Never out of Styles

Chapitre 35 - Celle qui découvrait sa scène finale

─ Pdv de Joey ─

J'ai l'impression de n'avoir vécu que pour ça.

Dans un roman, il s'agirait sans aucun doute d'une scène finale, un moment clé marquant le dénouement de l'histoire : l'héroïne épouse enfin son bad boy reconverti en parfait petit mari obéissant, le vampire croque dans sa belle pour la transformer et vivre éternellement à ses côtés, le chevalier libère la princesse captive des griffes du terrible dragon sans que cela n'abîme son brushing.

Même si c'est assez cliché, le lecteur se délecte toujours de ce genre de happy-end. Après tout, il serait dommage que l'héroïne ait vécu toutes ces aventures dangereuses et rocambolesques pour rien. Comme un aboutissement, une récompense savamment méritée...

Ma récompense... Ma vie... Mon moment...

On y est !

Je marche avec hâte dans Manhattan. C'est le grand jour, j'ai même mis des talons pour la peine. Je suis tellement légère et enjouée que je ne bataille même pas à marcher avec.

Autour de moi des gratte ciels sont aussi démesurés que mon enthousiasme. Je profite du moment et admire New York. A chaque coin de rue se cache une histoire, elles sont toutes là sous mes yeux, les passants sont des personnages, chacun de leur choix conduit à une intrigue et plus que tout, sous chacun des battements de leur cœur se cache des émotions que seuls les auteurs les plus talentueux savent retranscrire aux lecteurs.

Je pénètre dans un des immeubles et m'engouffre dans l'ascenseur qui s'élève aussi vite que mon excitation.

Bientôt, un livre remplit de mes mots, trônera dans les vitrines des librairies. Je vois déjà les lettres de mon nom briller sur la couverture... "Joey Johnson" résonnera bientôt dans toutes les têtes.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent me ramenant brusquement à la réalité. Après avoir vérifié que l'étage correspondait bien aux bureaux de la maison d'édition ParkerBook&Co, J'avance vers la standardiste de l'accueil et me présente à elle.

Elle consulte son ordinateur, se tortille sur sa chaise et me regarde en tordant sa bouche, exécutant une sorte de grimace voulant dire "Oupss". Gênée, elle m'annonce que je n'ai pas rendez-vous. Ce détail est loin de me déstabiliser. Je lui demande avec assurance d'annoncer tout de même ma venue. Après tout, je suis "Joey Johnson" mon nom brillera bientôt sur du papier, je peux donc me permettre de débarquer sans rendez-vous ! J'hésite un instant avant lui préciser ceci mais la voyant s'exécuter je juge ces précisions inutile.

Après quelques secondes, elle revient vers moi pour me conduire auprès de Mme Hernandez l'éditrice que j'avais rencontrée lors de ma dernière visite.

Dans son bureau rien n'a changé depuis la dernière fois, même si j'ose espérer que le tas de manuscrits et de livres qui s'entassent sur la table ne sont pas les mêmes. Mme Hernandez semble une fois de plus débordée et remarque à peine mon arrivée. J'attends une seconde plantée devant elle ne sachant que faire.

- Natacha m'a dit que vous n'aviez pas eu mon mail concernant l'annulation de ce rendez-vous...

- C'est exact, mais nous pouvons toujours fixer une nouvelle date... lui précisé-je en cherchant aussitôt mon agenda dans mon sac.

Je jubile d'avoir pensé à le prendre. Je l'ai depuis plusieurs mois mais il est quasiment vide. Je suis emballé à l'idée d'y noter mon premier rendez-vous professionnel. L'éditrice réfléchit un instant et me lance froidement :

- Non, ce ne sera pas nécessaire. Asseyez-vous.

Je lui souris fier qu'elle abandonne son programme pour moi. Elle me scrute des pieds à la tête. Sans doute a-t-elle remarqué que j'ai soigné mon look depuis la dernière fois. Je suis sur que ces talons n'y sont pas pour rien !