Quitte ou double

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A quelques mètres d'elle, j'hésite. Je ne peux pas me résoudre à partir comme ça. Si James apprend que je suis sorti grâce à elle, les représailles seront terribles. Il risque de la blesser, de la torturer, voire même de la tuer. Après ce qu'elle vient de m'avouer, ça ne m'étonnerait pas venant du nabot. Je me tourne vers Freyja, qui m'observe à l'ombre des hauts murs de pierre, le regard empli d'inquiétude, sans savoir quoi faire. Pourtant je dois agir vite, je le sais. En retirant mes implants j'ai dû déclencher une alarme. Aussi, j'imagine que les gardes de James ne vont pas tarder à arriver en nombre. En temps normal je les aurais attendus de pied ferme, prêt à en découdre, mais pas ce soir, pas alors que Freyja est exposée derrière moi. Il faut que je trouve un moyen de la mettre à l'abri. 

Je fais deux pas en arrière pour la retrouver, et elle se précipite à ma rencontre. Dans les films, c'est à ce moment que les héros se sautent dans les bras et s'embrassent goulûment. Hélas, on est bien loin d'un film romantique et si la perspective de glisser ma langue entre ses lèvres charnues est bien plus appétissante que ce que je m'apprête à faire, je n'ai pas d'autre choix. 

En silence, elle hoche la tête et me dit "Vas-y". J'inspire profondément, les yeux clos, quand ma main s'écrase sur sa joue. Sous le choc, elle vacille et bascule en arrière, d'où je suis je peux déjà voir l'hématome se former. Je demeure un temps immobile, alors qu'elle reste  au sol, visiblement sonnée par la gifle que je viens de lui coller. Et déjà, je regrette. La frapper est bien la dernière chose dont j'ai envie, mais je n'ai pas trouvé d'autre moyen de l'innocenter. 

Mon cœur se serre dans ma poitrine de la voir ainsi, blessée, par ma main. Je patiente, interdit, jusqu'à ce que faiblement, elle lève le pouce pour m'assurer qu'elle va bien. Sans un geste de sa part, je sais que je n'aurais pas été capable de poursuivre. Malgré les enjeux. Malgré les risques que j'encoure en restant planté là. Rien ne semble avoir autant d'importance qu'elle. Et ça me fout les jetons. Je flippe comme un fou à l'idée de ce qui pourrait lui arriver, et j'ai d'autant plus peur de rester proche d'elle. Toute ma vie, je n'ai jamais pensé qu'à moi et là, me retrouver dépendant d'une autre, d'une femme que je ne connais presque pas et qui pourtant semble tout représenter pour moi, me colle la pire trouille de ma vie. 

Putain, je n'ai jamais été du genre sentimental, et maintenant que mes émotions font surface au moment le plus inopportun, je commence à regretter l'époque où je ne ressentais rien. Ni amour, ni inquiétude, ni sollicitude. Seulement de la colère. Pure. Brutale et destructrice. Je dois retrouver celui que j'étais. Avant. Cet espèce d'enfoiré prêt à tout pour du fric ou de l'herbe. C'est le seul moyen pour parvenir à les sauver.  

J'inspire profondément et me charge de toute l'énergie négative que dégagent les lieux, peu à peu, l'image de Freyja disparaît de mon esprit. Pour être remplacée par celle de James. Ce connard qui n'a pas hésité à tuer son propre père et séquestrer sa sœur. Cet infâme bâtard que je me suis juré de détruire. Et petit à petit, le monstre tapi dans l'ombre refait surface. Je sens ma rage reprendre le dessus, emportant toutes mes considérations pour les hommes qui avancent vers moi sans le savoir. Ceux qui se jettent dans la gueule du loup, en ce moment même. 

Je m'arrête de courir. Je ne suis plus en fuite, mais en chasse. Et mes proies ne sont plus qu'à une dizaine de mètres. Je perçois leur odeur mêlée à celle de l'herbe humide. Leurs émotions embaument les airs et me donnent un avant goût du festin qui m'attend. La colère. La peur. L'impatience. 

Bientôt. Je vais vous libérer de toutes ces humeurs qui vous tourmentent. 

Dissimulé dans l'ombre des grands arbres qui peuplent le jardin, je les observe au loin. Attentif. A l'affût du moment opportun à l'attaque. Prêt à bondir, un sifflement strident me fait vaciller. Je suis obligé de me maintenir au tronc du saule pleureur qui m'abrite. Je viens de retrouver l'audition. Et ça, c'est une mauvaise nouvelle pour mes proies. 

Eclat d'ambre [Terminé ; en attente de correction ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant