Transformation

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- Putain !!!

C'est le dernier mot que je suis en capacité de prononcer avant d'être submergé par la douleur, attaché à une chaise renversée dans une cellule humide et froide, je regarde défiler les secondes qui me paraissent des heures, incapable de bouger et de me tirer de cet enfer. Tout ce que je peux faire, c'est encaisser.

J'ai l'habitude de souffrir. Vu les choix déplorables que j'ai fait et les personnes peu recommandables que j'ai fréquenté, j'ai été confronté à la douleur plus d'une fois. J'ai été battu, poignardé, on m'a même déjà tiré dessus, mais rien de tout ça n'arrive à rivaliser avec ce que j'éprouve à ce moment précis. Je n'ai jamais rien ressenti de semblable.

Aucune partie de mon corps, aussi insignifiante soit-elle, n'est épargnée. C'est comme si on m'avait ouvert l'abdomen et qu'un espèce de chirurgien sadique fouillait mes entrailles en prenant un malin plaisir à les presser entre ses doigts. Puis la douleur se déplace, sans perdre en intensité, bien entendu. Cette fois, ce sont mes os, brisés un à un, puis réalignés dans une configuration contre nature. Je sens ma posture changer, je ne peux pas lutter. Je ne peux même pas crier, aucun son ne sort de ma bouche.

Condamné à souffrir en silence, dans l'indifférence la plus totale, je prie, un dieu auquel j'ai cessé de croire depuis des années, je prie pour qu'il m'arrache de cette torture au bourreau invisible. J'aimerais m'évanouir pour ne plus avoir à traverser cette épreuve mais mon esprit refuse de m'accorder cette simple requête.

La douleur se déplace encore. Ma peau... j'ai l'impression d'être en feu, c'est insoutenable. Une fois, j'ai vu un type se faire brûler la main à l'acide. Je revois son visage, je relis la souffrance dans ses yeux et je me dis, que ce que je ressens en ce moment doit être à peu près semblable. A l'exception que moi, il n'y a pas un centimètre carré de peau qui est épargné, je suis consumé, tout entier, par ce feu de l'enfer qui me terrasse.

Dans un cri silencieux, resté bloqué dans ma gorge comme tous les autres, j'arrache mes liens. Instinctivement je porte mes mains à ma nuque, comme si le fait de me toucher pourrait mettre fin à mon supplice. Je plante mes ongles dans la peau brûlante de mon dos, je ne ressens même pas le pincement de la chair lacérée tant les sensations que je traverse sont intenses. Mes doigts cherchent, fouillent mon cou à la recherche d'une zone épargnée mais tout n'est que souffrance, je dois divaguer sous l'effet de la torture, ma colonne vertébrale me donne l'impression d'être déformée.

Plié en deux, je ne peux plus bougé, ni respirer à plein poumon sans être submergé par la douleur, j'ai la sensation qu'un million d'aiguilles me traversent l'épiderme, mais pas pour entrer en moi, pour en sortir. Je retire mes fringues dans un espoir désespéré d'apaiser la brûlure due aux frottement du tissus sur mes chairs à vif. Sans succès.

Je pose les mains au sol pour me maintenir en équilibre, mais elle me semblent différentes. Mes ongles sont plus longs, plus foncés, et mes phalanges recouvertes de poils.

Ça y est. J'ai perdu l'esprit. L'enfermement m'aura rendu cinglé bien plus vite que je ne pensais.

Des craquements ignobles résonnent dans mes oreilles et ma mâchoire me donne l'impression de gonfler. Je ne suis pas médecin, mais je sais que c'est impossible, pourtant elle me semble plus proéminente, comme difficilement contenue dans ma bouche.

Reprend toi K ! C'est ton esprit malade qui te joue des tours

J'essaye de me redresser, pour me mettre sur mes pieds. Bon sang, mais qu'est ce qui m'arrive, je ne tiens pas l'équilibre. Je suis obligé de rester à quatre pattes, comme un animal.

Ma douleur s'apaise, doucement remplacée par quelque chose de plus fort. Une sensation qui a toujours été en moi, tapie dans l'ombre, le moteur silencieux de mes choix. La colère reprend ses droits. Je suis furieux. Contre moi, de m'être laissé embarqué dans cette merde. Contre Tyler, ce connard qui devrait être là à ma place. Mais surtout, contre cette espèce de caricature de mafieux au rabais. L'enflure à cause de qui je suis là, ce putain de "Grand Chef", si cette sous-merde était devant moi, je lui arracherai la tête et la boufferai.

Je sens le bouillonnement en moi s'intensifier et prendre toute la place. J'ai envie de tuer tous ceux qui se mettraient sur ma route. Putain, je n'ai jamais été pris d'une telle rage, je ne sais pas comment la gérer. La contenir me semble impossible, et je n'ai pas les moyens de l'évacuer. Je voudrais hurler, mais aucun son ne sort de ma gorge. Je tourne en rond, comme un lion en cage, retenu captif, incapable de laisser aller des instincts. Je m'assois au milieu de la pièce, je fixe la porte, prêt à bondir et déchiqueter celui qui se risquerait à ouvrir la lourde. Ma respiration, profonde et saccadée s'alourdie, chaque expiration ressemble plus à un grondement sourd, on pourrait presque croire que je grogne.

Je suppose que la nuit avance, mais le temps semble figé, je me perds dans des émotions trop fortes pour moi qui suit habitué à les taire depuis des années.

Quand, enfin,j e retrouve ma capacité à produire des sons, je pousse un hurlement interminable. L'écho de mon âme meurtrie qui résonne à mes oreilles, mais ce n'est pas ma voix que j'entends, c'est le cri d'un animal.

***

Au petit matin, je suis reconduis à la cellule commune.

Cette fois, pas besoin de deux balaises, je suis mou, épuisé par une nuit interminable, un seul type me trimbale sur son dos comme une vieille poupée de chiffon sans que j'y oppose la moindre résistance.

Il me jette au sol brutalement, je m'écrase, face contre terre. Le choc raisonne dans mon crâne, mais je ne ressens rien. Je ne sais pas si je pourrais à nouveau ressentir quelque chose, je suis vide.

Les garçons se précipitent sur moi, le visage rongé par l'inquiétude et me bombardent de questions auxquelles je ne prête pas attention. Josh s'écarte de la foule et me rejoint, cette fois, il ne me propose pas sa main pour m'aider à me relever, il attend que je le fasse seul, mais je n'ai pas envie de me mettre debout, je veux rester au sol et qu'on me laisse crever en paix.

- Tyler ?

Je ne réponds pas. Ce petit con me flanque un coup de pied dans les côtes et c'est tout ce qu'il me fallait pour reprendre du poil de la bête. En moins d'une seconde je suis sur mes pieds, les poings resserrés sur l'encolure du t-shirt de Josh.

Je ne m'étais pas rendu compte qu'elle était toujours là, silencieuse. La fureur qui me consumait hier soir ne m'a pas quittée. Je ne sais toujours pas comment la gérer, mais cette fois j'ai un moyen de l'évacuer. J'écrase mon poing dans la mâchoire de Josh qui ne bronche pas et me laisse décharger la colère qui me bouffe sur sa petite gueule de premier de la classe.

Je n'ai plus aucune retenue. Je frappe sans relâche ce mec qui ne m'a rien fait.

L'idée que je pourrais le tuer m'effleure l'esprit mais ne suffit pas à m'arrêter.

Eclat d'ambre [Terminé ; en attente de correction ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant