. La seule bonne nouvelle arriva vers midi. Un soldat se présenta, un chevalier, ils étaient devenus les personnes de confiance de Daniel:

-Monsieur le Président, la piste était bonne. Alice Nikonov, chef des FARA est en prison.

Si Daniel s'en réjouie, Rafael se pétrifia brusquement. Alice était à Rebourg et enfermée. Il se précipita vers Daniel et dit d'un ton brut:

-Que vas-tu faire d'elle?

Daniel sursauta et répondit:

-Je ne sais pas. On verra cela plus tard! Tu vois pas que je suis occupé avec beaucoup plus grave que cette femme! Mais c'est une bonne chose qu'on ait plus à se préoccuper des FARA.

Rafael frappa le bureau des deux mains et sortit en claquant la porte de rage. Daniel haussa un sourcil d'étonnement. Dehors, dans les jardins du palais Semaine, Rafael prit l'air. Il avait l'interdiction de sortir du palais. Des chevaliers l'escortaient au loin pour être sûr qu'il ne fuit pas. Il marcha le long des sentiers bien dessinés, et près des arbres bien taillés. Mais que faisait-il ici? Nom de Rey! Il regarda par-dessus son épaule. Impossible de s'échapper, les gardes étaient juste là. Que faire? Fuir était impossible...Alice. Il devait sauver Alice, même si elle était trop fière pour demander de l'aide. Il fallait l'aider. Après cette courte méditation, Rafael se rendit dans le bureau qu'il venait de quitter. Daniel hurlait que l'énième solution qu'on lui proposait était absurde. Rafael se rapprocha de Donovan, et lui demanda:

-Où est enfermée Alice Nikonov?

-Au sous-sol du Palais. Pourquoi?

-Ce palais-là.

-Oui. La prison État de Rebourg est déjà pleine de soldat Allénien, alors on l'a mise là.

-Merci.

Donovan regarda Rafael quitter la pièce discrètement. Il descendit les escaliers avant de se tourner vers ses geôliers:

-Je vais juste au petit coin.

Il entra dans une chambre et s'enferma un instant dans la salle d'eau. Il entendit les gardes attendre devant la porte. Il ouvrit la fenêtre qui donnait sur la jardin, et s'accrocha aux moulures de l'extérieurs. Il calcula rapidement que s'il tombait, il ne mourrait pas, mais aurait sûrement quelques os de cassés. Prenant une forte respiration, il mit le pied sur un mince rebord décoratif et marcha jusqu'a une fenêtre adjacente. Il brisa d'un coup de coud la vitre et la souleva. C'était une antichambre avec quelques fauteuils recouverts de drap blanc, et trois meubles de petites tailles protégés par des plastiques. Retrouvant le sol ferme, Rafael fut soulagé, et continua son chemin. Il se fraya un chemin vers le sous-sol. Il évita les regards des gardes qu'ils croisaient. La petite « prison » intérieure du palais était en fait l'endroit où pouvait se réfugier la famille impériale en cas d'attaque du palais. C'était un dédale de couloir sombre qui donnait soit vers le sud, soit vers l'est, l'ouest ou le nord. Un garde était posté à chaque entrée et sortir. Il y avait aussi des bureaux et chambres afin de pouvoir vivre dans le sous-sol si la situation à l'extérieur ne s'arrangeait pas. Alice devait être dans l'un d'eux. Rafael marcha, longeant les murs, et tatillon, il ne fit aucun bruit. Sa respiration lui semblait assourdissante au milieu de ce silence. Des soldats rient brusquement, et Rafael se pétrifia. Il tendit l'oreille:

-Elle veut pas causer Nikonov. Elle pense que ses copains révolutionnais vont venir la sauver. Dit l'un d'eux.

-C'est fou ce qu'on peut être crédule. T'es allée lui donner à bouffer?

-À l'instant. Mais elle fait la grève de la faim en signe de protestation.

-Débile! Souffla l'autre.

Ils rirent de nouveau avant de partir. La voie était libre. Trop facile, pensa Rafael. Il devait y avoir un piège. Néanmoins il avança vers la porte en bois noire. Il regarda par le trou de la serrure. Alice était là, assise sur un lit, les maintes jointes, et ne touchant pas le plateau repas qui se trouvait sous ses yeux, sur un bureau. Il frappa à la porte document:

-Alice. Appela-t-il. Alice.

Elle leva la tête, quitta le lit et mit son oreille contre la porte:

-Qui est là? Ronor?

-Non, c'est Rafael.

-Mais que faites-vous ici? Dit-elle surprise en effaçant rapidement un sourire de son visage.

-Je viens vous libérer.

Elle se mit à rire:

-Chut! Fit-il. Chut!

-Qui vous a emmené ici? À Rebourg?

-Daniel Moscov.

-Je pensais qu'il vous tuerait.

-Il peut être très surprenant. Affirma Rafael. Et vous, que faites-vous à Rebourg?

-J'ai fuis Macan à l'arrivée de Daniel. Mais j'aurais dû y rester, votre demi-soeur a libéré la ville. Une brave femme.

Rafael acquiesça dans le silence. Brusquement un bruit étrange émana de l'extérieur. Puis un autre. Les murs tremblèrent de toutes partes, et de la poussière en tombait. Rafael se colla à la porte et attendit que cela passe, mais un autre bruit sourd retentit. Un garde hurla au loin:

-Les Manaés nous bombardent depuis la baie! Ils tirent sur la ville!

Tous couraient dans tous les sens afin de s'abriter. Une explosion retentit et des bruits d'avions se firent nombreux, et filant, comme le bruit d'une balle qui sort d'un canon:

-Partez Rafael. Je ne crains rien ici. C'est un véritable Bunker!

-Je viendrai vous sortir d'ici Alice. Je vous le promets.

Rafael grimpa rapidement les escaliers et se retrouva dans le hall du palais. Il s'orienta vers les étages supérieure avec détermination, sautant parfois une marche de marbre blanc. Un projectif se planta dans le palais. Un mur se brise. Rafael hurla de peur, et tomba sur le sol, protégeant son visage de ses bras. Il ouvrit les yeux. Un trou béant remplaçait le mur à présent. Rafael s'en approcha, et fit au loin, sur la baie des centaines des navires qui tiraient sans s'arrêter. Rafael n'en revenait pas de la porter des armes, des canons en acier qui, de leur boulets flamboyants, fendaient l'air nuageux de Rebourg. La population ne pouvait pas fuir. La ville est fermée, enfermée sur elle-même. De la poussière volait tout autour du palais, et dans le palais. Bientôt tout sera de la ruine. Rafael se baissa alors qu'un énième tire était pointé vers lui. Il entendit le mur s'effondrer près de lui, et pria pour que rien ne lui tombe dessus. Les tirs s'arrêtèrent. Les bateaux reculèrent alors que les avions Montois bombardaient sans relâche la flotte Manaée. Ils battaient en retraite mais pour un temps seulement. Ils allaient revenir. Rafael sentit une main sur son bras. Une main qui l'aidait à se relever. Il ouvrit les yeux:

-Que fais-tu ici? Demanda Daniel.

Rafael fut horrifié par ce qu'il venait de voir. Daniel était blessé. Du sang sortait de sa manche blanche, maintenant immaculé de rouge vif et chaud. Il saignait aussi de la tête, il avait dû recevoir un projectif alors que les Manaés bombardaient. Après avoir aidé Rafael, il s'avança vers le pan de mur disparu et regarda dehors à son tour:

-Ils vont revenir. Souffla Rafael.

-Oui.

-Que vas-tu faire?

Daniel se tourna vers son demi-frère, eut un sourire triste sur sa face ensanglantée, et dit d'un ton compatissant:

-Prier. 




Les Seigneurs de Fallaris Tome 2: MonterreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant