Je referme la porte après les avoir salués et remerciés une dernière fois. Je prends le temps de tout ranger et nettoyer la cuisine, quand la solitude m'envahit brusquement. Les larmes roulent sur mon visage et je prends conscience que je n'ai jamais vécu seule. Or aujourd'hui, je le suis plus que jamais. Je n'ai plus de mari, plus d'amis car pour ces derniers, j'ai fait le choix de couper les ponts.
Lorsqu'un couple se sépare, les amis prennent forcément parti pour l'un ou pour l'autre. Afin de leur éviter ce dilemme, j'ai pris la décision de m'effacer. Je ne voulais pas voir la pitié dans leur yeux, ni entendre leurs commentaires. La curiosité des gens est souvent très malsaine. Personne ne sait véritablement comment nous en sommes arrivés là car je me suis tue, Xavier en a fait autant. Lui, je pense que c'est plus pour ne pas subir de leçon de morale sur sa conduite. Nos amis ont des vies très rangées : une jolie maison, un ou plusieurs enfants, et le monospace. Il ne manque plus que le labrador pour parfaire le tableau. Jamais ils n'auraient approuvé son comportement.
A présent, il est temps de me ressaisir et de penser un peu à moi. Jouer les égoïstes me fera le plus grand bien. J'ai pris la mauvaise habitude de me reléguer au second plan. Je veux désormais être actrice de ma vie et non spectatrice. Fini, la gentille Carla qui se laisse marcher sur les pieds. Je vais croquer la vie à pleines dents.
Je souris de mon grand discours qui demain sera déjà rendu aux oubliettes, mais à force de pratiquer la pensée positive, un jour j'y arriverai. Je le sais.
Je bois rarement mais en voyant la bouteille de vin rouge trôner sur le plan de travail, je décide de m'en servir un verre. Je le déguste tranquillement en cherchant un programme télé où je n'aurai pas à réfléchir. A force de zapper, je finis par tomber sur une émission que j'affectionne. Une bande de chroniqueurs qui débat de l'actualité dans la bonne humeur. C'est parfait pour ce soir.
Quelques instants plus tard, le moment de la pub est déjà arrivé. J'en profite pour sortir fumer une cigarette sur le balcon. Je remarque qu'il y a deux chaises ainsi qu'une petite table sur laquelle sont posés un cendrier et un petit mot. Je reconnais immédiatement l'écriture de Paul.
Salut soeurette,
Je me suis dit que tu serais mieux installée pour noircir tes poumons et accentuer tes rides.
Ton frère qui se soucie de ta santé.
Ce geste me touche énormément. Le fait qu'il ait pensé à ce détail m'émeut. Je retourne chercher mon portable pour le remercier.
Merci, c'est juste parfait. Je ne te l'ai pas dit récemment mais je t'aime.
Sa réponse ne se fait pas attendre et je ris.
Eh bien, j'ai cru un instant que tu t'étais débarrassée de ta mauvaise manie. Tu m'as fait une fausse joie.
Il est grave, un brin déjanté mais c'est comme ça que je l'aime avec son humour bien particulier. Il trouve toujours le moyen de chasser ma tristesse quand elle pointe son nez. Je suis certaine qu'il se doutait que j'allais avoir un coup de cafard et il a trouvé le moyen d'y remédier.
Les volets roulants sont baissés et je viens pour la troisième fois de vérifier que la porte d'entrée était bien fermée. Rien ne me rassure. Je crois que j'angoisse un peu. C'est la première nuit que je passe seule depuis au moins huit ans. En y repensant, je n'ai pas le souvenir d'avoir dormi une fois sans Xavier depuis notre rencontre et cela me fait drôle.
Je m'installe dans ma nouvelle chambre. Tout est trop silencieux. Le moindre bruit me fait sursauter. Je n'arrive pas à trouver le sommeil. Je repars dans le salon emmitouflée dans ma couette et je m'allonge dans le canapé. Le son de la télévision me berce. Je finis par m'endormir.
Il est huit heures et je suis déjà réveillée. Je suis fière d'avoir réussi à passer ma première nuit seule. C'est un premier pas vers le début d'une nouvelle vie.
Il faut que je mange si je veux reprendre des forces. Je me suis trop laissée aller dernièrement. Rien ne me tente dans les placards. J'ai envie d'un bon croissant tout chaud. Je commence par prendre une douche avant d'aller à la boulangerie. Je vais également en profiter pour repérer les commerces dont je pourrais avoir besoin.
Deux heures plus tard, je suis de retour les bras chargés de victuailles. J'ai découvert un magasin de thé où il y avait plein de parfums que je ne connaissais pas. Après avoir fait le plein, j'ai continué à me promener tout en respirant le bon air du printemps. J'ai fini par tomber sur une librairie et cela a causé ma perte financière. Je n'ai pas acheté un livre, ni deux, mais cinq. J'ai un appétit immodéré pour la lecture et bien évidemment, j'en ai fait mon métier. Je suis correctrice en free-lance pour les écrivains.
Pour mon plus grand bonheur, quelqu'un sort de l'immeuble quand j'y rentre, sinon je ne sais pas comment j'aurais fait avec tous mes sacs.
_ Bonjour mademoiselle.
_ Bonjour.
Je suis un peu froide mais je ne me suis jamais sentie à l'aise avec ce genre d'homme un peu dragueur.
_ Vous êtes nouvelle ?
_ Oui.
Il se rend compte que je ne désire pas donner suite à la conversation et prend congé.
_ Bonne journée et au plaisir de vous recroiser bientôt.
Je marmonne un " vous aussi " avant de m'enfuir vers l'ascenseur.
L'après-midi est consacré à ranger ma bibliothèque et défaire les derniers cartons de vêtements. Trois heures plus tard, je commence à saturer et décide de faire une pause. Un petit plongeon me fera le plus grand bien. Hé oui, la résidence est équipée d'une piscine couverte ouverte de huit heures à vingt-deux heures. Comme quoi malgré mes exigences, l'agent immobilier a pu trouvé le bien rare.
Quel pied, elle est déserte. Je n'avais pas envie de croiser du monde et de devenir l'attraction du jour. J'enchaine les longueurs à mon rythme de tortue et cela me fait un bien fou de faire un peu d'exercice. Je termine la séance en faisant la planche. J'avance doucement grâce aux battements de mes bras et je me laisse porter. Soudain, des éclats de rire me tirent de ma torpeur et je me dépêche de sortir de l'eau. J'ai juste fini de mettre mon peignoir quand je les vois arriver. Elles sont deux et je ne peux pas m'empêcher de les envier. Leur complicité est évidente, cela me manque de n'avoir personne à qui me confier. Je sais que c'est ma faute si j'ai perdu les miens mais sur le moment, je ne voyais pas d'autre solution. Je ne voulais pas être rejetée alors j'ai choisi la facilité. J'ai fui sans leur donner d'explication. J'ai désactivé mon compte Facebook, changé de numéro de portable puis déménagé. Le message véhiculé par mon attitude a été clair puisque je n'ai plus jamais entendu parler d'eux, mais la solitude commence à me peser.
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Un pas après l'autre (reecriture)
Roman d'amourSuite à la perte de son bébé et son divorce, Carla tente de se reconstruire et d'avancer. Refaire sa vie avec un homme n'est pas dans ses projets mais son bel avocat sait ce qu'il veut et c'est elle. Att...