Faire de la place

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Assis au volant de la Buick empruntée, je tapote nerveusement le tableau de bord du bout des doigts en alternant coups d'oeil inquiets en direction de la route qui mène à Holseer-Johnson et le sac posé sur le siège passager. Bientôt. Dissimulée par des branches tombantes d'un saule pleureur bordant la I-354, la voiture ne devrait pas être visible depuis la route, mais on ne sait jamais. Après tout, c'est de loup garou dont il s'agit, je pense que ma nervosité est tout à fait justifiée. 

Je suis planqué ici depuis le début de soirée. Depuis que j'ai rayé le dernier nom sur ma liste. Aussi, je commence à avoir froid et à m'impatienter. J'ai peur qu'en restant si longtemps dans l'immobilisme, je finisse par oublier les raisons de ma colère et que je me transforme en une espèce de peluche inoffensive. Pourtant, je vais avoir besoin de toute ma hargne pour m'en sortir, surtout sans Trevor à mes côtés. 

Seul, j'ai du réajuster mon plan d'attaque, mais par chance, Kenz m'a fourni toutes les informations dont j'avais besoin pour m'y préparer. Le pauvre gosse s'est mis à table sans la moindre résistance. Grâce à lui, je sais tout. Combien ils seront, dans combien de véhicule, le type d'armes à leur disposition. Je sais aussi qu'ils font toujours un tour d'inspection avant un échange, d'où ma position actuelle. 

Oui, grâce à lui, je vais peut-être m'en sortir vivant. D'une prière silencieuse, je remercie Henry Gornecky d'avoir passé l'arme à gauche il y a un peu moins d'un an. Le pauvre vieux n'avait pas grand chose à léguer à son fils, Mackenzie Gornecky, si ce n'est son réseau de camés à qui il revendait de l'herbe médiocre et de la came coupée à la lessive. 

Sans lui, et sans son fiston adoré, le petit Kenz, je n'aurais jamais obtenu tous ces renseignements. Les autres dealers à la solde de James ont trop de bouteille pour se laisser impressionner par un type comme moi. Même mes yeux rouges et mes longs crocs ne m'ont été d'aucune utilité cette après-midi. Ces types ont l'habitude d'avoir à faire à Ethan, alors moi à côté, je ne leur fait ni chaud, ni froid. Aussi, là où je n'ai eu aucun mal à faire monter en voiture Kenz, les autres ont été bien plus dur à convaincre. Mais à force, j'y suis parvenu. Je l'ai fait. Tous les noms de ma liste ont été rayés, un par un, à la sueur de mon front et au prix du sang qu'ils ont versés. Ce soir, alors que je m'apprête à livrer le combat le plus important de ma vie, j'ai l'esprit plus tranquille mais les mains sales et la conscience un peu plus chargée. 

Des mains pleines de sang qui tiennent les cartes de ton destin James.

Mes tergiversations sont interrompues par le bruit d'un moteur en approche. Ils sont là. Je me penche un peu plus, pour apercevoir la route au dessous du rideau de feuille qui couvre le pare-brise et tends l'oreille. Je compte trois voitures. Exactement comme Kenz me l'avait dit. Je retiens mon souffle alors que j'aperçois les roues de leur 4x4, à une vingtaine de mètres de moi. Si je suis certain d'être invisible, j'ai fait le test en pleine journée, autant éviter de me faire repérer à cause d'un reniflement trop sonore. Malgré le fait qu'ils aient coupé leur moteur, je reste immobile et j'attends. 

Entre les feuilles éparses je distingue des faisceaux lumineux lointains. Les gorilles sondent les environs de leur lampes torches, les branches craquent et les tapis de feuille bruissent sous leur pas. J'entends leur respiration lourde alors qu'ils progressent dans l'obscurité, j'en compte six. 

Ils approchent. 

Lentement et par groupe de deux, ils progressent dans ma direction. Tous les hommes chargés de l'inspection semblent avancer sur une ligne invisible, tous les six en même temps. Ils se concentrent sur cette partie de la colline puisque l'autre est impraticable. Entre roche et pente abrupte, personne ne se risque à pratiquer ses sentiers qui semblent dater d'un autre temps. Quand ils ne me semblent pas être à plus d'une cinquantaine de mètres, je passe les bretelles de mon sac à dos et sors de la voiture. Sans faire de bruit, j'ouvre la portière et me glisse à l'extérieur sans prendre la peine de la refermer. 

Eclat d'ambre [Terminé ; en attente de correction ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant