Mauvais rêve ?

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Je reprends mes esprits tout doucement, mais n'ose pas ouvrir les yeux. J'ai peur de ce que je pourrais voir, peur de me rendre compte que les loups sont revenus pour achever le travail. J'ai dû perdre beaucoup de sang car je ne ressens plus rien du tout, plus de douleur, plus de fourmillements, pas même la morsure du froid de novembre, rien du tout. Même le sol me paraît plus confortable, si je ne savais pas que je me trouve allongé sur le bitume, je pourrais croire que je suis bien au chaud dans mon lit et que tout ça n'était qu'un rêve.

Le bruit d'une porte qui claque et de pas pressés m'interpellent et me forcent à ouvrir précautionneusement les yeux. Un après l'autre.

Putain mais c'est quoi ce bordel ?

Je suis dans ma chambre, confortablement installé sous mes couvertures. Serait-ce possible que tout ça n'ait été qu'un rêve ? Le genre de ceux qui foutent vraiment les boules et où on ressent la douleur ? Peut-être que mon esprit tordu a tout imaginé et que j'étais simplement trop défoncé pour bouger hier soir. Après tout, je ne me souviens pas être retourné dans ma chambre, et puis je devrais avoir encore mal si je m'étais vraiment fait bouffer le cul.

Ouais... Un bad trip, Ça doit être ça... Ça ne peut qu'être ça...

Je tourne la tête pour voir l'heure et chercher une explication à l'entrée fracassante qu'a fait mon colocataire. Il est 15h10, j'ai au moins une réponse à mes questions. Mon coloc, lui semble prêt à péter les plombs d'un instant à l'autre, c'était évident, ça devait arrivé, il passe bien trop de temps le nez dans les bouquins. Il tourne en rond, comme un lion en cage. Je roule péniblement sur le côté pour lui faire face:

- Ty, qu'est ce qui t'arrive? grommelé-je encore endormi

- Je crois que je deviens dingue ! J'ai l'impression qu'on me suit. Depuis ce matin, partout où je vais, je vois le même mec. Putain, c'est pas vrai, il est là. Regarde !

Il couine presque en parlant, tant son niveau de stress est élevé, je peux presque le ressentir. Je me décide à sortir de mon lit pour regarder ce qu'il me désigne de son doigt tremblant. J'avance en traînant des pieds jusqu'à la fenêtre pour qu'il arrête de s'égosiller, et savoir si, oui ou non, mon coloc a complètement perdu la raison.

A priori, il est sain d'esprit. Il y a bien un mec, en bas de notre immeuble. Il est assez grand et plutôt fin, mais il y a quelque chose de flippant chez lui. Il est vêtu de noir, de la tête aux pieds et fixe la fenêtre de notre chambre. Comme s'il nous surveillait. S'il colle au train de Tyler depuis ce matin, rien d'étonnant à ce qu'il soit inquiet. Il est si nerveux que j'ai l'impression d'entendre son cœur battre d'où je suis.

Je me tourne vers Tyler, au bord de l'évanouissement, je lui offre un sourire et essaye de le rassurer tant bien que mal.

- Ne t'emballes pas, il ne suit peut-être pas. Peut-être que sa copine à une chambre dans notre bâtiment...

Je décide de lui raconter mon rêve étrange pour le calmer et lui changer les idées. Je me retourne pour prendre de quoi me rouler un joint quand une effluve étrange me monte au nez.

L'odeur est forte et dérangeante, à tel point que je n'arrive pas à penser à autre chose, mais devant la panique grandissante de Tyler, j'essaye tout de même de faire abstraction

- K

- T'inquiètes pas Ty, tu n'es pas le seul à avoir l'esprit qui te joue des tours en ce moment. T'imagines pas le rêve que j'ai fait hier...

- K...

- Attends, je vais te raconter. Mais putain, tu sens pas cette odeur ? On dirait de la sueur et de l'herbe ? Non ?

- K !

- J'ouvre la fenêtre, ça ne te dérange pas ? Je ne sais pas ce que j'ai foutu mais ça pue dans la chambre. Alors le rêve...

- Clark !!

Je m'arrête net, il sait pourtant que je n'aime pas qu'on m'appelle par mon prénom. Je le regarde en haussant un sourcil, l'air mauvais.

- Excuse moi mais tu ne voulais pas la fermer ! Ta jambe !

- Oui, ben quoi ?

Je baisse les yeux et vois une traînée de sang qui part de l'arrière de ma cuisse et coule jusqu'à mes pieds. Qu'est ce que c'est encore que ça ? Je tourne sur moi même pour voir où j'ai pu me blesser, je tâtonne ma cuisse à la recherche d'une plaie mais ne sens rien, il y a trop de sang pour que ce soit une simple égratignure. Est-ce que ... ?

Je baisse mon caleçon trempé de sang pour vérifier mon hypothèse.

- Non mais ça va pas, fous toi à poil vas-y. Oh putain mec ! Ton cul !

Il n'y a pas un foutu miroir dans cette chambre, fais chier. Je sors en courant et fonce en direction du hall d'entrée, le caleçon baissé jusqu'à mi-genou, ce qui me vaut des applaudissements, des regards gênés et des cris d'horreur. J'ai déjà fait bien pire que ça, ils s'en remettront.

Planté dans le hall, j'examine mes fesses. C'est bien ce que je pensais. La droite est parfaitement normale, mais la gauche... la moitié m'a été arrachée. Des lambeaux de peau sanglants pendouillent lamentablement de part et d'autre de la plaie. Je ne vois même pas comment un médecin pourrait arranger ça. une fois, j'ai vu ma mère vider la dinde pour Noël, ce qu'elle sortait de la pauvre bête était plus beau à voir que mon cul à l'instant présent, c'est dire.

- Tyler ! Tyler !

- Je suis là, tu veux que je t'emmène aux urgences ?

- Putain oui !

- Tu veux pas mettre un pantalon avant ?

- Rien à foutre

Nous sortons tous les deux du bâtiment, sous le regard ahuri des étudiants, sauf le mec en noir qui n'a pas bougé mais nous détaille l'un après l'autre, comme s'il cherchait à savoir qui est qui.

Il ne nous faut que quelques minutes pour nous rendre à l'hôpital le plus proche, Tyler me dépose devant l'entrée pour que je puisse être prit en charge tout de suite, pendant que lui cherche une place de parking.

L'infirmière a l'accueil me regarde, de haut en bas. Elle doit avoir l'habitude de voir débarquer des mecs dans mon genre, complètements bourrés, à poil et super nerveux. Comme moi en ce moment, à un détail près, je n'ai rien consommé pour une fois.

Ce qui me met dans cet état de nerfs ? Absolument tout. Le bruit des machines, omniprésent et strident. L'odeur de sang et de vomi qui émane des salles de soins. La voix du gosse à un mètre. La peur, à cause du sang et de l'absence de douleur.

J'ai l'impression que tout est exacerbé. Les bruits plus forts, les odeurs envahissantes, les regards plus pesants.

Tout m'agace et je commence à perdre patience, alors quand elle me demande ce qui m'amène, je lui hurle dessus "Je me suis fait bouffer le cul par un putain de loup !"

Elle me donne des papiers à remplir, j'ai envie de lui jeter en pleine gueule mais je me retiens, ça n'arrangera pas mon cas. Je ne comprend pas ce qui m'arrive. Je me sens nerveux, j'ai envie de hurler et de tabasser le premier venu. Je me dis qu'il vaut peut-être mieux que je sorte prendre l'air.

Je tombe nez à nez avec le type en noir

Il me détaille et finit par me coller quelque chose sur le visage en murmurant entre ses petites dents tordues "Bonne nuit Tyler".

Et je perds connaissance, encore

Eclat d'ambre [Terminé ; en attente de correction ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant