Chapitre XVII

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Le quotidien du Prisonnier 5643, c'est à dire, Ronor Turnin était délimité par les sons d'une cloche omniprésente. Les gardiens la faisaient sonner à l'aube pour le réveil, à dix-heures pour le changement d'équipe par activités, à midi, pour le repas, à midi et demi, pour la fin du repas, à seize heures pour le deuxième changement, à dix-heures heures pour le repas du soir, à dix-neuf heures pour la fin du repas, et à vingt et une heures pour le coucher après les deux heures de battements, heures durant lesquelles les prisonniers écrivaient, rangeaient, ou, comme c'était le cas pour Ronor, recevaient leurs médicaments. Tous vêtus d'une combinaison vertes claires, moches, souvent couvertes de boue, ils déambulaient. Il y avait certains prisonniers de grandes tailles, les muscles sortis, qui regardaient de haut les petits hommes comme Ronor. Alors lors des heures de temps libres, le jeune homme s'enfermait seul dans la minuscule bibliothèque du camp. Le Monterre était un pays qui plaçait tous ses citoyens aux mêmes rangs, et l'accès à la culture était primordiale. Il n'y avait aucun ouvrage sur l'histoire de l'Allénie, sujet qui passionnait Ronor depuis quelques temps. Il se contentait du livre d'Alexandre Millénia, le plus grand auteur Allénien. Cette histoire où il se ne passe rien, mais ça intéresse:

-A chier ce bouquin!

Ronor sursauta. Il était assis au seul bureau de la pièce, le livre ouvert devant lui. Il leva les yeux. Un autre prisonnier le surplombait, regardant par dessus son épaule. Les cheveux courts, presque rasés, le regard fuyant comme-si le danger était palpable au milieu des livres, et il avait un tic, n'arrêtant pas mâcher quelque chose dans sa bouche, alors qu'il ne semblait rien avoir dans la mâchoire.

-Euh...Oui. Bof. Dit Ronor après un temps.

-Je dis ça, je l'ai pas lu.

Il renifla brusquement:

-Pourquoi t'es là toi? Meurtre?

-Euh...

Ronor ne savait pas quoi répondre. Qu'avait-il fait de mal? Mise à part naître:

-Je connais les mauvaises personnes. Finit-il par dire.

-Genre! Des gens haut-placés! Classe!

-Bof...Quand un puissant vous déteste, vous vous sentez plus minable qu'une fourmi.

-Drôle de comparaison mais j'accorde.

Puis Ronor comprit que cet homme n'était pas là pour les livres, ou pour passer du temps au calme, loin des autres qui se pavanent. Il s'approcha de Ronor et lui souffla:

-Dis-moi, ça te diras pas de t'échapper.

Le jeune homme ne bougea pas, il resta de marbre. Il ferma doucement le livre, se leva:

-Tu as un plan?

Ronor fit mine de ne pas avoir peur, d'être sérieux, courageux, mais au fond il tremblait. Ils marchèrent l'un derrière l'autre, alors que Ronor allait ranger l'ouvrage à sa place:

-Ouais. Mais je besoin d'un mec comme toi.

-Comme moi? S'étonna Ronor.

L'autre jeta un oeil au-dessus de son épaule pour être sûr qu'aucun gardien ne l'entendait:

-Ouais, un intellectuel. Tu es le seul a fréquenté la bibliothèque. Tu vas pouvoir nous aider.

-Nous?

-Oui, moi et un autre. Tu verras. On en parle demain au réfectoire.

Et il s'en va, claquant ses talons. Ronor avait retenu trois choses de cette conversation: qu'il passait pour l'intellectuel du camp, qu'il allait s'échapper, et qu'Alexandre Millénia n'était guère apprécié à sa juste valeur. Et alors que la perspective de quitter cet endroit lui effleurait l'esprit il pensait à Pauline Aizon. Il se remémora leurs si nombreuses disputes, et leurs tendres baisers. Il avait aimé l'embrasser, et il aimerait le faire de nouveau. Oui. Il aimerait. Mais ce qu'il aimerait par-dessus tout c'était allé en Allénie trouver sa vraie famille et enfin comprendre qui il est. Oui, il allait quitter le camp pour gagner le pays de ses ancêtres et admirer le travail de ses parents. Admirer la démocratie, celle pour laquelle ils étaient morts. Il se coucha le coeur lourd mais satisfait.

Les Seigneurs de Fallaris Tome 2: MonterreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant