PARTIE 3 - Chapitre 52

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  [ Noah Johnson ]

Davis était assis sur la chaise de mon bureau, silencieux. Moi, j'étais assis sur mon lit, encore abasourdi. Le général Garcia avait révélé à Valentine le lien que j'avais avec la mort de sa mère. C'était ce que je craignais depuis le début, entre autre. Et maintenant elle savait que c'était moi qui avait conduit sa mère à la mort, que je n'avais rien fait pour la sauver. Mais comment aurais-je pu ? C'était tout simplement impossible. Et même si j'avais réussi à la sauver ce jour là, elle serait morte moins de deux semaines plus tard à cause du virus. Depuis le début, elle était condamnée à mourir et la mort vers laquelle je l'avais accompagnée était sûrement plus douce que celle des infestés.

Mais comment faire comprendre cela à Valentine alors qu'elle venait d'avoir la confirmation de la mort de sa mère. Elle le savait depuis le début mais elle avait toujours gardé un espoir au fond d'elle, je le savais et je n'avais jamais eu le courage de l'obliger à faire face à la réalité, justement parce que j'étais bien trop responsable dans l'histoire. Mais aujourd'hui, elle devait faire face. Sa mère était morte et son frère, en étant à Boston, avait lui aussi très peu de chance d'être en vie. Elle les avait perdus tous les deux, elle avait tout perdu. Et je ne pouvais lui être d'aucune aide parce que j'étais bien trop responsable ...

Davis soupira puis m'ordonna de me lever. Je le regardai, sans comprendre et il renouvela son ordre, plus fermement. Il semblait en colère. Il m'attrapa par le bras et me tira avec lui hors de la chambre. Je le suivis jusqu'en salle d'entraînement.

- Tu ne peux pas t'apitoyer sur ton sort, commença-t-il, tu es un soldat et ce soir, on a une mission importante. Il faut que tu te réveilles, que tu te secoues, OK ? Valentine va s'en remettre, elle a du caractère, elle est forte. Elle va le faire seule, tu ne peux pas l'aider alors profite-en pour te concentrer sur toi-même, OK ?
- Tu veux que je me défoule c'est ça ? C'est gentil, mais ça ne changera rien. Je m'en veux bien trop, ça me tue de la savoir triste et de ne rien pouvoir faire, ça me tue de me dire qu'elle me déteste. Je ne peux pas m'en remettre, pas après l'avoir vue dans un tel état, pas après avoir entendu tout ce qu'elle m'a crachée à la figure. » Répliquais-je en commençant à faire demi tour.

Davis m'attrapa par l'épaule, m'obligea à me retourner pour lui faire face et m'enfonça un coup de poing dans le ventre qui me plia en deux. Il ne me laissa pas le temps de me reprendre et faucha mon pied. En à peine deux minutes, je finis au sol.

- Bas-toi maintenant ! » M'ordonna-t-il en se mettant en position.
Je me relevai lentement et secouai négativement la tête.
- Pas avec toi, Davis. » Répondis-je simplement.

Mon ami hocha la tête puis me colla une droite monumentale, mille fois plus forte que celle de Valentine. Et il réussit à me faire craquer. Moi qui voulais me laisser aller, ne rien faire, ruminer sur mon sort, j'avais maintenant envie de me battre, de crier, de frapper, d'extérioriser toute cette foutue tristesse qui me grignotait le cœur depuis une heure.

Davis se battait mieux que moi. Il était un peu plus grand et plus costaux que moi. Mais c'était parfait. Je pouvais me défouler sur lui sans lui faire trop de mal, il arrivait toujours à me gérer et il me faisait mal. Je sais que cela pourrait paraître étrange mais je m'en voulais tellement, je me sentais tellement mal que j'avais besoin d'avoir mal.

* * * * *

Ce soir là, lorsqu'on arriva dans le sas, Cromwell nous regarda avec étonnement. On avait tous les deux les phalanges ouvertes et j'avais en prime un énorme bleu sur la joue. Davis le rassura et lui expliqua rapidement la situation. La seconde d'après, Valentine venait rejoindre l'équipe. Elle portait son pantalon et sa veste de militaire par dessus son débardeur kaki et ses armes à la ceinture. Elle avait également son bonnet noir sur la tête et ses cheveux étaient tressés. Ses magnifiques yeux bleus étaient rouges, signe qu'elle avait pleuré tout l'après-midi, et ses phalanges dans le même état pitoyable que les miennes. Elle ne m'accorda pas un seul regard et lança un léger sourire à Davis qui vint s'installer à côté d'elle.

- Bon, commença Cromwell en se plaçant face à l'équipe, on va se rendre à Encanto. On ne traîne pas, on a pas toute la nuit. Dès qu'on arrive devant la prison, on force l'entrée, on tue ceux qui tentent de nous tuer et on regroupe ceux qui se rendent. Dans le même temps, on trouve les Immunes et on les embarque. Les prisonniers seront laissés aux bons soins d'une autre équipe qui arrivera après l'assaut. Nous, on doit ramener au plus vite les Immunes, avant que les civils ne se réveillent, histoire de rester discrets. Dès que c'est fait, vous aurez le droit d'aller vous coucher. Plus on ira vite, plus vous aurez d'heures de sommeil. Je compte sur vous pour être efficaces, vous TOUS. » Précisa-t-il en posant son regard sur Valentine puis sur moi.

Je me contentai de hocher la tête et vis du coin de l'œil que Valentine faisait de même. Cromwell parut satisfait et ordonna le départ. Davis resta près de Valentine, comme je le lui avais demandé. Vue notre situation, je ne pouvais pas la protéger mais je savais que Valentine allait accepter Davis auprès d'elle. Je ne m'étais pas trompé.

On trottina pendant une demi-heure, aux aguets. Des équipes étaient passées avant nous pour faire le ménage et nous préparer le chemin. Malgré cela, il restait encore quelques infestés qui tentèrent de nous tuer, mais ils étaient très peu. Notre avancé fut bien plus rapide que d'ordinaire.

- Attendez. » Ordonna Cromwell dans nos oreillettes en levant le poing en l'air.

Lentement, je me rapprochai de lui, malgré son ordre. Il ne sembla pas fâché et au contraire, me montra un grand bâtiment aux vitres brisées. D'abord, je ne compris pas, puis soudain, je vis quelque chose bouger. Quelque chose, ou quelqu'un ...

L'instant d'après, des tirs brisèrent le silence de la nuit. Dans notre dos, plusieurs hommes tombèrent. Les autres se mirent immédiatement en position, à la recherche des ennemis. Ils ne tardèrent pas à se montrer. Ils sortirent de leurs cachettes et nous encerclèrent. Ils étaient efficaces, ils étaient humains. On mit plus de temps qu'eux à agir. Ils réussirent à abattre de nouveaux plusieurs hommes avant qu'on arrive à en toucher
un seul. Soudain, quelqu'un hurla. Une fille. Je fis volte face juste au moment où deux hommes attrapaient Valentine. A un mètre d'eux, Davis se vidait de son sang, une balle dans le ventre. Il était toujours conscient mais il ne pouvait rien faire.

- VALENTINE ! » Hurlais-je en poussant mes propres coéquipiers pour la rejoindre.
Elle tourna la tête vers moi et nos yeux se croisèrent. Elle avait peur.
- NOAH ! » Cria-t-elle avant que l'un des hommes ne lui enfonce un chiffon dans la bouche.

Les deux hommes commencèrent à la traîner loin des autres et je n'arrivais pas à la rejoindre. Soudain, je sentis une douleur me déchirer l'épaule et m'arrêtai dans mon élan. Une balle venait de traverser ma chaire et je saignais abondamment. Cromwell ordonna le repli, attrapa mon bras et me tira avec lui pendant que Valentine disparaissait derrière les décombres, importée par deux hommes. Je me repris lorsque je vis de nouveau Davis. Il n'était pas question que je le laisse ici. J'arrêtai Cromwell et il comprit immédiatement. Il hésita une infime seconde puis m'aida à soulever Davis et on repartit en courant. Derrière nous, nos ennemis partaient eux aussi, comme si cette attaque n'avait eu pour seul but que d'enlever Valentine ...  

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