Carla

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Je déteste être en retard. Me presser dès le matin a le don de me mettre de mauvaise humeur mais au moins, je n'ai pas de pivert qui me martèle la crâne. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. A force de repousser mon réveil, l'inévitable s'est produit. Il me reste cinq minutes pour me préparer avant ma séance avec Hugo et je ne suis pas encore habillée. Fort heureusement, j'ai eu le temps de prendre une micro douche et surtout de me brosser les dents. Indispensable en post-cuite.

J'arrive à me payer le luxe d'avoir une minute d'avance mais une tête à faire peur. Je n'ai pas de regrets concernant hier soir. J'appréhende seulement de le revoir. Je ne sais pas comment je dois me comporter. C'est stupide mais les jeux de séduction me paraissent tellement loin. Dois-je lui ouvrir la porte et l'embrasser ou lui faire la bise? Cette question n'a pas fini de me tarauder. Et encore, si c'était la seule.

Hugo ne semble pas non plus très en forme. En tous cas, il n'est vraiment pas bavard. Ses gestes s'effectuent comme un automate, sans vie, sans passion. J'aimerai lui demander comment s'est déroulée la fin de soirée mais je n'ose pas.

- As-tu eu des nouvelles de Julie? 

- Non, pourquoi?

Il m'explique alors qu'Anne l'a appelé ce matin car elle était inquiète de ne pas avoir eu de ses nouvelles. Son portable est sur répondeur et ces volets n'ont pas bougé depuis hier soir.

- Il peut y avoir un millier d'explications. Elle n'a peut-être plus de batterie. Pour ses volets, elle a sans doute eu la flemme de les baisser.

- J'ai déconné avec elle, je m'en veux. J'ai voulu lui demander pardon, lui dire que je regrettais mais elle n'a rien voulu savoir.

- Tu as merdé à ce point?

Pas de réponses et il enchaine rapidement sur Stéphane. C'est touchant de le voir défendre son ami et m'expliquer que c'est quelqu'un de bien et que je n'ai pas intérêt à lui faire du mal. Si seulement, il savait que c'est lui qui peut me détruire ou plutôt finir de m'achever. Je ne me relèverai pas d'un nouvel échec. J'étais assez enthousiaste tout à l'heure mais là, je commence à douter. Est-ce que je dois prendre le risque de souffrir à nouveau?

- Je suis désolé, je ne voulais pas te blesser. C'était inapproprié de te dire ça. 

- Tu le protèges, c'est normal.

Perdue dans mes pensées, je ne m'étais pas rendue compte que nous avions terminé. Il est obligé de me secouer légèrement pour me faire réagir. Je le revois désormais dans deux jours.

Je suis contente d'être chez moi, j'ai tellement de travail que ça va m'empêcher de tourner en rond et d'angoisser. Le manuscrit est bourrée de fautes d'orthographe tellement énormes que je me demande si ce n'est pas un gag.

J'ai fini par appeler l'éditrice. Tout s'explique. Le livre était en auto-édition et avait connu un fort succès à l'étranger. L'auteur, italienne a essayé de le traduire seule en français. La critique concernant le fond a été très enthousiaste mais les problèmes d'orthographes ont aussi rebuté beaucoup de lecteurs. Une fois que j'aurais remédié à ce problèmes, l'auteur aura j'espère beaucoup de succès.

La journée est passée à toute vitesse. Il va être dix sept heures et j'ai oublié de déjeuner. C'est le signe que j'ai été productive. Le temps de me préparer un encas et il sera l'heure de me préparer. Je ne vais pas en faire des tonnes mais au moins essayer d'être présentable. Il va y avoir du boulot.

Alors que je m'apprête à entrer dans mon bain, quelqu'un frappe à ma porte. C'est bien ma veine, je ne vais jamais être prête à temps. En plus, je ne reçois jamais de visites à part Julie et Anne donc je ne vois pas qui cela peut être. Un rapide coup d'oeil dans le judas me confirme l'identité de mon visiteur. Anne, en larmes. Je m'empresse de lui ouvrir. Un mauvais pressentiment m'envahit.

- Anne, qu'est ce qui se passe?

Entre deux hoquets, elle me répond que Julie est partie.

- Partie, où? Je ne comprend pas. Assieds-toi et explique moi tout. Hugo m'a dit que tu cherchais à la contacter depuis ce matin.

- Nous avons nos habitudes. Dès le réveil, on s'envoie des messages. Et ce matin, rien. Toute la journée, j'ai tenté de la joindre, en vain. En allant chercher mon courrier, j'avais une lettre de sa part. Le médecin l'a mise en arrêt pour trois semaines et elle est partie. Elle a ajouté qu'ici c'était trop dur et qu'elle avait besoin de recul. Je ne comprend rien. Je suis sa meilleure amie et je ne sais pas du tout de quoi elle parle.

Tout en nous préparant deux thés, je tente d'y voir plus clair.

- Ca ne serait pas en rapport avec Hugo?

- Non, il ne s'est rien passé entre eux mais c'est vrai qu'elle est bien accro.

 - Je n'en suis pas si sure que toi. A ta place, j'irais chercher de ce coté-là.

Nous avons continué à discuter pendant plus d'une heure avant qu'elle parte interroger discrètement Hugo. J'ai du mal à croire au terme discrètement. Il va surtout passer un sale quart d'heure à mon avis. Elle ne lâchera rien avant de tout savoir.

Tout ça a remué beaucoup de choses en moi. Je ne me sens pas très bien. J'ai froid et j'ai la nausée. Stéphane est censé arriver dans quinze minutes et j'ai juste envie de m'enfouir sous ma couette. Je sais que je fais n'importe quoi et que je vais le regretter mais je préfère annuler. C'est mieux ainsi. 

Un pas après l'autre (reecriture) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant