Carla

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Je suis maudite et surtout très fertile. En regardant la tête de Stéphane, je sais d'emblée qu'il ne veut pas de cet enfant. Il n'a pourtant pas à s'inquiéter. Le médecin a évoqué l'opération, les risques et les chances de mener à terme cette grossesse. Il y a une chose à laquelle, il n'a pas pensé : que je songe à l'avortement. Etre mère célibataire me fait trop peur et je crois que tout ce qui m'arrive à chaque fois doit être un signe que je ne serais pas une bonne mère.

- Ma puce, je sais que ça fait beaucoup de choses à assimiler mais que souhaites-tu faire?

- Comme si j'avais le choix, je vais voir si l' I.V.G peut être programmé en même temps.

Je le vois reculer comme si je l'avais frapper et ses yeux sont écarquillés. Il semble encore plus sous le choc que lors de l'annonce.

- Tu n'es pas sérieuse?

- J'ai bien vu que tu n'étais pas prêt à devenir père. Je ne vais pas t'y contraindre.

Il fait les cent pas dans la minuscule chambre et il va finir par me donner le tournis.

- Encore et toujours, tu fais des suppositions sans me demander clairement mon avis. Tu veux le connaître?

Je hoche la tête.

- Rien ne me fait plus plaisir et ne m'effraie autant que de savoir que tu portes mon enfant, notre enfant. Alors, oui, sur le coup, j'ai été sous le choc mais pas pour les raisons que tu crois. Je ne veux pas vous perdre. J'aime déjà ce petit être qui grandit en toi et vivre sans toi est inconcevable.

Je ferme les yeux. J'aimerais aussi pouvoir me boucher les oreilles. Il ne peut pas dire ça. Pourquoi ne comprend-il pas que je ne vais pas y arriver?

Je commence à suffoquer. L'air se fait de plus en rare.

- Inspire et expire.

Il ne s'agite pas et appuie calmement sur la sonnette d'alarme.

- Continue, c'est bien. Je ne te laisserais pas.

Je panique encore plus.

L'infirmière arrive et demande à Stéphane de sortir.

- Non, je reste.

- Monsieur, s'il vous plait. Vous ne l'aidez pas.

Elle m'incite à continuer les exercices de respiration et me demande fixer un point. Cela fonctionne, je me calme petit à petit.

- Vous venez de faire une crise d'angoisse. Ce n'est pas dangereux mais pas anodin, non plus mais j'ai le sentiment que ce n'est pas la première fois?

- Effectivement, vous avez raison. Je consulte depuis peu une psychologue...

Je laisse ma phrase en suspens, il n'y a rien de plus ajouter.

- Désirez-vous que nous discutons de ce qui a déclenché cette crise? ou de l'opération? Vous avez peut-être des questions?

- Je ne suis pas prête à être de nouveau enceinte. Je suis morte de trouille et tiraillée entre l'envie de le garder et ...

- Vous avez encore le temps pour vous décider. Surtout, ne faites rien dans la précipitation et prenez le temps d'en discuter avec votre mari. Vous ne devez pas laisser la peur gagner. Vous n'êtes pas la première femme à avoir ce problème mais je peux vous dire que beaucoup ont donné naissance à un très joli bébé.

Tout me semble si confus et peu importe le choix que je fais, ma vie sera bousculer.

- Je ne suis pas forte et je ne supporterais pas une nouvelle fausse couche.

- Je peux vous comprendre mais je pense qu'il y a autre de chose, de plus profond qui vous empêche de vous battre.

- Je suis fatiguée...

Elle s'éclipse en me précisant que le médecin passera me voir dans une heure pour connaître ma décision.

Je commence juste à fermer les yeux que j'entend la porte grincer. A l'odeur et aux réactions de mon corps, je sais que c'est Stéphane.

Il prend une chaise, s'installe à proximité de moi et me prend la main.

- Je sais que tu es perdue mais je veux te raconter mon histoire.

- Ok

- J'avais seize ans quand j'ai rencontré Marion. J'étais amoureux, enfin autant que l'on peut l'être à cet âge-là. Nous sommes rapidement devenus intimes et elle est tombée enceinte. Ce n'étais pas voulu.

Je vois bien qu'il souffre et j'appréhende la suite.

- Elle s'est confiée à sa mère qui a décidé qu'elle était trop jeune et a pris rendez-vous chez son gynécologue.

Je devine aisément ce qu'il s'est passé.

- Personne ne m'a demandé mon avis comme si je ne pouvais pas en avoir. Je ne dis pas qu'elle aurait du le garder mais j'aurais aimé que l'on m'inclut dans l'équation. Un fossé s'est creusé entre nous et nous avons fini par nous séparer. Je pensais avoir enterré tout ça et quand je t'ai rencontré, tout est remonté à la surface. J'ai eu ce besoin de tout contrôler, de t'imposer ma volonté pour ne pas te perdre. Je t'en supplie, ne m'exclue pas.

- Tu vas me détester si je le perds...

- Jamais, tu m'entend car je sais que tu auras fais ton maximum.

- Mais on ne vit pas ensemble. On va faire comment. Et si on ne se supporte pas au quotidien?

J'ai besoin de savoir où je vais et là, tout m'échappe.

- On va faire front ensemble et y arriver.

Je me redresse et l'enlace. Ma perfusion me gêne mais je m'en fous.

- Si tu savais à quel point, je t'aime mon ange.

- Je t'aime aussi.

Front contre front, je me perds dans ses yeux et vois l'amour qu'il me porte.

Le médecin que nous n'avons pas entendu entrer nous interrompt en toussant.

- Je vais refaire un contrôle et nous aviserons après.

Il me palpe et la douleur est toujours là malgré les médicaments. Il poursuit avec une nouvelle échographie.

- Vous voyez juste là?

- Oui

- Le saignement se poursuit. Il est plus que temps d'intervenir madame!

Stéphane hoche la tête et je les informe que je suis d'accord pour aller au bloc.

Les brancardiers sont déjà là et je ne veux pas le quitter.

- Je serais là à ton réveil, ma puce.

- J'espère... et s'il te plait appelle Paul.

Mon frère va devenir fou en l'apprenant et je crains pour Stéphane mais j'ai aussi besoin de lui.

- Dis lui bien qu'il ne doit pas s'énerver sur toi !

- Ne t'inquiète pas pour ça.

Je finis par m'éloigner et nous entrons dans une pièce interdite au public. Nous y sommes, le moment fatidique est arrivé et je prie pour vivre. Mon bout'chou et moi.

Un pas après l'autre (reecriture) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant