Chapitre XIV

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Une valise à la main, un ventre rond important, un fin voile sur ses cheveux blonds, Alexane de Harval traversait le Romaland dans un train de couchette. L'Allénie était encore loin. Elle espérait que Pauline ait trouvé Vespay comme elle lui avait conseillé. Et si Pauline était avec Vespay, Alexane devait la rejoindre, et si Ronor était avec Pauline, alors Alexane retrouverait enfin son demi-frère. Son bébé aurait un oncle et une tante faute d'avoir un père. Cette pensée lui arracha une larme. Mais personne ne devait la voir pleurer, et surtout pas la reconnaitre. Il faisait froid. L'hiver était là depuis quelques temps. Elle souffla sur la fenêtre du wagon et de la buée se forma. S'enfuir. Oui, s'enfuir était apparu comme la seule et unique solution face à l'emprise croissante que Daniel avait sur le Monterre. Les arrêts en gare étaient fréquent. Alexane découvrit chaque recoin du nord du Monterre, puis du Romaland. Une grande prairie peu montagneuse, quelques collines parsemées, rien de plus, rien de moins. Elle ne serait jamais venue au monde si Calvil VII, à l'époque jeune Prince du Romaland, n'avait pas accepté de laisser partir Olga Moscov. Vladimir avait eu tant de courage, pensa Alexane rêvassant sur sa banquette. Le pauvre petit comte Layton avait parcouru des kilomètres pour se jeter devant un carrosse et demander la main de la femme qu'il aimait. Alexane aurait tellement voulu le rencontrer, elle qui est née un jour avant sa mort. Cet attentat lui a tout pris, sa mère, son grand-père...Ce ne fut que le début de la décadence des Moscov. Le train entra en gare de Rival. Elle avait un changement pour la frontière allénienne. Le soleil était à son zénith quand elle mit le pied sur le quai de la gare. Un crieur qui vendait des journaux hurla:

-Le Président Moscov du Monterre déclare la guerre à l'Allénie! Le Président Moscov du Monterre déclare la guerre à l'Allénie!

Les trains qui conduisaient à Macan ou à la frontière étaient pleins. Les Alléniens fuyaient le Romaland qui s'était cependant affirmer neutre. Alexane eut du mal à trouver une place, elle mit en avant sa condition de femme enceinte et une jeune femme lui offrit son siège. Le trajet fut désagréable, tous les Alléniens maudissaient Daniel, le fils de de la despote. Un vieil homme dit:

-J'ai connu les Moscov avant Vladimir, un grand homme, j'ai connu les Moscov sous Vladimir, puis sous Elizabeth, et je connais à présent la république, aucun système n'est bon. L'Allénie resplendissait sous Vladimir Ier, il était un homme brave et bon, il voulait la démocratie. Il nous faudrait un nouveau Vladimir.

-Que devient la fille du Prince Cyril, la jeune Alexane? Ne ferait-elle pas une bonne impératrice? Demande un jeune homme qui avait lu trop de livre d'histoire.

-Peut-être. La République est corrompue, Daniel Moscov est avide de pouvoir...Qu'allons-nous devenir? Murmura le vieil homme dépité.

Alexane esquissa un demi-sourire, mi-brisé, mi-heureux. Les Alléniens se souvenaient d'elle, de ce bambin envoyé en Garmanie pour être marié à Francis de Garmanie. Puis la déchéance de son père l'avait conduite à rejoindre la famille de sa mère. Les Alléniens ne l'avaient pas oublié, même si elle avait oublié à quoi ressemblait l'Allénie. Le train franchi la frontière. Macan était encore loin. Alexane s'assoupit un moment, la main sur son ventre, chérissant déjà ce petit être que Léon ne verrait jamais:

-Gare Ouest de Macan! Gare Ouest de Macan! Hurla le contrôleur.

Alexane sursauta. Elle était enfin sur la terre de ses ancêtres. Etrangement elle ne ressentie aucun sentiment spécial. Sa tête c'était Taurin, sa mère avait très peu vécue en Allénie, son père avait été détruit par ce pays. Alors elle ne sentie aucune émotion, aucune satisfaction d'être présente. Juste un léger dégout devant le mendiant qui lui tendit une main sale alors qu'elle sortait de la gare. Elle eut un mouvement de recul, mais elle lui tendit une billet, elle n'avait presque aucune monnaie, mais elle avait l'habitude de donner au mendiant. Un réflexe. Dehors elle ne sut que faire. Trouver Vespay était la seule solution. Elle avait son adresse, sa vieille adresse. Elle prit un taxi. Vespay avait quitté son appartement devenu musée à la gloire de sa famille. Le Musée Vespay: deux ministres sous deux Révolutions. Alexane demanda au chauffeur s'il savait où vivait Vespay à présent:

Les Seigneurs de Fallaris Tome 2: MonterreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant