Chapitre II

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Un coup dans les côtes, il hurla et du sang sortit de sa bouche accompagné d'un fin filet de bave. Autour du ring, tous hurlaient des encouragements inaudibles, incompréhensibles. Les spectateurs levaient les poings, déterminés à voir leur poulain gagner. C'était ainsi qu'ils les désignaient: les Poulains. Comme des chevaux alors qu'ils étaient des êtres humains. Un coup dans la tête, il recula un peu sonné, mais répliqua avec force. Dans ce bar miteux de Rebourg avait lieu des combats clandestins, deux hommes pauvres qui se battaient jusqu'à ce que l'un d'eux tombe et ne puisse plus se relever, et les hommes riches pariaient sur l'un d'eux des sommes astronomiques. Des combats de coqs en soit. Cette ambiance malsaine débordante d'alcool, de sueur et de sang, cela rendaient les gens presque euphorique. Là sur le paquet abimé du bar, à deux mètres du comptoir ou buvaient des ouvriers, le sang allait couler. Les deux combattants étaient diamétralement différents de par la carrure, et l'ensemble de la physionomie. Chaque attaques, coups de poing, de pied, rendaient les spectateurs fou de joie, contents, plus il y avait de sang, plus ils buvaient, plus ils criaient. Le gagnant fut proclamé le torse nu, ruisselant de sueur et de sang. L'arbitre lui prit le poing et le leva en l'air. Tous haletèrent en applaudissant, ils crièrent son prénom:

-Tobias! Tobias!

Le jeune homme regardait son adversaire tenter de se relever en vain. Il y était allé un peu fort, pensa-t-il. Le propriétaire du bar voulu lui offrir un verre:

-Après, répondit Tobias, je vais me laver avant.

Il avait du sang partout, les mains, les joues, le torse, et se sentait sale. Il gagna l'arrière du bar, où se trouvait une petite salle d'eau qui servait de toilette aux clients souvent trop bourrés pour viser correctement. Tobias passa de l'eau sur son visage, et se regarda dans le miroir. Il eut mal. Sa face était rouge, il aurait un oeil au beurre noir. Déjà, depuis quelques années il se trimbalait une cicatrice qui lui traversait l'oeil droit, du coin du sourcil vers la joue. Une agression dans une rue noire lorsqu'il vivait à Finack. Il avait eu une chance inouïe, son oeil avait été épargné. Ses yeux foncés étaient d'une banalité étonnant. Mais ce dont il était le plus fier c'était ses cheveux, d'une noirceur parfaite, légèrement ondulés sur son crâne, entourant un visage blanc, avec une barbe de quelques jours. Il soupira en s'appuyant des deux mains contre le lavabo. Rien que ce geste lui faisait mal, ses doigts avait soufferts, et étaient encore rouge. Il avait envie de boire et de fumer à présent. Après s'être débarrassé du sang, il remit son maillot blanc, et ses bretelles avant de s'accouder au comptoir. Le bar s'était vidé en peu de temps. Il était tard. Rebourg s'endormait. Le propriétaire lui tendit une pinte de bière en lui faisant un clin d'oeil:

-Cadeau de la maison.

Tobias sourit doucement en prenant son étui à cigarette. En grattant l'allumette pour enflammer sa cigarette, il esquissa un sourire à la jeune femme qui le regardait du coin de l'oeil. Il les repérait à dix miles, ces prostitués qui cherchaient les hommes malheureux à réconforter. Il n'avait plus la force de quoi que ce soit ce soir. Il expira la fumée, et bu sa bière, la douleur s'accroissait doucement dans ses articulations. Il grimaça:

-T'as été bon. Fit le propriétaire. T'as appris à te battre où?

-Dans une prison à Finack. Dit Tobias le ton lasse et lointain.

-Pourquoi t'étais en tôle?

-On m'a prit pour un révolutionnaire. J'étais au mauvais moment au mauvais endroit.

-Comment t'es arrivé à Rebourg?

Ce barman était bien curieux, pensa Tobias. Qu'importe. C'était toujours agréable de discuter:

Les Seigneurs de Fallaris Tome 3: GarmanieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant