Stéphane

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Je viens de me comporter en parfait connard mais j'assume. Par contre, ses yeux seraient des mitraillettes, je serais mort.

- Dégage, sors de chez moi.

Mon ange serait-elle en train de se transformer en tigresse? Je décide de la pousser encore plus loin dans ses retranchements.

- Tu n'as pas aimé?

- Tu es sérieux? Tu as eu ce que tu voulais alors part.

C'est hors de questions. Je veux qu'elle me parle, qu'elle me montre ce qu'elle a dans le ventre en face à face. Pas planquer derrière son téléphone.

- Non! Regarde moi et dis moi que tu n'as pas pris ton pied. 

Elle pique un fard. J'ai ma réponse.

- Là n'est pas le problème. Tu m'as ignoré tout l'aprem et ce soir tu t'es transformé en homme des cavernes.

On progresse doucement mais surement.

- Tu me balances des conneries ce midi et tu voulais que je réagisse comment?

- En adulte!

Je la vois frissonner, je réalise qu'elle est toujours nue. Je dois être foutrement énervé pour avoir fait abstraction de ce détail.

- On va aller prendre une douche, ça va nous réchauffer et aussi nous calmer. Nous reprendrons cette conversation ensuite.

- Ok mais c'est bien parce que j'ai froid. Mais tu ne t'en tiras pas comme ça!

Nous avons été extrêmement sage. Je me suis contenté de lui laver le dos ou presque... Je ne vais m'excuser d'avoir constamment envie d'elle. Etre près d'elle et ne pas la toucher s'apparente à de la torture pour moi. Je suis quelqu'un de très tactile et possessif. Ce qui est à moi, je le garde précieusement et je le protège mais je ne le mets pas sous une cloche de verre. Je ne comprend pas pourquoi elle freine des quatre fers. La vie est courte et j'ai enfin trouvé ma moitié. Pourquoi perdre ce temps si précieux qu'il nous est accordé en enfantillages puisque le résultat au final sera le même?

Alors que nous retournons dans le salon, mon ventre crie famine.

- Je ne sais pas pour toi mais je commence à avoir faim, ça te tente qu'on se fasse livrer à manger?

- Oui, c'est une bonne idée. Je vote pour un plateau de sushis. 

- C'est parfait, je m'en occupe.

Lorsque je termine mon appel, Carla n'est plus dans la pièce et un vacarme assourdissant émane de la cuisine.

- Tu fais quoi mon ange?

Son engin de la mort fait un tel boucan qu'elle ne m'entend pas. Il y a plein de fruits étalés sur le rebord de l'évier. Je tente de deviner quelle est cette étrange mixture qu'elle prépare. C'est plutôt verdâtre et peu engageant. Il est indiqué Blender sur l'appareil, j'ai entendu ma soeur répété un milliard de fois à son mari qu'elle voulait ce robot...à jus de fruits.

Ah, ça fait du bien quand ça s'arrête. Il va falloir que je regarde si cet engin existe en moins bruyant. Se faire réveiller par ça est un coup à être de mauvaise humeur pour toute la journée.

- Ne te vexe pas mais la couleur ne m'attire pas vraiment.

- Il ne faut jamais se fier aux apparences. C'est un smoothie menthe-kiwi-citron, un délice.

La texture, c'est juste pas possible. Les images qui me viennent en tête sont plus que ragoûtantes. Je grimace.

- Heu, je vais passer mon tour.

- Petit joueur. Bière? Coca? Il doit rester des canettes du déménagement.

- Un coca, s'il te plait.

Assis dans le canapé, nous trinquons en silence. Aucun de nous ne se lance. Il va pourtant falloir que l'un de nous le fasse.

- Je...

- Je...

Nous sommes synchro mais je lui laisse l'honneur de commencer.

 - Vas-y ma puce, je t'écoute.

- Je n'ai jamais eu l'intention de te quitter.

J'ai toujours vécu à travers et pour mon ex et là, je me découvre enfin. Je prends de l'assurance. Je me suis fait des amies. Je sors, je profite de la vie. Je ne veux pas que tout s'effondre. Tu vas trop vite pour moi. J'ai l'impression que si l'on t'écoutait, je m'installerai maintenant chez toi. J'ai besoin de passer du temps avec les filles mais aussi de ma solitude pour me reconstruire.

- Et moi, je dois me situer où?

- Toi... Tu... Tu es la personne qui fait battre mon coeur.

Elle ne peut pas me faire cette déclaration en étant si loin de moi. Je me rapproche et la soulève pour la placer sur mes genoux.

- Je fais battre ton coeur? 

Elle hoche la tête et j'ai envie de hurler Victoire.

- Je ne veux pas que tu paniques, ni que cela t'effraie mais je ressens le besoin de te le dire. Je suis éperdument amoureux de toi.

Je n'ai pas eu le droit à "moi aussi' mais sa réponse est encore plus parlante pour moi. Elle s'est blottie contre moi, à nicher sa tête dans mon cou et m'a serré très fort.

- Ton comportement d'aujourd'hui m'a perturbée. Tu as toujours été extrêmement doux et patient avec moi. J'ai eu l'impression d'avoir un autre homme devant moi, une autre facette de toi.

- Je ne suis pas parfait, Carla. Des erreurs, je vais en commettre et toi aussi. Je n'ai pas répondu à ton dernier texto pour que tu réfléchisses à ce que tu venais de faire et aussi car je risquais d'être désagréable. Pour ce qui s'est passé dans la chambre, j'ai besoin que tu me dises si j'ai été trop brutal, si je t'ai fais mal? Je ne supporterais pas que tu me le caches.

- Non, non, jamais de la vie. Je ne pensais pas que tu étais un dominateur et je t'avoue que sexuellement, j'ai peur qu'on ne soit pas compatible.

Carla et ses barrières. Je vais les éclater au bulldozer.

- J'aime contrôler mais pas de la manière que tu penses. Nous ne sommes pas dans un rapport dominant/soumise. Je ne fais pas dans le BDSM.

Je n'ai pas voulu te faire peur tout à l'heure. J'ai même faire l'amour dans toutes les positions ou lieux possibles. Tu en aimeras certains et d'autres non. Tu devras me le dire, je ne te forcerai jamais la main.

J'ai du mal à lui expliquer mon comportement. Je suis sur un terrain glissant. Je dois peser mes mots.

Je crois aussi que j'ai eu besoin de me prouver, de te prouver qu'on existait. J'ai été égoïste. J'ai pourtant la réelle impression que tu as beaucoup apprécié.

Je pense avoir mis le doigt sur le problème.

- Je crois que c'est ce qui me dérange le plus. Je n'imaginais que cela puisse être possible. J'ai honte de moi.

- Je t'interdis de penser ça. Il n'y a rien de dégradant ou de choquant dans l'acte, peu importe la manière de le faire. Seul, le consentement mutuel compte. Tu comprend?

- Oui.

Je n'en suis pas certain mais je vais m'en contenter pour ce soir. J'ai tout mon temps pour lui prouver qu'elle a tort. Cependant, elle a prononcé une phrase tout à l'heure qui m'interpelle.

- Tu n'as pas d'amis?

Un voile de tristesse s'empare de ses yeux. Je comprend alors que j'ai mis les deux pieds dans le plat.

- C'est compliqué... Je...

L'interphone interrompt son début de phrase. Quand elle cherche ainsi ses mots, c'est qu'elle souffre. Je commence à la décrypter. Je vais l'amener à se confier en douceur. 

Un pas après l'autre (reecriture) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant