Projet Hybride

Chapitre 43

Le silence pouvait-il être bruyant ? Déchirant ? Ce silence paraissait insupportable. Depuis combien de temps ? Le soleil ne s'était pas levé... Pourquoi ? Rien. Je ne comprenais rien, ne savais rien, ne sentais rien. Le silence, le noir et le vide. Voilà dans quoi je baignai depuis un moment indéterminable. La douleur, la souffrance, le chagrin. Voilà à quoi je carburai. Voilà pourquoi je ne bougeai pas.

Pas une mouche ne volait, aucun son ne venait calmer les cris dans ma tête. Des cris sourds, silencieux. Personne ne respirait. Si, moi. Mais il y avait deux personnes dans la pièce, pourquoi étais-je la seule à respirer ? Ah oui, elle est morte. Morte. Comment bien de fois avais-je eu cette conversation avec moi-même ? Je voulais un son, n'importe quoi, pour m'aider à penser à autre chose. Pour m'aider à oublier qu'elle était morte.

J'avais tout tué, éliminé toute forme de vie aux alentours pour la sauver. Mais ça n'avait pas marché. Elle gisait là depuis bien trop longtemps sans bouger, pour que je puisse espérer. Si seulement je l'avais fait plus tôt, si seulement je n'avais écouté que moi et l'avais sauvé. Mais maintenant, j'étais seule avec son cadavre. Cadavre. Quel horrible mot pour décrire la femme qui m'a élevé. Qu'étais-je sensée faire, sans elle ? Elle ne me dirait plus quoi faire, je devais me débrouiller seule.

Mais pourquoi personne ne venait m'aider ? M'arracher aux bras de cette solitude entrainante qui me tirait toujours plus bas ? Où étaient tout le monde ? En dehors du mur que tu t'es créée. Un mur ? Quel mur ? Était-ce en rapport avec les ténèbres dans lesquels j'étais plongée ? Pourquoi d'ailleurs ? Il faisait noir depuis tellement longtemps... Le soleil ne voulait pas se lever. Partageait-il mon chagrin ?

Trop de questions. Mais cette ambiance me tuait ! Je ne voulais pas rester là ! Je ne voulais pas rester à côté du cadavre de la personne que j'aimais le plus, pendant si longtemps ! Sortez-moi de là, s'il vous plaît. Quelqu'un... N'importe qui...

Je criai ça depuis tellement longtemps, mais personne ne venait m'aider. Criai-je vraiment ? Non. Je ne faisais que penser. Personne ne m'entendait. Mais dans ce cas, personne ne pourrait venir me sauver, personne ne connaissait ma détresse... Mais ils finiraient bien par s'inquiéter, non ? Ils finiraient par venir me chercher ? Si seulement j'avais raison... Mais ça faisait tellement longtemps que j'attendais.

Un bruit. Enfin, un bruit me parvint. Un sentiment de soulagement s'empara de mon cœur mais je ne bougeai pas. Je n'y arrivai pas, mes muscles refusaient tout mouvement. J'étais trop faible, je n'avais plus de volonté. Si je ne faisais pas signe, ils ne sauraient pas que je suis là.

Des voix. Des voix... Je n'en avais pas entendu depuis si longtemps. Je n'avais pas entendu la mienne depuis si longtemps. Elles étaient chaudes, réconfortantes. Une petite voix, du brouhaha.

Un autre bruit, plus de voix, plus proches, plus fortes. Des mains sur mon visage et mon corps bougeait enfin. Mon corps se faisait bouger, plutôt.

Enfin, un visage devant le mien, des lèvres qui bougeait mais aucun son qui parvenait à mes oreilles. Mais ce fut plus clair.

"Ma... là mainte... va aller..."

Je secouai la tête. Pas assez clair, pas assez clair.

"Tout va bien se... On va te sort..."

Non, non, toujours pas !

"Venger. On va la venger, tu verras. Ils ne s'en sortirons pas comme ça, pas vivants."

Oui. Oui, une chose claire. Une chose sensée. Ceux qui ont fait ça devaient payer. Allaient payer. Fermer mon cœur, arrêter de souffrir mais ne jamais oublier le chagrin. La parfaite recette pour une parfaite vengeance.