"Parles !"
Je heurtai l'étagère une énième fois, toussai une énième fois et crachai du sang une énième fois. Austin était vraiment déterminé à connaître la vérité mais il n'était pas question que je crache le morceau. Je ne pouvais pas laisser échapper la moindre information ; je devais lui faire croire que je ne savais rien de l'Étrange, tout en l'occupant assez longtemps. Je ne voulais absolument pas qu'il parte à la poursuite d'Isaac, même s'il avait déjà lancé ses sbires après lui. Je devais juste l'occuper suffisamment longtemps, mais surtout, surtout, ne pas mourir.
C'était mal parti.
J'avais vite perdu mon sourire, tantôt, en voyant qu'il n'avait fait qu'accentuer la colère de mon très cher âme-sœur. Celui-ci s'était d'ailleurs précipité sur moi et j'avais été soulagée qu'il ait violemment attrapé mon bras droit et pas le gauche - fracturé et déboité par mon accident - pour me mener au local du concierge qui ne se trouvait pas loin de la cour arrière. Par contre, mon soulagement s'était rapidement estompé quand il avait agrippé mes deux bras avec force pour répétitivement me frapper contre les étagères - qui, d'ailleurs, s'enfonçaient dans ma colonne vertébrale à chaque fois. Et ce n'était pas agréable du tout.
Pour éviter de donner des indices à Austin, j'avais décidé de jouer la carte de la fille trop en mauvaise état pour comprendre ce qu'il se passait - j'étais vraiment trop en mauvais état pour comprendre ce qu'il se passait. Pourtant il ne m'avait pas lâché ; pendant vingt minutes, il s'était amusé à me torturer ainsi. J'avais d'abord essayé de le défier mais avais abandonné en voyant que ses yeux étaient passés de gris à noirs... C'était vraiment très effrayant. Je parlais donc en gardant la tête baissée, n'osant plus croiser son regard.
"Je-... Je ne comprends p- pas... Je t'ai dé- déjà dit ce que j'ai vu, Austin..."
"Tu mens !"
"N- Non ! Tu m'as balancé c- contre les casiers et qu- quand j'ai relevé la tête, Isaac était de- devant moi. Je voulais juste qu'-" je fus interrompue par une quinte de toux et un peu de sang, "-qu'il parte. Je ne voulais pas que v- vous vous battiez... Je ne comprends pas pourquoi tu p- parles d'yeux rouges et d- de dents-" une autre quinte de toux.
"Ne me prends pas pour un idiot, Margot ! Et quand il est parti, hein ? Tu ne vas pas me dire que tu n'as pas vu à quelle vitesse il allait !"
Je secouai encore une fois la tête, essayant de paraître désespérée et abattue. Techniquement, je n'avais pas vu à quelle vitesse il allait. Il était tellement rapide que je l'avais à peine aperçu disparaître.
"J'ai t- tourné la tête directement après l'avoir pou- poussé." dis-je en osant de nouveau relever les yeux vers lui.
Les siens s'assombrirent encore plus - ce que je ne croyais pas possible - et sa prise sur mes bras se resserra. Il me ramena une nouvelle fois vers l'avant pour mieux me propulser contre les étagères. On penserait qu'il se serait ennuyé de ce petit jeu avec le temps, mais non, il était vraiment déterminé. Je commençai à penser que j'avais de moins de moins de chances de m'en sortir vivante. La première fois que j'avais croisé son regard, il avait l'air de vouloir me tuer mais se retenait. Et là... Il ne se retenait plus.
Il me ramena vers l'avant une dernière fois, me regardant dans les yeux. Je secouai la tête, le suppliai du regard - une chose que je ne faisais jamais, supplier -, mais il ne silla pas. Il allait me tuer. Il me tirait pour la dernière fois et allait me pousser pour la dernière fois, quand la porte s'ouvrit brusquement sur deux visages familiers. Austin se stoppa net dans ses mouvement, alors que j'étais à quelques millimètres des étagères - je le sentais -, mais il reprit vite son action, me remmenant une nouvelle fois en avant. Pourtant, il s'arrêta de nouveau.
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Projet Hybride
WerewolfOn m'a dit que je devrais vivre une vie normale, m'amuser, profiter. Mais comment faire, si tout ce qui devrait être qualifié de 'normal', dans ma vie, m'a été enlevé ? Quand je suis, moi-même, loin d'être normale ? Obligée de me cachée pour vivre...