Montagnes russes

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Je l'empêche de bouger, je retiens sa main contre mon torse pour prolonger le contact autant que possible. Elle me sourit et je sens ses petits doigts bouger contre ma peau, habilement elle attrape mon téton et ... Ah la sale... Elle vient de me pincer. Surpris, je la lâche pensant qu'elle arrêtera de me pincer mais non. Au lieu de ça, elle tourne ses doigts à 180°.

- Putain mais ça va pas ou quoi ?

- Il fallait que je te calme avant que tu te mettes à me chanter une chanson d'amour et que l'idée de fourrer ta langue dans ma bouche ne t'effleure une nouvelle fois

- Avoue t'as aimé la dernière fois, dis-je en lui faisant un clin d'œil

Pour toute réponse, elle colle son index dans la bouche et mime le fait de vomir, avant de se mettre à rire. Je la regarde, le sourire aux lèvres, comme un con satisfait d'avoir réussi à l'amuser. La tête baissée je vois sa chevelure remuer au rythme de ses rires, mais quand elle la relève et que ses yeux croisent les miens, elle détourne la tête, gênée.

Après quelques secondes, elle me fait à nouveau face, toute trace d'amusement effacée de son visage de poupée. Elle se saisit de son arme et me fait signe de lui tendre le bras. Je m'exécute, un peu déçu qu'elle ait mis un terme si brutal à notre moment de complicité. Elle pince ma peau pour créer un bourrelet, place le canon à la base et appuie sur la gâchette. Je grimace quand le petit projectile vient se loger sous ma peau, elle s'en rend compte et ses lèvres se retroussent en un petit sourire moqueur. Je me demande à quoi peut servir cette capsule.

Encore une fois, comme si elle lisait dans mes pensées, elle répond à ma question silencieuse :

- C'est un système de localisation et d'identification

- Comme les puces qu'on met aux chiens ?

- En quelques sortes, sauf que celles-ci ont un signal GPS qui permet de te localiser via une application

- Me localiser, parce que je... pourrais sortir ?

Cette idée ne m'avait même pas effleurée l'esprit mais maintenant qu'elle a fait son chemin dans les méandres de mon cerveau, elle est en train de germer. Devant mes yeux, défilent les images d'une vie que je n'imaginais même pas, et je me surprends à aimer ce que je vois. Je vivrais une vie quasi normale sur le campus, entre fêtes, cours et retours ici pour foutre les jetons à deux-trois mafieux de bas étages. Je pourrais peut-être valider mon semestre et revoir mes parents, j'arriverais peut-être même à obtenir mon diplôme. Ma mère sera enfin fière de moi. Putain ! Ma vie n'est peut-être pas foutue après tout !

La main de Freyja, posée sur mon bras me fait relever la tête, et la mine qu'elle affiche suffit à effacer l'air satisfait qui est apparu malgré moi sur mon visage. Elle hoche la tête, désolée et me dit :

- Non Tyler, tu ne pourras pas sortir. C'est simplement une mesure de sécurité, au cas où tu voudrais t'enfuir, ou quand vous partez et que James ne peut pas être présent. Un moyen de plus pour garder un œil sur vous en permanence.

- Oh, je vois

J'ai beau faire mon possible pour masquer ma déception, Freyja voit clair en moi et presse sa main un peu plus fort sur mon bras.

C'est ridicule.

Comment peut-on regretter quelque chose dont on n'a jamais voulu ? Et pourtant, c'est ce que je ressens. Un creux dans ma poitrine, là où mon cœur gonflait il y a quelques instants, quand j'imaginais la vie que je pourrais avoir si on me permettait de sortir d'ici. Une vie faite de possibilités et d'occasions de me racheter pour les merdes que j'ai commises ici. Rapidement, la colère reprend le dessus. Je suis furieux. Contre James, de me faire subir tout ça. Contre moi, de m'être fait avoir ce soir-là sur le parking. Contre Josh, de ne pas être un meilleur soutien et guide. Même contre Freyja, pour prendre part à toute cette merde sans même essayer de lutter.

Ce sentiment familier m'étreint et m'enveloppe. Je me laisse happer par cette rage, sourde et envahissante, qui m'embrase de l'intérieur. Je me sens proche du point de rupture, une nouvelle fois, et pourtant je n'ai aucune envie de céder à la fureur. Pas ici. Pas alors que Freyja est avec moi. Je risquerai de la blesser et c'est bien la dernière chose dont j'ai envie en ce moment. Je ne sais pas ce que cette fille provoque en moi, mais une chose est sûre, j'aime l'avoir près de moi. Seulement, dans cet état, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose pour elle. Je voudrais la protéger, lui dire de me laisser et de s'en aller, mais je n'y arrive pas. Ma mâchoire semble scellée, comme maintenue par une force invisible.

Et dans cette pièce où les murs ne sont pas en hécatotruc, je peux ressentir les effets de la lune au dehors, elle agit sur moi comme un catalyseur, elle puise dans ma colère pour attiser la bête et la faire sortir de son sommeil. Mes crocs commencent à s'allonger, les aiguilles commencent à pousser contre mon épiderme, pour pouvoir pénétrer ma peau sensible et s'extérioriser. La transformation commence, sans que je puisse y mettre un terme. Je jette un regard paniqué à Freyja qui ne cille pas, pourtant consciente de ce qui est en train d'arriver et des risques qu'elle encoure. Elle ne bouge pas et se contente de me regarder, droit dans les yeux.

Sa main, toujours sur mon bras tremblant, glisse le long de mon torse et remonte jusqu'à ma joue contractée. Laissant ma peau couverte de chair de poule sur le passage de ses doigts. Une sensation troublante et apaisante s'empare de moi et calme légèrement la tempête qui bout en moi. Son geste tendre vient de me donner quelques instants de répit dans ma transformation, il faut qu'elle saisisse cette occasion pour s'enfuir, tant qu'il en est encore temps. Je la supplie du regard, je lui intime silencieusement de me laisser seul, mais elle ne semble pas comprendre mes messages mentaux, ou bien, elle décide de les ignorer car elle est toujours debout face à moi.

Son autre main vient se poser sur ma joue brûlante et elle me redresse légèrement la tête, pour me forcer à la regarder dans les yeux. Ses deux perles émeraude me trouvent et m'hypnotisent, faisant naître en moi un sentiment de calme encore jamais ressenti. Son seul regard suffit à faire taire la tourmente qui s'était emparée de moi. Je me plonge, à corps et à cœur perdu dans cet échange silencieux, en priant pour qu'il ne s'arrête jamais. Et si elle veut y mettre un terme, j'espère que ce ne sera que pour réduire la distance qui sépare nos deux corps.

Je me laisse envahir par cette paix salvatrice et savoure l'effet que cette fille a sur moi.

Elle est le vent qui vient attiser les braises de ma colère.

Le baume qui soigne mes plaies.

La douceur qui éteint l'incendie prêt à me consumer.

La petite peste malicieuse qui me donne envie de sourire bêtement.

Freyja est ma lumière dans ce tunnel sans fin où ma enfermé son connard de frère.

Elle est la raison pour laquelle je vais me battre. Pour reprendre ma liberté et lui offrir la sienne.

"Je vais buter James, et je vais nous sortir de là, je te le promets" dis-je dans un souffle.

Elle pose son front contre le mien et me sourit.

Eclat d'ambre [Terminé ; en attente de correction ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant