PARTIE 2 - Chapitre 37

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  Kara était devant moi. Elle avançait rapidement mais discrètement. A chaque nouveau pas, elle levait la tête en direction de la prison juvénile, aux aguets puis me faisait signe de la suivre. Je n'aimais pas son idée. Pour moi, il y avait beaucoup plus de chance de cette prison soit occupée par des militaires ou des infestés que les fameux non-infestés que l'on cherchait depuis bientôt vingt-quatre heures. Mais Kara ne m'avait pas laissé le choix. Enfin si, elle m'avait laissé deux choix : soit la suivre, soit rester là et l'attendre pendant qu'elle y allait toute seule. En clair, elle ne m'avait pas laissé le choix.

Nous étions bientôt au pied de la prison juvénile. La lumière brillait toujours à l'une des fenêtres. Autour de nous, quelques infestés vagabondaient et nous prenions soin de les éviter. Ce n'était pas le moment de se battre et d'attirer l'attention. Kara avança encore de quelques mètres puis se dissimula derrière une voiture aux vitres brisées.

- Comment on fait ? » La questionnais-je en la rejoignant.
- On frappe à la porte ? » Me répondit-elle avec sérieux, le regard fixé sur la prison.
- Kara, c'est sérieux ! » M'exaspérais-je en la tirant par le bras pour l'obliger à me regarder.
- Oui, en effet, c'est sérieux ! Regarde la fenêtre au premier étage, tout à droite. Il y a un homme. Il ne porte pas l'uniforme des militaires et il n'a pas non plus le comportement d'un infesté. Dany, c'est eux ! Cet homme monte la garde. » Continua Kara sans pour autant me regarder.
- Et toi tu veux faire de nous une cible facile, c'est ça ? » M'énervais-je malgré moi.

Cette fois-ci elle me fixa et son regard valait mieux que tous les mots du monde pour me faire comprendre à quel point elle me trouvait pitoyable, lâche, fatiguant, idiot, exaspérant et j'en passe. Ce regard dura quelques secondes seulement mais il me sembla interminable. Même après qu'elle est détournée les yeux en direction de la prison, je pouvais encore voir son regard rempli de déception. Je secouai la tête. Il fallait que j'oublie cela, ce n'était pas le moment. Lentement, je me levai et m'éloignai de la voiture. Kara me regarda faire, incrédule, et je pus lire sur ses lèvres qu'elle m'ordonnait de revenir. Mais je ne comptais pas lui obéir. D'ailleurs, je ne lui reconnaissais aucune autorité envers moi.

Bientôt, je fus en face de l'entrée de la prison, à trois ou quatre mètres de la porte. Je vis du coin de l'œil l'homme à la fenêtre se redresser et attraper ses jumelles. Il avait très certainement du mal à me distinguer clairement dans le noir. L'instant d'après, je le vis tressaillir et lui fis un petit signe de la main, mine de rien. Immédiatement, il disparut de la fenêtre. J'attendis quelques minutes puis la porte en face de moi s'ouvrit sur plusieurs hommes armés. A première vue, ils n'étaient pas infestés. Et en effet, ce n'était pas non plus des militaires. Ils devaient bien être une dizaine, tous lourdement armés et très organisés. Rapidement, ils m'encerclèrent et me visèrent.

- Mains en l'air ! » Hurla l'un d'eux.

J'obéis immédiatement, sans dire un mot. Je sentis les hommes autour de moi se détendre imperceptiblement. Soudain, ils se redressèrent de nouveau et se détournèrent de moi. Lentement, je me tournai dans la même direction qu'eux. Kara était sortie de sa cachette et avançait doucement jusqu'à nous, les mains en l'air. Les hommes la laissèrent me rejoindre. Dès qu'elle fut à mes côtés
, elle se délesta de son arme et de son sac.

- Elle est infestée. » S'exclama l'un des hommes en pointant son arme sur elle.
- Tout comme moi, intervins-je sans réfléchir, depuis quinze jours maintenant !
- Et moi depuis douze jours, ajouta Kara, écoutez, Dany est un très grand scientifique, il connaît le virus mieux que personne et il a trouvé quelque chose d'extraordinaire !
- Je vous assure que j'ai déjà fait de très grandes avancées dans mes recherches. Mais l'endroit où nous étions devenait de plus en plus dangereux, je manquais de temps et ...
- Fermez-là ! » S'exclama un homme d'une voix autoritaire presque terrifiante.

Je m'attendais à voir un homme gigantesque et musclé arriver devant moi, une kalachnikov à la main mais ce fut tout le contraire. L'homme n'était pas armé et portait un ridicule imperméable jaune. Il était de taille moyenne, légèrement musclé mais très fin, très élancé. Il portait des lunettes aux contours épais et noirs et avait des cheveux blonds mis-longs en bataille.

