Carla

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Trois semaines se sont écoulées dont la première dans un brouillard permanent. J'étais au plus mal. J'en voulais à la terre entière mais surtout à Stéphane. J'avais placé ma confiance entre ses mains et il l'avait brisée. Tout me semblait fade et sans saveurs. Je n'avais plus goût à rien. Je pleurais sans cesse et je n'avais plus la force de me battre. J'ai pris peur le jour ou mes pensées se sont fait plus sombres, plus noires. Je commençais à me demander l'interêt de vivre pour souffrir autant. J'avais fini par contacté mon frère pour lui demander de l'aide.

Suite à mon appel de détresse, Paul était très vite arrivé et ne m'a plus lâché, depuis. Il s'est installé avec moi pour m'aider à passer ce cap mais je sais bien qu'il voulait me surveiller pour ne pas que je passe à l'acte. Il ne m'a pas laissé le choix et m'a obligé à voir une psychologue. Selon elle, après un tel traumatisme, j'aurais du rencontrer quelqu'un plus tôt pour évacuer ma douleur et faire mon deuil. Ses méthodes sont un peu particulière mais je me sens déjà mieux. Elle avait raison, j'avais seulement besoin d'une écoute et personne au près de qui le faire. Nous nous voyons deux fois par semaine et je commence petit à petit à comprendre. Je ne suis pas responsable de ma fausse couche et personne d'ailleurs. Rien de ce que j'aurais pu faire ou ne pas faire aurait changé l'issue. La nature donne et reprend à sa guise. Je dois me concentrer sur le positif : je suis en bonne santé et les portes de la maternité ne sont pas fermées. Enfin, il faut être deux pour le concevoir.

Paul est reparti ce matin mais avec un millier de recommandations tel que : donner de mes nouvelles deux fois par jour, me nourrir, et surtout écrire à Stéphane. J'ai honte de mon comportement, j'ai fais n'importe quoi avec lui. Nous avons tous les deux commis des erreurs, lui en me pressant et moi en fuyant. Il a eu raison de partir mais une partie de moi, lui en veut encore. J'ai désormais deux options : continuer à faire l'autruche dans mon coin ou agir en adulte et le contacter.

J'hésite sur la manière de le faire. Il m'a laissé beaucoup de messages pour me dire que je lui manquais, qu'il m'aimait... auxquels, je n'ai pas répondu. Je ne me suis pas sentie le droit de le faire espérer pour rien. Pourtant, je l'aime de toutes mes forces. Il m'a fallu du temps pour l'admettre mais ai-je le droit de le faire encore souffrir?

Chaque jour, chaque heure, il envahit mes pensées. Je me demande constamment ce qu'il fait et avec qui il est. La réciprocité est de rigueur car j'ai un nouveau texto :

Je donnerais tout pour un signe de ta part mais je reste patient.

C'est l'occasion parfaite pour mettre fin à mon silence mais je ne sais pas quoi lui répondre. Je décide alors de copier son modèle et de l'adapter.

Je donnerais tout pour être avec toi mais je ne sais pas si c'est encore possible.

Je surveille mon téléphone toutes les minutes et je ressens la même euphorie qu'à nos débuts.

Ma puce, si tu savais la joie que cela me procure de te lire à nouveau. J'ai tellement de choses à te dire. Je suis désolé de ne pas avoir été à la hauteur.

Je ne peux pas le laisser croire ça. C'est faux, il a su dire stop avant que je l'entraine dans ma chute.

Je n'ai pas été non plus exemplaire. Je souffre de ton absence mais je ne suis pas guérie...

Il serait présomptueux de ma part de croire que j'ai vaincu mes démons. Je progresse bien mais on n'efface pas tout, d'un coup de baguette magique. Ce n'est pas aussi simple.

Je veux te voir mais entendre ta voix serait déjà super.

Avant de lui répondre par l'affirmative, je décide de m'allonger sur la canapé. Depuis ce matin, je ressens des douleurs dans le bas ventre qui m'inquiètent. Ce sont les mêmes que lorsque j'avais eu un kyste qui s'était rompu dans mon ovaire à l'adolescence.

Oui, tu peux m'appeler.

Je ne sais pas si c'est à cause de l'angoisse mais le mal s'accentue au point de me faire grimacer. Aucunes positions ne me soulagent. C'est comme un violent pincement.

Quelques minutes plus tard, mon portable résonne. Il n'a pas perdu de temps.

- Bonjour

Ma voix est hésitante.

Il me salue à son tour et prend de mes nouvelles. Nous sommes tous les deux maladroits et aucun de nous n'ose aborder le sujet épineux.

Le temps écoulé a mis de la distance entre nous. Je prend conscience qu'il sera sans doute impossible de recoller les morceaux.

- Je ne t'ai pas oublié, ma puce.

Qu'est-ce que c'est bon de l'entendre le dire !

- Moi, non plus.

Je peux faire mieux que ça. Je dois être franche.

- Je ne t'en veux pas, tu sais mais tu m'avais promis de ne pas me laisser. Tes raisons étaient valables mais je ne peux pas m'empêcher de t'en vouloir.

Je l'entend souffler.

- Chaque jour, j'ai regretté mon geste et pire, je t'ai fais des reproches sur ton passé, alors que je n'ai pas été honnête non plus sur le mien.

Alors là, je suis intriguée.

- Tu as su m'écouter, me rassurer... Si tu as besoin d'une oreille attentive, je suis là...

Et je le serais toujours.

- Tu es en droit de connaitre la vérité mais je pense pas que tu me pardonneras.

J'imagine tous les scénarios possibles mais celui qui retient mon attention est le fait qu'il ai pu me tromper. Je vais vomir.

- Tu as rencontré quelqu'un d'autre?

Je dois savoir. Mon ventre se contracte encore plus. Je me retiens d'hurler.

- Non, tu n'y es pas du tout. Jamais, je ne ferais ça. Le mieux serait de se voir pour que je t'explique tout.

Je souffre de plus en plus. Je ne vais pas réussir à lui cacher longtemps.

- Ouiiii, si tu veux.

Ma voix tremble. Il faut que l'on raccroche.

- Carla, tu es sure que ça va. Tu as l'air bizarre.

Je me relève et une autre crampe m'assaille. Je me cramponne du mieux que je peux à l'accoudoir quand je remarque des taches de sang sur mon pyjama.

- Je me sens pas bien.

- Reste en ligne, j'arrive.

J'ai un mauvais pressentiment.

Un pas après l'autre (reecriture) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant