Chapitre XII

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Le Prince Jacob de Harval, bien naïf, avait suivi la jeune Aysha sans se rendre compte qu'elle avait clairement compris qu'il la poursuivait. Alors par défi, elle était sortie de la grande salle, et il se retrouva dans une bibliothèque, immense, imposante, avec des milliers de livre en Manaé. Sa langue maternelle. Il sursauta quand la porte claqua derrière lui. Aysha lui fit face:

-On me suit?

Il balbutia, incapable d'articuler. Là, dans cette pièce peu éclairée, il avait devant lui, l'une des plus belles femmes du monde, et il ne savait que dire pour sa défense. Elle rit aux éclats, se moquant de son uniforme au passage:

-C'est l'uniforme des généraux Manaés. Dit-il vexé.

-Ainsi vous avez combattu pour avoir ce grade.

-Euh...Non. Avoua-t-il.

Elle sourit, et dû se mordre la joue pour ne pas rire. Jacob était trop faible pour qu'elle prenne du plaisir à se moquer:

-Vous n'avez pas répondu à ma question? Vous me suivez?

Il réfléchit un instant, puis dit franchement:

-Oui, je vous ai vu discuter avec le Prince Daniel, et...

-Quel curieux!

-Je sais qu'il est votre cousin, mais...

-Mais...

Elle l'invita d'un geste à continuer:

-Ne lui faites pas confiance. Dès que vous aurez le dos tourné, il vous brisera.

Aysha s'étonna de la sincérité de Jacob. Il n'avait pas hésité un instant à dire ce qu'il pensait de Daniel, malgré le lien de parenté entre elle et ce dernier. Elle eut presque envie de le remercier de sa franchise, mais surtout de sa mise en garde, comme-si il tenait à elle. C'était bien la première fois qu'un homme le mettait en garde contre un autre homme. La solidarité masculine ne semblait guère importante chez Jacob. Devant le silence, le Prince murmura:

-Excuser mon impertinence. Oubliez ce que j'ai dit. Je suis stupide.

-Non. Voyons, vous êtes bien des choses, mais bien loin de la stupidité que vous pensez posséder. Croyez-moi.

-Je vous remercie. Je prends vos paroles comme un compliment.

Silence, pesant, puis Aysha déclara:

-Nous devrions retourner à la soirée, personne ne voudrait louper la déclaration de Léon.

-Evidemment. Affirma Jacob.

Elle ouvrit la porte, ils traversèrent un couloir, suivant la musique, et les paroles. Ils se séparèrent rapidement. Aysha lança un regard au dos de Jacob dans son uniforme de général noir aux coutures dorées. A aucun moment, elle ne remarqua les yeux de Daniel sur elle. Il s'imaginait les pires complots contre lui, il serra son poing, la colère monta, et il repensa à Pauline et à Ronor, et son énervement était au paroxysme. Ce fut à ce moment que Léon décida de faire sa déclaration. Il claqua une petite cuillère sur son verre et demanda l'attention de tous:

-Je vous remercie d'être si nombreux, toutes têtes couronnées que vous êtes. La Princesse Alexane et moi-même sommes heureux, et j'ose espérer que cela sera pour toujours. Ainsi j'annonce officiellement la date du mariage pour le 6 Hutau.

Tous applaudirent à l'évocation de la date. Alexane restait droite, se raccrochant physiquement au bras de Léon et mentalement au regard de Daniel. Il ne la quittait pas des yeux, lui donnant toutes les forces nécessaire pour qu'elle ne pleure pas, qu'elle ne cède pas. Tout le pouvoir de Daniel sur sa cousine se traduisait par ce regard, ces yeux, banals, mais imposants. Comme omniprésent dans l'esprit de la jeune femme. Elle ne ressentait presque plus le reste, ne voyant pas les autres. Ce fut la musique, qui reprit après le monologue de Léon, qui l'arracha à ce moment hypnotique intense. Soline dansa avec Denis. Toujours aussi bonne actrice, pensa Daniel. Puis il jeta un oeil à la pendule murale de la salle, et décida qu'il était temps de rendre visite à Pauline Aizon. Il appela Dimitri d'un geste de la main. Ils prirent une voiture, roulèrent un peu moins de quinze minutes et arrivèrent au palais du Président. André, le majordome, ouvrit au Prince. Dimitri resta dans le hall, tel un chien, prêt à bouger à chaque bruit suspect. Daniel grimpa les marches deux par deux, énervé. Il fit craquer son cou, étira ses bras, mais surtout fit claquer la langue dans son palais. Ce bruit alerta Pauline qui lisait dans sa chambre. Elle se leva, comme prête à fuir, mais la porte s'ouvrit sur Daniel. Il la referma. Avançant d'un pas immense, il dit d'un ton calma, apathique:

Les Seigneurs de Fallaris Tome 2: MonterreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant