PARTIE 3 - Chapitre 47

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  [ Valentine Richardson ]

Pour la millième fois, cette alarme qui nous réveille, tout le monde qui court jusqu'aux douches, l'eau de plus en plus froide sur nos peaux, puis des vêtements à peine propres au fils du temps qui sentent de plus en plus mauvais. Et enfin, le self, où résonnent beaucoup trop de voix qui finissent par donner mal à la tête. Je vivais dans cet enfer depuis bien trop longtemps. Si la plupart avait l'air de bien se faire à la vie dans la base, ce n'était pas mon cas, pas plus que ce n'était le cas d'Ariel. Mais contrairement à moi, elle n'était pas prête à tout pour sortir d'ici.

Ce matin, je prenais des forces en mangeant mon petit-déjeuner. Je savais que c'était sûrement la journée la plus importante de ma vie depuis deux longs mois. J'allais m'entraîner devant le général et lui prouver que j'étais tout à fait apte à quitter cette base et à aller me battre, à connaître la vérité et à vivre avec. J'avais conscience que je risquais de sortir d'un enfer pour entrer dans un autre. Mais la différence était que dans cet autre enfer, je pouvais connaître la vérité, je pouvais me défendre, faire quelque chose d'autre que manger et dormir.

- Tu es sûre de toi ? » Ne put s'empêcher de questionner encore une fois Ariel en me fixant.
- Oui. » Me contentais-je de répondre en la fixant moi aussi dans les yeux pour lui montrer ma détermination.
Elle hocha la tête et se concentra de nouveau sur son assiette.
- J'espère que tu arriveras à faire ce que tu veux. » Intervint Mia de sa voix douce et chaleureuse.
Je sentais qu'elle était sincère et elle réussit à m'émouvoir.
- Merci beaucoup Mia. » Répondis-je en essayant moi aussi de montrer que c'était sincère.
- Tu viendras quand même nous voir des jours ? » Questionna Sally d'une petite voix triste.
Je me tournai vers elle et passai un bras autour de ses épaules.
- Bien sûr, comment je pourrais me passer de toi rien qu'une seule journée ? Je ne serais absente que la nuit, pendant que tu dormiras, tu ne te rendras presque pas compte de mon absence. » L'informais-je en déposant un baiser dans ses cheveux.

Sally retrouva le sourire, hocha la tête et plongea de nouveau sur son petit-déjeuner. C'était une enfant et elle croyait tout ce que je lui disais, sans même penser que tout pourrait se passer autrement, sans rien remettre en question. Je vis, au regard que Ariel me lança, qu'elle était beaucoup plus sceptique que Sally mais je fis mine de ne rien voir. Je n'avais pas envie de repartir dans un de ces débats qui occupaient nos journées depuis un certain temps.

J'avais à peine fini de manger que Noah arrivait déjà à notre table. Il salua les filles puis m'informa que le général venait de quitter le self et qu'il était temps pour moi d'aller me changer et de rejoindre la salle d'entraînement. Les filles me souhaitèrent bonne chance, même si je savais qu'au fond d'elles, elles n'avaient pas envie que je réussisse. Je les remerciai et les laissai. Noah me précisa qu'il m'accompagnait et que Davis était déjà dans la salle d'entraînement pour accueillir Garcia. On marcha rapidement dans les couloirs jusqu'à atteindre ma chambre. Dès que la porte se referma, Noah me prit dans ses bras et m'embrassa tendrement.

- Je mourrais d'envie de faire ça depuis qu'on avait quitté le self. » M'avoua-t-il en me lançant un sourire charmeur.
- Moi aussi, murmurais-je en l'embrassant à mon tour, il faut que je me change. » Rappelais-je à contre cœur en m'éloignant légèrement de lui.
- Je peux t'aider si tu veux. » Susurra Noah à mon oreille en venant se coller dans mon dos.
- Idiot ! » Riais-je en le repoussant.
Il me lança des yeux de chien battu tout en battant des cils.
- Je disais ça pour t'aider. » Finit-il par grogner en faisant semblant de bouder, forcé de constater qu'il ne m'attendrissait pas le moins du monde.
- Voyez-vous ça ! » Me moquais-je tout en retirant mon haut.

Je savais parfaitement que Noah me regardait mais étrangement, je n'étais pas gênée. Rapidement, j'enfilais un débardeur, un short, des chaussettes et des baskets. Je laissai Noah tenter de m'attacher les cheveux, ce qui nous fit bien rire tous les deux. Finalement, il réussit à me faire une tresse, après nombre d'essais et on rejoignit Davis et le général Garcia dans la salle d'entraînement. Visiblement, ils nous attendaient depuis un moment. Davis nous foudroya du regard puis m'ordonna de me mettre en place.

Il me fit faire les mêmes exercices que la veille. Je dus courir, ramper, sauter, tenir en équilibre, tirer, frapper, esquiver, crocheté une serrure, faire des bandages, résister à la douleur lorsque Davis me frappait, mettre en place des plans d'attaques en un temps record. On s'entraîna pendant plus de cinq heures sans s'arrêter une seule seconde. Noah me regardait et m'encourageait d'un regard. Je lui étais vraiment reconnaissante de me soutenir malgré le fait qu'il n'était pas d'accord avec mon idée. Davis lui, était plus dur et froid que la veille mais parfois, il me lançait un petit clin d'œil à la fin d'un exercice pour me faire comprendre qu'il me soutenait lui aussi et qu'il ne faisait que son travail. Le général Garcia était le plus indéchiffrable de tous. Je n'arrivais pas à savoir s'il était impressionné ou s'il se disait seulement que j'étais vraiment une merde et qu'il perdait son temps.

Enfin, Davis annonça la fin de l'entraînement. J'étais en sueur, essoufflée et j'avais mal de partout. Mais je restai malgré tout bien droite et fière. Le général Garcia finit par se lever de sa chaise pour venir me faire face. Il me fixa durant plusieurs minutes, une éternité, puis prit une grande inspiration.

- J'ai déjà proposé ta candidature Valentine. J'ai bien plaidé ta cause et on m'a fait confiance. Repose-toi bien, ce soir, tu vas découvrir le monde des soldats. Tu seras dans l'équipe de Noah et Davis. Ils te présenteront le sergent Cromwell. Ne soit pas en retard et surtout, obéis bien. Je sais que l'autorité n'est pas ton fort, mais ce n'est pas non plus celui de Noah et il s'en est très bien sorti. J'ose croire que ce sera pareil pour toi. » Déclara-t-il d'une voix neutre comme s'il annonçait qu'il allait se coucher.
- Merci général. » Me contentais-je de répondre en hochant la tête.

Garcia hocha lui aussi la tête et cette fois-ci, il me lança un imperceptible sourire. Puis il tourna les talons et quitta la salle d'entraînement. J'attendis quelques secondes avant de sauter de joie. Je me retournai et Davis vint me féliciter, un grand sourire sur le visage. Il m'ébouriffa les cheveux comme si j'étais une gamine – ce que j'étais sûrement à ses yeux – puis quitta à son tour la salle d'entraînement. Alors seulement, je me précipitais vers Noah. Il me serra contre lui, un sourire triste sur le visage. Il tentait désespérément de paraître heureux pour moi, mais j'étais bien forcée de constater qu'il n'y arrivait pas. Son regard était rempli de tristesse et d'inquiétude.

- Noah ... » Murmurais-je en passant mes mains dans ses cheveux.
De nouveau, il me fit son petit sourire triste et détourna le regard.
- Félicitations. » Se contenta-t-il de dire dans un souffle.
Lentement, je prenais son visage entre mes mains et l'embrassais.
- J'ai appris à me défendre, tout va bien se passer. Et puis, tu me protégeras, comme tu le fais depuis le début, je le sais. Je n'ai pas peur. » Affirmais-je avec conviction.
Noah releva la tête et plongea son regard dans le mien. Il me sourit faiblement.
- Parce que tu ne sais pas encore ce qui t'attends dehors. Tu ne peux même pas l'imaginer. Tu es très forte, je le sais. Mais pas assez pour ce qui t'attends dehors, personne ne l'est pour ça ... Valentine je ... je fais des cauchemars toutes les nuits. La seule raison pour laquelle j'arrive à tenir, c'est parce que tu existes, parce que je t'aime et je sais que je fais tout ça pour te défendre, qu'il le faut pour ta survie. Mais c'est horrible, si tu savais ... Tu vas savoir ... Ta vie ne sera plus jamais la même et je peux te promettre que tu vas regretter cette vie que tu mènes dans la base. »

Son discours réussit à me nouer l'estomac et mon courage se dissipa un peu. Je n'avais jamais vu Noah si ... faible ... Il semblait réellement terrifié lorsqu'il parlait de ce qu'il se passait dehors. Ça avait vraiment l'air de le hanter. Peut-être avais-je sous-estimé le calvaire bien pire que vivaient les soldats.

- Noah, je ... je t'aime. Et tu m'aimes ! On va s'en sortir, peu importe ce qui m'attends dehors. On va être bien plus unis qu'on ne l'a jamais été à partir de ce soir. Ensemble, on y arrivera, on tiendra, je te le promets. » Chuchotais-je avant de l'embrasser.

Noah passa ses bras autour de ma taille et me serra plus fort que jamais. Mais je n'avais pas mal, au contraire, ça me faisait le plus grand bien. Je me sentais si bien dans ses bras, j'étais en sécurité. Tant qu'il serait auprès de moi, je pourrais tout affronter, je le savais, je le sentais.  

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