- Vous êtes Dany O'Connors ? » Me questionna-t-il une fois en face de moi.
Kara se colla contre moi et je lui pris la main.
- Comment connaissez-vous mon nom ? » Questionnais-je en retour.
L'homme sourit.
- J'ai travaillé avec l'armée avant qu'elle n'essaye de nous enfermer dans sa foutue base. Je faisais partie des nombreux scientifiques qui travaillaient sur le virus, dans le même établissement que vous. Vous étiez de loin leur préféré. Ils étaient persuadés que vous trouveriez quelque chose. Je suis heureux de voir que vous ne travaillez pas pour eux, terré dans cette base inutile. » M'expliqua-t-il avec calme alors que ses hommes me visaient toujours.
- J'ai été infesté juste avant d'entrer dans la base. Ils ne m'ont pas laissé entrer, je n'ai pas eu d'autre choix que de m'enfuir et de me cacher. » L'informais-je à mon tour.
L'homme hocha la tête.
- C'est dangereux de rester dehors de nos jours, entrons. » Proposa-t-il après un instant de silence.
Les hommes qui nous entouraient échangèrent des regards étonnés.
- Joseph, ils sont tous les deux contaminés ! » Rappela l'un d'entre eux.

Mais le dénommé Joseph l'ignora et nous fit entrer, Kara et moi, dans la prison. A l'intérieur, ils avaient très peu réaménagé. Les cellules devant lesquelles nous passions servaient de chambres aux non-infestés, les armes étaient rangées dans les salles qui leurs avaient toujours été destinées, le réfectoire gardait sa fonction.

Le scientifique nous fit traverser tout le rez de chaussé avant de nous conduire à l'étage. Une fois au niveau supérieur, l'ambiance changea. Je me sentis soudain beaucoup moins à l'aise. Je sentis que les deux hommes qui nous suivaient docilement depuis le début s'étaient rapprochés dans nos dos. Instinctivement, je pris la main de Kara. Elle me lança un regard qui acheva de m'inquiéter. Elle aussi ne semblait plus aussi sûr d'elle que lorsque nous étions dehors. C'est alors que je vis les cellules. Celles-ci n'étaient pas reconverties en chambres et gardaient fermement des ... infestés ... Fous de rage, ils se jetaient contre les barreaux à notre passage pour essayer de nous attraper, de nous griffer, de nous mordre, de nous tuer.

Joseph marcha jusqu'au bout du couloir puis s'arrêta devant une cellule vide. Il se retourna pour me faire face et me sourit pendant que je le foudroyais du regard.

- Vous excuserez mon manque d'hospitalité, mais vous êtes infestés tous les deux et personne ici n'est assez fou pour laisser un infesté vagabonder en toute liberté dans la prison. Cette situation est temporaire bien sûr, le temps que vous m'expliquiez pourquoi vous êtes venus ici, ce que vous pensez avoir trouvé et que vous me prouviez tout cela. » M'expliqua-t-il de sa voix calme et supérieure qui me donnait envie de le frapper.
- Très bien, c'est très simple. Je veux une seringue, seulement. Tâchez d'être là quand Kara rechutera et je vous prouverai que j'ai vraiment trouvé quelque chose qui mérite des recherches plus approfondies, qui mérite qu'on me laisse du temps. Voilà pourquoi je suis ici. J'ai besoin de protection et de temps pour sauver l'humanité, rien de plus. » Répondis-je en le défiant du regard.

Joseph me sourit de nouveau puis hocha la tête. Ensuite, il se poussa pour nous laisser entrer dans notre cellule et prit un malin plaisir à refermer derrière nous. Il s'éloigna lentement avec ses hommes, entre les infestés qui hurlaient toujours. Quelques minutes plus tard, un calme relatif s'installa dans le couloir. Les infestés les plus éloignés de nous ne disaient plus rien. En revanche, ceux dans la cellule voisine et celle qui nous faisait face, étaient excités par ma présence d'immunisé et continuaient de grogner et de me fixer avec insistance.

- Très réussi. » Marmonnais-je en m'installant à l'opposé du mur commun avec la cellule voisine.
- Cet homme est un scientifique, on ne pouvait pas rêver mieux ! Lorsqu'il va comprendre que tu as vraiment trouvé quelque chose, on sortira d'ici et tu pourras reprendre tes recherches. Ils nous protégeront, c'est ça qu'on voulait ! » S'exclama Kara en me rejoignant.
- Tu es infestée et tu le resteras tant que je n'aurais pas trouvé un remède définitif. Je ne pense pas qu'ils t'autoriseront à sortir de là malgré le fait que mon sang te permettre de rester consciente. Et si Joseph découvre le remède avant moi, grâce à mes avancées, alors il n'aura plus besoin de moi et tu n'auras plus aucune chance de rester en vie. » Fis-je remarquer à contre cœur.
Kara me fixa, incrédule.
- Mais dans ce cas là, pourquoi ils gardent tous ces infestés ?
- Pour faire des expériences... »  

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