Assis au volant de la Chevy de Trevor, le bras pendant à l'extérieur de l'habitacle, je laisse le vent glisser entre mes doigts. Quand je n'étais encore qu'un enfant, j'adorais la sensation que ça me procurait. Les yeux fermés, j'avais l'impression que je pouvais voler. J'oubliais tout. Je ne pensais pas à ma sœur qui réussissait toujours tout mieux que moi, et qui avait, de ce fait, droit à toute l'affection de mes parents. Je ne pensais plus à eux non plus, ni à leur dispute à l'avant de la voiture. Ou à la déception que je leur inspirais. Le temps d'un trajet, plus rien n'avait d'importance. Je me sentais libre et invisible.
Et aujourd'hui, j'aimerais ressentir encore la même chose. Mais il faut croire que c'est une de ces choses qui perdent de leur magie une fois devenu adulte.
Pourtant, j'aurais bien besoin d'être invisible maintenant.
Alors que je conduis au petit matin, une voiture qui n'est pas la mienne, sans permis de conduire. Avec un cadavre installé sur le siège passager. Je ne suis pas croyant, mais depuis que j'ai repris la route, je prie. J'invoque un dieu auquel je ne crois pas et qui semble m'avoir oublié, lui aussi, de m'épargner le contrôle de police. Je ne saurais pas comment expliquer de manière crédible la présence de Mark à mes côtés. Il est vrai que j'aurais pu être plus prudent, mais je n'avais pas le cœur de le mettre dans le coffre, et puis, la place était déjà prise. Là encore, je ne saurais pas comment justifier le fait qu'Hector, un dealer d'1m90 et 110 kilos, s'y trouve, bâillonné, ligoté et inconscient.
Les doigts engourdis par le vent frais du mois de février, je ramène ma main à l'intérieur de la voiture. Tout cette comédie n'a servis qu'à remuer des souvenirs de mon enfance, et aussi triste que cela puisse paraître, c'était probablement l'un des plus heureux. Je ne suis pas spécialiste, mais je pense que ça en dit long sur la stabilité de mes jeunes années. Un professionnel y verrait peut-être une explication à mes choix de vie déplorables. Moi, j'aime autant me dire que je n'étais qu'un gamin normal, qui souhaitait simplement avoir des superpouvoirs. J'ai bien conscience de déformer la vérité, tout n'était pas toujours tout noir, mais ce n'était certainement pas tout blanc tous les jours non plus. Quoiqu'il en soit, il faut que je chasse ces idées de mon esprit, mes parents m'ont délaissé, ils m'ont probablement oublié et vu tout ce qui m'arrive ces derniers temps, et les choses horribles que j'ai été amené à faire, c'est bien mieux ainsi. Et puis, ce n'est pas le moment de me lancer dans une psychanalyse de bas-étage, j'aurais tout le loisir d'en faire une ensuite. Si je parvenais à me sortir de cette affaire sans heurts et que mon plus gros problème soit de vivre avec mes méfaits.
Je dois rouler depuis presque une heure à présent, je commence à ressentir les premiers effets de la fatigue. Je peine à garder les yeux ouverts et ma trajectoire droite. Et même si ce ne sont pas mes passagers qui risquent de s'en plaindre, il vaut mieux que je garde le cap, si je ne veux pas me faire repérer.
Après quelques minutes supplémentaires, la silhouette de Krimpton Pike se dessine à l'horizon, au travers du feuillage des grands pins. Quand la forêt qui m'entoure se fait moins dense, j'en aperçois les contours hachés, découpés par les rayons du soleil encore jeunes. Une alternance d'ombre et de lumière intense qui vient encore mettre à mal mes yeux ensommeillés. Par chance, ma destination ne me semble plus très loin. Une vingtaine de miles, tout au plus.
Sans quitter la route des yeux, je me penche sur le siège passager et entreprends de fouiller la boîte à gant de Trevor à la recherche d'une cigarette. Je me dis que ça me permettrait peut-être de me tenir éveiller ou mieux, de me donner un petit coup de fouet nécessaire. Du bout des doigts je tâtonne distraitement, quand je rencontre le métal froid d'un objet qui ne m'est que trop familier.
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Eclat d'ambre [Terminé ; en attente de correction ]
WeerwolfClark, 23 ans, a l'habitude de faire les mauvais choix. Ce soir là, il sera au mauvais endroit, au mauvais moment, et quand son regard croisera deux yeux rouges dans la nuit, il sera déjà trop tard. Sa vie va prendre un tournant à 180 degrés. Lui...