Chapitre V

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Il avait beau être un Ronor, et avoir un père fier de ses origines illustres, Tobias n'usait jamais de son nom qui pourtant avait une excellente réputation en Allénie. Personne n'était plus vénéré et vénérable que Lana Ronor. Son histoire avait tout pour plaire: battante, martyre, belle histoire d'amour, mort tragique, fils digne hériter...Bref un parfait symbole du pays. Son « aura » était repris un peu partout, même dans certains slogan politique. La dernière campagne de Notre Allénie avait pour slogan: « Bat toi comme un Ronor et sauve l'Allénie ». Stupide, pensa Tobias en regardant la fumée de sa cigarette s'échapper de sa bouche. Il jeta un oeil à l'heure sur sa montre bracelet. Il était encore en retard, pas lui, son cher camarade. Pour se faire patienter Tobias commande d'un geste de la main une pinte alors qu'il était assis à une table sale et bancale d'un vieux bar. Il n'y avait personne. Il n'était que seize heures. Un vieil homme jouait du piano près du comptoir et se mit à chanter un chant patriotique: Une ballade qui se nommait « Tu ne sais rien »:

Toi aussi mon ami, pense à ce Moscov mort pour ton pays, pense à la belle brune aux yeux brillants d'espoir, elle se nommait Ronor, je connais l'étincelle de ses yeux, et elle me manque, personne n'a pu lui dire adieu. Tu sais mon ami, tu ne sais rien de ces matins, de ces nuits terribles. Tu ne sais rien. Elle avait tout à offrir, pour nos demain, tu ne sais rien mais tu voudrais bien. Il voulait l'aimer jusqu'a la fin. Tu le sais. L'aimer jusqu'a la fin. »

Brusquement Tobias fut sortir de sa rêverie par une tape sur l'épaule:

-Désolé. Le tram roulait pas. On investit dans des technologies de merde.

Il s'assit près de Tobias. En fond le vieux continuait de réciter ces chants qu'on apprend à l'école, et qu'il avait du lire dans les journaux dans les années 20, juste après l'exécution de Lana Ronor. La bière arriva:

-Dis moi tout Gabriel. Pourquoi tu as besoin de moi?

Gabriel était l'un des rares amis de Tobias. C'était un homme de taille moyenne, la face grasse, le nez rebondit, mais des yeux pétillants de bonheur et d'envie. Il inspirait la sympathique. Il ôta son béret et dévoila des cheveux châtains fins. Il était ouvrier dans une usine d'armement, de ce fait il avait les mains sales de cambouis et souvent ses oncles étaient noirs de crasses. Impossible pour lui d'enlever tout ça puisque chaque jour il y retournait:

-J'ai un contrat de malade.

En plus d'être ouvrier, Gabriel faisait de la contrebande d'arme qui ne correspondes pas aux normes alléniennes et qui devaient être détruites. Mais tous savaient qu'elles n'étaient pas détruites mais revendues à ses gens désespérés qui cherchaient à s'armer. Souvent Gabriel faisait appel à Tobias pour faire passer les contrats pour la simple raison que Tobias avait été à l'université de Finack et maitrisait plusieurs langues, et savait marchander. Il était en quelques sortes « l'avocat » de Gabriel et de sa bande de vendeur d'arme. Tout cela était évidemment illégale, mais tout le monde y trouvait son compte. Le contremaitre de l'usine prenait une commission, Tobias aussi, et le reste de la somme perçue était partagée entre les ouvriers qui trempaient dans ce bordel. Tobias gratta une cigarette et en proposant une à Gabriel qui refusait en expliquant:

-Si je fume j'aurais pas le même débit de parole, et je dois retourner bosser.

-Alors, dis moi. Fit Tobias dans un soupir.

-Selon ce que m'a dit mon boss c'est le contrat de l'année. Des gros clients, ils veulent énormément d'arme et autre chose, mais ils voulaient pas nous le dire.

-Ça sent le coup fourrée ton truc.

-C'est exactement ce qu'a dit le Boss.

Le Boss c'était le contremaitre de l'usine. Tobias avait travaillé là bas avant d'être viré pour insubordination, il avait rencontré Gabriel comme ça, sur la chaîne de montage des fusils:

Les Seigneurs de Fallaris Tome 3: GarmanieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant