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Eleanor sentit les rayons du soleil percer sa peau et la réchauffer doucement. Elle qui avait espéré dormir un peu, elle n'avait pas fermé l'œil de la nuit, et avait cherché à s'endormir une fois en haut de la Tour d'Astronomie, se disant que le soleil la réveillerait... en vain. La jeune fille bailla à s'en décrocher la mâchoire et s'étira longuement. Puis elle se releva en grimaçant de douleur sous les craquements de ses membres qui se dépliaient après une rude nuit d'insomnie, passée à même le sol froid de la Tour contre les murs de pierre. Sa robe de sorcière était toute froissée, à force de mouvements perpétuels dans le but de trouver une position qui l'aiderait ne serait-ce qu'à somnoler un peu. Mais son habituel cauchemar ne faisait que la hanter, et elle n'avait pas réellement eu envie de se rendormir. Elle bailla une seconde fois, regardant tout autour d'elle. Ses yeux se fixèrent sur un aigle tournoyant dans le ciel rosé de l'aube. Elle le vit piquer vers le sol et disparaître entre les arbres. Elle sourit. Ce spectacle était donné à peu de personnes. Elle attendit un peu, mais l'aigle ne refaisant pas surface, elle finit par se détourner et commença à descendre les nombreuses marches de la tour. Le bruit de ses pas sur la pierre froide des escaliers était le seul son audible, dans le silence troublant de ce début de matinée. Elle faisait sans cesse le tour de sa situation, retournant encore et toujours dans sa tête ce qui la suivait partout. Comment pouvait-elle changer cela ? Lui en laisserait-on seulement la possibilité ? Elle prit la résolution de chercher à se sociabiliser et de trouver au moins un (ou une) ami(e), car elle ne pouvait rester éternellement seule, même si cela ne la dérangeait pas tant au fond.

Tout le monde a besoin de quelqu'un sur qui s'appuyer pendant les temps compliqués, songea-t-elle en soupirant tout haut à cette pensée. 

Paraît-il que même le plus solitaire des sorciers ne pouvait pas survivre seul sans devenir fou... Eleanor reconnaissait parfois bien volontiers qu'elle avait besoin d'une épaule amicale sur laquelle se poser. Mais elle avait le malheur de porter la sinistre réputation de ses parents sur le dos, et tout le monde la trouvait risible de par le fait qu'elle les ait dénoncés au Ministre de la Magie. Eleanor soupira à la pensée que finalement, Poudlard ne serait sûrement pas bien différente de l'autre école où elle avait été. Pourquoi tant d'absence de réflexion ? Était-ce si difficile de comprendre qu'au jeune âge qu'elle avait à ce moment, elle n'avait pu faire autrement ? N'auraient-ils jamais dénoncés leurs parents, à sa place ? Elle continuait à descendre les marches de marbre de la Tour d'Astronomie, avec une disparition soudaine de volonté d'améliorer la situation. Soudain, elle fut tirée de ses pensées en remarquant que cela faisait maintenant un moment qu'elle avait commencé sa descente. Elle ne s'était pas rendue compte, la veille, qu'elle avait monté autant de marches. Elle en vit finalement le bout, peu de temps suite à cette constatation, puis elle se dirigea d'un pas plus décidé vers la salle commune des Serdaigles.
La sorcière devait s'habiller avant de se rendre dans la Grande Salle où elle y prendrait son petit-déjeuner. Par chance, la salle commune était vide, elle la traversa d'un pas nonchalant et monta en toute sérénité dans sa chambre, sans avoir à supporter le poids des regards de ses camarades.
Tandis qu'elle s'habillait avec ses vêtements de sorcière et accrochait le blason de sa maison sur sa robe, elle songea que leur comportement envers elle était effarant. Il n'était question que de ses parents dans l'histoire, et il fallait toujours qu'elle en soit mêlée, partout, où qu'elle aille. Pourquoi ne pouvaient-ils pas voir que le fait qu'elle ait confirmé leur lien avec Voldemort avait été nécessaire ? Après tout, elle avait privé le Mage Noir de deux de ses plus puissants sorciers. Pensaient-ils tous que cela avait été facile ? 

Quelque part ça les arrange bien, d'avoir un bouc émissaire sur qui ils peuvent déverser leur haine, sur lequel tout le monde s'accorde, pour ne pas que cela passe comme de la méchanceté gratuite... Ça leur évite de se donner mauvaise conscience, se dit-elle en serrant les poings, face à un petit miroir qui lui renvoyait un reflet fatigué d'elle-même.

Eleanor inspira un bon coup en fermant les yeux, puis se força à ouvrir ses poings dont les jointures blanchissaient à vue d'œil et commençaient à lui faire légèrement mal. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle vit la marque que ses ongles avaient laissée sur la peau de ses paumes. Elle leva les yeux au ciel, saisit sa baguette posée sur la commode en face d'elle, jeta son sac sur ses épaules et sortit vivement de sa chambre. Tout en cherchant son chemin vers la Grande Salle, la jeune fille se rappela soudain que cet après-midi, il y avait quartier libre pour les sorciers de 3ème et 6ème année qui pouvaient visiter le fameux village Pré-au-Lard. La rentrée à Poudlard se faisait apparemment très en douceur, et cela lui plaisait bien. Elle n'avait jamais visité ce petit village, mais aux dires des sorciers, c'était un endroit plaisant et empli de charme, d'autant plus lorsqu'il est recouvert de neige, en période hivernale. Eleanor trouva l'occasion intéressante pour essayer d'apprendre à connaître les autres, et faire en sorte qu'ils la voient autrement que par sa famille.  
Sur ces pensées, elle finit enfin par trouver la Grande Salle. Elle s'y installa, et elle pris son petit-déjeuner, sous les regards insistants de ses camarades. Mais elle n'en tint pas rigueur, et lorsqu'elle eut fini, regarda sa montre et vit qu'il était l'heure pour elle d'avoir son cours de potions. Elle se leva, ne put s'empêcher de lancer un regard mauvais à ceux qui la regardaient avec un rictus au coin des lèvres. Elle regretta aussitôt son geste.

Contrôle toi ! s'incendia-t-elle intérieurement. Tu ne réussiras pas à changer ta réputation de cette façon-là, même si cela t'énerve !

Elle se mordait la lèvre de rage contre elle-même tout en marchant d'un pas vif, et sentit soudainement un goût cuivré. Elle passa un doigt sur sa lèvre inférieure et vit une tâche de sang sur celui-ci. Eleanor s'en voulut d'autant plus. Elle se donnait l'impression de faire n'importe quoi depuis ce matin. Sa plaie n'était pas méchante, mais cela eut le don de l'agacer davantage. Elle s'arrêta soudainement, plantée en plein milieu du couloir. Elle ferma les yeux, repris le contrôle de sa respiration.

Reprends-toi...
se disait-elle.

Lorsqu'elle fut plus calme et qu'elle eut repris ses esprits, elle rouvrit les yeux et s'aperçut qu'elle se trouvait dans des couloirs sombres et non éclairés du château. Elle reprit sa recherche de la salle, et manqua de se maudire une fois de plus, cette fois pour ne pas avoir demandé son chemin. Au bout de dix minutes de marche, elle se rendit compte qu'elle était absolument perdue, et qu'elle ne savait plus où elle allait. Des pas venant dans sa direction se firent entendre au même moment. Eleanor ne tarda pas à voir deux sorciers de la même année qu'elle ricaner méchamment en marchant dans le couloir. Ils ne l'avaient pas vue.

The Emerald EagleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant