L'anguille (1)

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Je sors de ma cellule et m'engouffre dans le couloir sous le regard mauvais de ceux que je viens de tabasser. Je sens que le trajet ne va pas être agréable. Je me faufile dans la masse à la recherche de Josh, sa tignasse blonde dépasse et je me glisse jusqu'à lui, non sans essuyer quelques insultes et coups discrets au passage. C'est de bonne guerre.

Il se retourne vers moi, sentant ma présence. Ses yeux tuméfiés me jettent des éclairs et je parie que, s'il le pouvait, il me flanquerait une droite sur le champ. Il faut dire que je l'ai sacrément amoché, malgré ses facultés de guérison, il a morflé.

- Qu'est ce que tu veux, Tyler ?

Il insiste sur mon prénom pour me faire enrager, je le sais mais je décide de ne pas relever. Il a le droit d'être en colère, du moment qu'il écoute ce que j'ai à lui dire.

- T'expliquer

- Par ce que tu as une explication à ça ? dit-il en tirant Jimmy Neutron entre nous

- Oh putain

Je n'y suis pas allé de main morte avec lui. Il a la lèvre fendue, les yeux gonflés, les joues écorchées et des bleus sur tout le corps. Il m'avait énervé, d'accord, mais je n'aurais pas dû me défouler de la sorte sur ce pauvre gosse... Jouer avec mes émotions pour provoquer ma colère n'est peut-être pas une bonne idée après tout. Et pourtant, la réussite de mon plan ne dépend que de ça.

Je balaye mes inquiétudes d'un revers de la main, il faut que je crois en mes chances, sinon, autant renoncer tout de suite.

Josh monte dans l'autre camionnette et ne me laisse pas la possibilité de lui expliquer mon plan. Fais chier. J'aimerais qu'il sache que je n'agis que dans l'intérêt commun. Pour m'assurer que les garçons gardent espoir et qu'ils n'essayent pas de se mettre en travers de ma route. Serrés les uns contre les autres, les chaos de la route nous bousculent et les corps se heurtent dans des grondements sourds, mes compagnons sont sur les nerfs. Et c'est de ma faute.

Le véhicule s'arrête et les portes s'ouvrent immédiatement, je me précipite à l'extérieur, je dois trouver Josh avant que ma transformation commence. Je dois lui parler, le prévenir avant d'agir, pour une fois. Je le localise à l'écart, plié en deux, subissant de plein fouet les assauts de la lune, contre lesquels je lutte de toute mes forces. J'avance avec peine, comme si je marchais à contre sens, dans une rivière tourmentée. Je m'arrête face à lui, la bataille fait rage en moi, alors que j'essaye de contenir la bête pour pouvoir parler à mon ami. Parce que malgré tout ce que je lui fais subir, c'est ce qu'il est pour moi. Une version tordue et malsaine de l'amitié, à l'image de ma vie.

- Josh, quoique je fasse ce soir. Laisse moi. Ça fait partie du plan. Ne t'interpose pas !

Il parvient à hocher la tête, malgré la douleur qui le tiraille, et c'est tout ce dont j'avais besoin. J'arrête de lutter et embrasse la sensation des changements qui opèrent en moi. Douloureux mais nécessaires. Je dois me transformer. Je dois ressentir ces pulsions animales. Je dois les accueillir, pour emmagasiner l'énergie et la rage qu'ils me procurent, et m'en servir au moment voulu.

A quatre pattes, alors que je me couvre de poils et que la douleur m'assaille, j'entends le bruit des talonnettes de James approcher. Son odeur musquée empli mes narines et je suis obligé de réprimer le grognement qui monte dans ma gorge, je ne dois pas me faire griller maintenant. Il se penche vers moi, une lueur démoniaque brille dans son regard quand il me souffle:

- C'est le moment de faire tes preuves mon grand

Parfait. C'est tout ce que j'attendais. Je dois mettre ma conscience au placard et obéir comme un bon toutou, pour remonter dans l'estime du connard à talons, et qu'il ne soupçonne pas mes intentions.

Balaise Numéro un avance à petits pas en direction d'un entrepôt de stockage spécialisé en matériel hi-fi. Il s'arrête devant une porte, sur le côté du bâtiment. James le rejoint, accompagné des deux loups aux yeux rouges, et siffle dans ma direction:

- Tyler ! au pied, crie-t-il, un sourire satisfait aux lèvres

Connard.

Je rejoins les quatre "hommes", bien qu'aucun d'eux ne mérite cette appellation, qu'il porte de la fourrure ou non.

- Gentil chien

Je me fais la promesse de le bouffer, le jour où j'arriverai à sortir de cette merde. En attendant, je refoule ma colère, je la contiens, je fais mon possible pour ne pas craquer et bouffer ce gnome tant qu'il se trouve devant moi.

Balaise tape sur la porte en taule qui s'ouvre sur un type vêtu de noir, la carrure et la tenue d'un vigile mais ce n'en est pas un. Je le sais, son attitude me le dit, il a le regard mauvais et la mâchoire crispée, ce type travaille ici mais pas pour en garantir la sécurité. Je devine que l'importation de matériel audio visuel n'est pas l'activité principale de ceux qui occupent les lieux. Ce doit être une de ces entreprises qui sert de couverture à un autre type de commerce, beaucoup moins morale et moins légal. De la drogue, peut-être, ou des êtres humains, pour ce que j'en sais. La seule chose qui compte pour moi, c'est que ceux à qui je vais avoir affaire sont des pourris, eux aussi. Quoi qu'il me fasse faire, je pourrais vivre avec et, dans le cas contraire, ce n'est qu'un remord de plus que j'emporterai dans la tombe.

Le mec en noir toise James et lui dit:

- Qu'est ce que tu veux ?

- Parler à ton chef

- Ahahah Mr Alvares ne reçoit pas les enfants sans la présence de leurs parents

- Tyler... Attaque

Sans attendre, je saute à la gorge de l'homme de main qui n'a pas le temps de donner l'alerte. De minables gargouillis s'échappent de sa bouche ensanglantée alors que je vois la vie s'échapper de lui et se répandre au sol en une flaque vermillon. Le goût métallique de son sang nappe mon palais et enchante mes papilles, je suis bien tenté de laper la flaque qui recouvre le sol mais James ne m'en laisse pas le temps. Nous progressons dans l'entrepôt, semant sur notre passage des cadavres mutilés dont je me délecte, jusqu'à arriver au bureau de Mr Alvares.

J'aimerais qu'il me demande de m'occuper de lui aussi, je connais ce connard, c'est un des grands ponte du trafic de drogue et de putes de la région. Aussi friqué, qu'impitoyable. Il traite ses employés comme de la merde et n'hésite pas à buter les filles qui se refusent à lui.

Contrairement à mes espoirs, James se présente à lui pour réclamer un pourcentage sur toutes ses transactions, ce qu'Alvares accepte sans rechigner. Peut-être que le fait que sa garde entière se soit fait buter à pesé dans la balance. Toujours est-il qu'il consent à filer 25% de ses bénéfices à James.

Une fois sortis de l'entrepôt, je saisis ma chance d'agir. James et ses acolites sont détendus et me considèrent comme docile. Grosse erreur ducon.

Je me remémore tout ce qui a porté sur mes nerfs ce soir et les jours précédents. J'attise ma rage, les images de Freyja maltraitée apparaissent devant mes yeux et je perds les pédales, encore une fois.

Sauf que cette fois, ma cible a de la fourrure et des yeux rouges.

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Eclat d'ambre [Terminé ; en attente de correction ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant