Je voudrais hurler tant la douleur est atroce. Est-ce là le sort que l'on réserve à un loup qui mord son créateur ? Une sorte de prix à payer pour la traîtrise ultime.
Je suis terrassé, mes yeux ne sont plus que deux pierres incandescentes logées dans mon crâne. Une torture constante à laquelle je n'aspirais pas en me vengeant. Ma respiration, désordonnée et chaotique, revient à mes oreilles sous la forme de râles puissants et rauques. L'équivalent animal du fumeur invétéré. Je fais les cents pas, je tourne en rond pour occuper mon esprit. Penser à tout sauf à la douleur. Ne pas penser au feu qui brûle dans ma boîte crânienne et se répand dans mon corps qui me paraît peser une tonne.
Se concentrer sur mes pas.
Lever la patte, la dérouler, la poser.
Je me focalise sur mes autres sensations et après quelques minutes, j'ai l'impression que l'incendie se calme. Les yeux clos, j'ai le sentiment de pouvoir voir comme en plein jour. C'est étrange. Je sais exactement ce qui se passe autour de moi, sans avoir besoin de ma vue pour ça. Mes autres sens sont si développés que ma vision devient accessoire. Les odeurs, les sons s'entrechoquent et mon cerveau reconstitue la scène. J'entends les battements cardiaques, la respiration paisible du loup inconscient à mes pieds et, en fond, les murmures de Balaise numéro un qui s'adresse à James :
- Merde, qu'est-ce qu'on fait chef ? On le bute ?
- T'es con ou quoi ? C'était le meilleur entretien d'embauche que j'ai passé !
- Mais, et Colin ?
Je sens une pointe d'émotion dans la voix du garde du corps. Si James ne fait pas cas de ses employés, on dirait qu'il y a néanmoins une certaine solidarité entre eux. Et ce n'est pas une bonne nouvelle pour moi. M'infiltrer risque d'être plus compliqué si je me mets à dos les membres de l'équipe.
- Rien à foutre de lui ! C'était un faible. Tyler a fait preuve de plus de motivation en une soirée que Colin durant tout le temps où il a bossé pour moi ! Non, ce que tu vas faire, c'est le neutraliser avant qu'il pète un câble et tu vas l'emmener voir Freyja pour qu'elle l'équipe
J'essaye de passer outre la satisfaction de revoir ma petite furie pour me concentrer sur les informations distillées dans ces quelques mots du grand chef. Me neutraliser ? Que je pète un câble ? Je ne vois pas pourquoi je deviendrais dingue maintenant ? C'est tout à l'heure qu'il aurait dû me calmer, mais je suis sûr qu'il en avait la possibilité et qu'il a choisi de ne pas le faire. En tout cas, une chose est sûre, James semble satisfait de ma prestation ce soir. Et ça c'est une bonne nouvelle.
- Comme vous voulez chef... Mais c'est Ethan qui va mal le prendre
- Je m'en bats les couilles ! Ce n'est pas parce qu'il se tape ma sœur qu'il a son mot à dire dans mes affaires ! Alors ok, Colin était son frère mais c'était un boulet, je m'en serais débarrassé tôt ou tard.
Le molosse passe à côté de moi, et bien que mes yeux soient toujours fermés, je sens son regard peser sur moi à mesure qu'il avance. Il parvient peut-être à dissimuler ses émotions, mais je peux les ressentir. Toute sa rage et sa frustration, de ne pas pouvoir me botter le cul, transpirent par tous les pores de sa peau, laissant sur son passage une odeur aigre et nauséabonde. Il s'approche du loup allongé au sol, il lui colle une tape sur le flanc et lui chuchote:
- T'inquiète pas Ethan, on le vengera
Là, c'est la merde. Ce putain de gros loup est le frère de celui que je viens de tuer.
Après avoir chargé la masse de poil inconsciente dans la camionnette, le Balaise se tourne vers moi et pointe une télécommande dans ma direction. Ce n'est pas la même que celle qu'il a utilisé tout à l'heure, aussi, je me demande ce qu'il me réserve. Il appuie sur un bouton en me lançant un regard mauvais.
Rien ne se passe.
Je me demande où il...
Putain !
Je suis cloué sur place par un sifflement strident qui s'échappe de mon collier. Je ne peux plus bouger, ni formuler une phrase cohérente.
Qu'est-ce que c'est encore que ce bordel ?
Quand je pense que je vais définitivement perdre l'audition, Balaise me toise avec dédain et appuie à nouveau sur sa foutue télécommande. Sitôt le bouton enfoncé, mon corps est secoué de spasmes par une décharge électrique. Cet enfoiré trop baraqué me regarde, victorieux, et tourne une sorte de molette. Ce qui a pour effet d'augmenter le voltage du courant qui traverse mon corps figé. Comme tétanisé par la douleur et le son suraigu qui me vrille les tympans, je suis à la merci de mes tortionnaires.
S'il essayaient de me faire passer un message, c'est réussi. J'ai compris. J'ai beau avoir la force, ils ont les outils pour me maîtriser.
Sans se départir de son sourire satisfait, le garde s'approche de moi et me saisit par les pattes arrière. Là où il portait gentiment l'autre loup, il me traîne sur le sol, comme il le ferait avec un sac poubelle trop lourd. Tout dans son attitude n'est qu'un rappel du mépris que je lui inspire.
Et bien grande nouvelle mon con, c'est réciproque. Et si je ne peux pas te rendre la pareille pour l'instant, je prend note de tous tes coups bas. Et laisse moi te dire que le retour de bâton sera on ne peut plus violent.
La camionnette nous transporte, je subis les chaos de la route sans broncher. Je m'en moques. Je suis trop satisfait d'avoir survécu à ma première opération d'infiltration et bien trop fatigué. Alors je me laisse trimbaler, amorphe, du coffre à la table d'examen de Freyja. La douleur qu'on m'a infligé m'a lessivé. Je ne suis plus qu'une carcasse molle et dépourvue de toute volonté, attendant patiemment que ma petite princesse hargneuse vienne me rendre visite.
Allongé sur le métal froid, j'observe ma respiration marquer la surface fraîche, chaque souffle provoque une petite tâche de buée qui s'estompe après quelques secondes.
Après quelques minutes, je suis à nouveau soumis à une nouvelle torture garouesque. Mes os se brisent,se remodèlent, ma peau se rétracte et les poils retrouvent leur place sous mon épiderme. De toutes les sensations, c'est celle-ci qui me dérange le plus. Comme si une armée de tatoueur s'attaquait à mon corps, tous en même temps, inlassablement jusqu'à ce que ma peau soit entièrement couverte d'encre. Encore et encore.
Enfin, tout s'arrête.
La douleur m'a enfin quittée, laissant libre court à mes sens. Je me sens vide et vulnérable. Nu sur cette table métallique, j'ai froid et ma chère doctoresse n'apparaît toujours pas.
Je commence à m'endormir, épuisé par mes exploits de la soirée, quand la porte s'ouvre dans un fracas qui me ferait presque tomber au sol, si le regard glacé qu'elle me lance ne me figeait pas sur place.
Fini la complicité et les sourires chaleureux. Mon coeur se serre dans ma poitrine à la voir si froide et distante. Elle qui était ma seule source de réconfort, s'est éloignée de moi.
Elle me toise et lâche, vénéneuse:
"Alors, t'es le nouveau toutou de mon frangin ?"
Putain !
James est son frère, et Ethan son mec...
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Eclat d'ambre [Terminé ; en attente de correction ]
WerewolfClark, 23 ans, a l'habitude de faire les mauvais choix. Ce soir là, il sera au mauvais endroit, au mauvais moment, et quand son regard croisera deux yeux rouges dans la nuit, il sera déjà trop tard. Sa vie va prendre un tournant à 180 degrés. Lui...