Un pas après l'autre (reecriture)

Carla

Notre plateau de sushis est magnifique mais je ne suis pas certaine d'y gouter. Ressasser le passé m'a provoqué un noeud dans l'estomac. J'ai la nausée.

- On se met à table ou dans le canapé?

- Dans le canapé, on sera plus à l'aise.

Je ne sais même pas par où commencer mon récit. Je ne veux pas encore pleurer devant lui et qu'il me perçoit encore comme une femme faible. J'aimerais tant lui donner une autre image de moi.

- Tu ne manges pas? 

- Si, si, je m'y mets.

Je me force un peu, beaucoup. Je les ai réclamés, la moindre des choses est de les déguster. J'ai des hauts le coeur que je tente tant bien que mal de dissimuler.

- Carla, on en a déjà parler, quand il y a un souci, on en discute.

Je sais mais c'est si difficile. Ce n'est pas naturelle pour moi. Je prend une grande inspiration et je me lance.

- J'avais des amis. Nous étions proches mais lors de la séparation, j'ai coupé les ponts. A la base, c'était ses amis à lui, pas les miens. J'étais une pièce rapportée. Je n'ai pas voulu qu'ils aient à choisir entre lui et moi.

Les mots me sont venus plus facilement que je le pensais et sans verser une larme. 

- Ils n'ont pas essayé de te retenir?

Je lui dois la vérité.

- Je ne leur ai pas demandé leur avis.

Je vois bien à sa tête qu'il n'approuve pas ma décision.

- Je ne suis pas d'accord avec ton attitude. Ils n'ont jamais tenté de te contacter?

Je secoue la tête.

 - C'est lâche de leur part.

- J'ai changé mon numéro de portable et couper Facebook.

Je baisse la tête. Je n'ose pas croiser son regard désapprobateur.

- Tu te rends compte de tes actes. Comment peux-tu te tourner vers l'avenir quand ton passé te ronge? Et ne me dis pas que je me trompe! Je suis certain que souvent tu te demandes s'ils pensent à toi, ce qu'ils deviennent...

- Oui

Ma voix est faible et les larmes menacent de déborder. Je les refoule du mieux que je peux.

 - Il faut que tu te confrontes à eux pour tourner la page.

- Et je fais quoi, je me pointe et je leur dis hou, hou, je suis de retour.

C'est absurde. Il ne comprend vraiment rien.

- Ton compte, tu l'a supprimé ou désactivé?

Je ne vois pas où il veut en venir.

- Je ne sais pas, mes souvenirs sont confus. Pourquoi?

- Tu pourrais commencer par regarder et le remettre en route?

- Pour faire quoi? Souffrir si personne ne prend de mes nouvelles, non merci.

- Ton égo prendra un coup et tu saura que ce n'était pas des vrais amis. As-tu pensé à l'inverse qu'ils puissent se languir de toi?

Je n'avais pas vu ça sous cet angle.

- Effectivement, non. J'ai seulement cherché à me protéger sans penser aux conséquences. Je vais le faire.

Mes mains tremblent en voyant l'ordinateur chargé la page. Instinctivement, je rentre mon mail et mon mot de passe. Un mélange d'excitation et de peur se mélangent en moi.

Je suis à l'accueil et je ne sais pas quoi faire. Je ne suis pas prête à les contacter.

- Je fais quoi maintenant?

- Respire, tu as fais le plus dur. Tu peux enlever certaines de tes photos pour commencer.

Elles sont toutes de Xavier et moi. Je les efface une par une sans nostalgie particulière. J'ai simplement muri et ce constat me fait plaisir.

- J'adore cette photo.Tu es magnifique, radieuse... Tu respires la joie de vivre. C'est cette Carla-là que je veux voir à présent.

Pour toute réponse, je l'embrasse. Les mots sont parfois inutiles pour exprimer ce que l'on ressent. 

- Je veux faire du tri dans mes contacts. Certains sont inutiles.

Pourquoi garder les profils de personnes avec qui je ne discute jamais? Aucun interêt.
- Tu pourrais en accepter aussi des nouveaux.

Je ne comprend pas son allusion mais quand le ping caractéristique de l'application retentit, tout s'éclaire. J'ai une nouvelle demande d'amis. Lui.

- Je ne sais pas si je dois accepter.

Sa tête vaut tout l'or du monde. Je pousse le bouchon encore plus loin.

 - Nous ne sommes pas amis.

Il va faire une crise cardiaque ou m'étrangler.

- Nous sommes plus que ça.

Il se jette sur moi et me chatouille. Je n'arrive pas à reprendre mon souffle. C'est mon point faible et il l'a découvert.

- Tu n'est qu'une chipie.

Il me relâche enfin et je respire.

- Pour te faire pardonner, tu pourrais changer ton statut. 

- Heu, je ne te suis pas.

Il pointe son doigt sur le mot célibataire et je devine sa requête. Suis-je prête à officialiser notre relation?

Oui, oui et oui. Sans lui, je serais sans doute en pleine dépression. Il m'a énervée, bousculée. Je l'ai malmené mais il est toujours resté à mes côtés. Il ne m'a jamais abandonné.

Je place le curseur sur en couple et j'ajoute son nom. Le monde entier sait maintenant que nous sommes ensemble.

L'homme des cavernes se jettent à nouveaux sur moi et me couvrent de baisers.

 - J'en espérais pas tant et ça me touche. Tu es à moi et je suis à toi.

Ses mains sont partout sur moi. Il est déjà prêt pour un second round. Le bruit incessant de l'ordinateur est insupportable. Je le repousse pour voir ce qu'il se passe. Des dizaines de personnes ont aimé ma publication. J'en reste sans voix.

- Nous sommes populaires, ma chérie.

Impossible de ne pas rire. Il arrive toujours à désamorcer les situations qui m'angoissent. Il m'apaise.

Un nouveau bip se fait entendre. Une fenêtre s'ouvre et tout mon corps se raidit.

Oh mon Dieu, Carla? C'est bien toi?

- Carla? C'est qui?