J'essuie nerveusement les paumes de mes mains sur le jogging d'Ethan. J'ai peur qu'ils ne mordent pas à l'hameçon, qu'ils sentent le piège ou que James ne réagisse pas comme je l'espérais. Il y a trop de paramètres incertains pour qu'on soit confiant quand à l'issue de la nuit.
Pourtant je ne regrette pas d'avoir changé d'idée, bien sûr, ce que j'avais initialement prévu était moins risqué. Mais Freyja a raison, ce n'était pas à la hauteur du type. Il faut que sa chute soit aussi grande et barrée que son règne. Et puis, j'ai le sentiment que cette mise en scène est le dernier moyen qu'il me reste pour me rattraper. J'ai bien remarqué qu'elle ne me regardait plus de la même manière depuis qu'elle sait qui je suis. Je veux qu'elle comprenne qu'elle peut encore me faire confiance. Celui qu'elle a vu dans sa salle d'examen. C'était moi. Le nom n'était peut-être pas le vrai, mais mes réactions et mes paroles l'étaient, elles.
Dans le bureau du maire, il n'y a plus qu'elle et moi. Et James, mais comme il est toujours inconscient, il ne compte pas vraiment. Elle se tient à un coin de la pièce, les bras enserrés autour de sa taille, le regard perdu dans le vide, elle contemple la rue ensommeillée sans rien dire.
L'atmosphère est lourd de tension, et ce n'est pas seulement dû à notre inquiétude commune concernant la suite des événements. Je me sens coupable de lui avoir menti et elle m'en veut. Inutile d'avoir l'odorat et l'ouïe d'un loup garou pour le comprendre. Son langage corporel suffit à exprimer son état d'esprit. Quand au mien ? J'imagine que je dois faire pitié, la tête basse et les mains moites, on dirait un ado boutonneux à son premier rendez-vous, quand il espère que cette fois, ce sera la bonne. Je m'approche doucement d'elle, sans faire de bruit.
Je voudrais la toucher. Lui parler. Ou au moins lui dire que je suis désolé. Mais rien ne vient. Je me contente de l'observer en silence, le coeur au bord des lèvres et la bouche entrouverte dans une expression d'ahuri total.
Finalement, c'est elle qui parle la première.
- C'est drôle. Quand on regarde les rues quasi désertes, on pourrait croire à n'importe quelle ville américaine lambda. Regarde-les, ces gens qui se pressent pour rentrer chez eux, impatients de retrouver leur petite famille. Ils n'ont aucune idée de ce qui va se passer ce soir. Ni même de ce qui a déjà eu lieu...
Sa voix s'éteint dans un murmure à peine audible. Les yeux rivés sur un point imaginaire, je devine qu'elle se perd dans ses pensées, puisque je ressens, à nouveau, cette distance s'installer entre nous. Son corps est bien là, mais son esprit, lui, est perdu à des milliers de kilomètres, dans un recoin si sombre qu'il me semble impossible de l'atteindre. Je meurs d'envie de la questionner, de lui demander si son attitude est liée au fait que je lui ai dissimulé ma véritable identité ou s'il y a autre chose, mais je ne veux pas la brusquer. Alors j'attends, loin d'elle, qu'elle sorte de sa bulle et qu'elle s'adresse à nouveau à moi.
- Il a souffert ?
- Qu... qui ? Dis-je en me raclant la gorge, pour chasser la boule d'émotion qui s'y était logée.
- Ethan.
Aïe. Elle pense à lui. Celui qu'elle a aimé, et que j'ai tué ce soir.
Elle se tourne vers moi, les yeux emplis de larmes, alors que je cherche comment lui annoncer que oui, il a probablement souffert. J'aimerais la préserver, mais je ne veux plus lui mentir. Alors que je n'ai toujours pas prononcé un mot, elle m'empêche de le faire:
- Ne réponds pas, j'ai compris.
- Désolé Freyja. Vraiment.
Je ne m'excuse pas d'avoir tué Ethan, mais de lui avoir fait du mal, à elle.
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Eclat d'ambre [Terminé ; en attente de correction ]
WerewolfClark, 23 ans, a l'habitude de faire les mauvais choix. Ce soir là, il sera au mauvais endroit, au mauvais moment, et quand son regard croisera deux yeux rouges dans la nuit, il sera déjà trop tard. Sa vie va prendre un tournant à 180 degrés. Lui...