Prologue

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   L'agent immobilier introduisit la clé dans la serrure fatiguée de l'immense maison désuète. Un sourire traduisant l'excitation de Mme Dupont se dessina sur son visage. Son mari, quant à lui, semblait plus méfiant, une si grande maison à un prix si bas était effectivement assez suspect.

   Les filles du couple, deux jumelles de seize ans aux beaux cheveux châtains et aux yeux marrons délicatement dessinés en amendes ne se préoccupaient guère de la maison leur faisant face, préférant chercher du réseau pour de connecter sur internet.

   L'agent immobilier, un certain monsieur Lambert, essayait de faire tourner la clé dans la vieille serrure. Face à l'impatience de ses clients, il se retourna pour leur adresser un petit sourire gêné et dit:

   - Ces vieilles serrures sont plus coriaces qu'un mur de brique! Au moins, personne ne risque de s'introduire par effraction!

   Mme Dupont agrandit légèrement son sourire. Elle était tellement impatiente de découvrir cette maison ancienne dans laquelle elle se voyait déjà ouvrir de magnifiques chambres d'hôtes. De plus, le prix étonnement abordable pour une si grande maison ne faisait que l'encourager dans son projet.

   Cependant, les doutes de son mari restaient un obstacle de taille quant à la réalisation de son rêve. Michel, l'homme qui partageait sa vie depuis un peu plus de vingt ans, restait sceptique quant au prix étrangement bas de cette somptueuse demeure qu'ils s'apprêtaient à visiter. Selon lui, même si la maison était abandonnée depuis déjà quelques années, un tel prix cachait forcément quelque chose de louche...

   - Ah! C'est bon, s'exclama l'agent immobilier qui avait enfin réussi à tourner la clé.

   Sous le regard impatient de sa cliente, il ouvrit la porte. Michel, qui était l'exemple même du mari sceptique auquel l'agent immobilier avait régulièrement affaire, regarda une dernière fois l'imposante façade de la maison composée de trois niveaux.

   Il était vrai que cette maison avait un cachet indéniable qui avait sûrement était a l'origine du coup de cœur de sa femme, Béatrice. Le manoir devait même avoir été très distingué dans la période qui avait suivit sa construction.

   Malgré toute sa bonne volonté pour encourager sa femme dans son grand projet de chambres d'hôtes, quelque chose le dérangeait. Il ne savait pas quels mots mettre sur ce sentiment étrange mais une chose était sûre, cette maison lui faisait froid dans le dos.

   Voyant que M. Lambert, l'agent immobilier un peu grassouillet, rentrait dans la maison suivi de sa femme aux yeux émerveillés, Michel se retourna:

   - Mélissa, Marina! On rentre, dit-il.

   Ses deux filles lui adressèrent un regard manifestant leur grand manque de motivation à l'idée de visiter une maison abandonnée et Michel insista un peu plus. Après de petites protestations, les jumelles le suivirent enfin.

   Michel s'avança vers l'entrée de la vieille maison. Quand il franchit la porte d'entrée, un léger frisson parcouru le long de sa colonne vertébrale. Cette maison cachait quelque chose, il en était convaincu.

   M. Lambert alluma une puissante lampe torche permettant ainsi à Michel et ses filles de rejoindre l'agent immobilier et Béatrice sans trop de difficultés. Le petit groupe se réunit pour observer la grande entrée.

   La pièce au vieux parquet craquant sous le poids de ses visiteurs était assez grande et comportait un escaliers qui, sous la couche épaisse de poussière qui le recouvrait, devait être, à l'origine, blanc.

   Béatrice, émerveillée par ce qu'elle avait sous les yeux se projetait déjà dans la maison. Elle imaginait placer un bureau de style ancien dans l'entrée qui ferait office d'accueil pour ses chambres d'hôtes.

   Dans son élan d'enthousiasme, elle se dirigea vers le mur près de l'escalier où un grand morceau de tissu était accroché par de vieux clous. Elle regarda l'agent immobilier et s'empressa de demander:

   - Qu'y-a-t-il derrière cette toile?
- Pas grand chose, répondit M. Lambert, visiblement gêné par la question.
- Vous en êtes sûrs? insista Michel.

   Les deux jumelles se placèrent derrière leurs mère. Toutes les deux essayaient de deviner ce que pouvait cacher l'énorme bout de tissus. Béatrice s'approcha un peu plus de la toile pour la toucher. Le tissu, très fragile au toucher, devait être assez ancien.

   - Oui, oui, rétorqua l'agent immobilier, peu rassuré.

   À peine eut-il terminé sa phrase que Béatrice saisit fermement la toile dans ses petites mains manucurées. Sous les regards attentifs de ses deux filles, elle tira ensuite d'un coup sec sur le tissu qui s'arracha des clous qui l'avaient maintenu.

   Elle resta un instant à contempler sa découverte. Elle ne pouvait détaché son regard du mur. Le miroir qui lui faisait face était intact, comme s'il venait d'être nettoyé.

   En haut de la surface vitrée de forme ronde se trouvait une inscription peinte sur le mur. L'écriture était sans doute ancienne et très soignée et on pouvait lire: Toi qui me regardes, partage mon malheur.

   Comme obnubilée par le miroir, Marina s'avança de deux pas. Il lui semblait qu'une voix lointaine provenant du miroir l'appelait. Puis, Mélissa déposa doucement une de ses mains sur sa jumelle, la faisant revenir à la réalité.

   Michel se reconcentra sur l'agent immobilier. M. Lambert s'efforçait de ne pas fixer le miroir. Quelques gouttes de sueurs parlaient son front. Il leur cachait quelque chose.

   - Quelque chose ne va pas, M. Lambert? demanda le père de famille.
- Non, tout va bien...
- Y-a-t-il quelque chose que nous devrions savoir sur ce miroir?

   Michel plongea alors son regard dans celui de l'agent immobilier qui essaya de détourner les yeux pour ne pas avoir à répondre à cette question, sans succès. Il devait leur dire, il n'avait plus le choix.

   La mère et ses deux filles se retournèrent alors vers lui, comme pour soutenir l'interrogation de M. Dupont. Il prit une grande inspiration et dit:

   - Il y a une vieille... légende à propos de ce miroir et de cette maison.
- Une légende? souligna Béatrice Dupont sur un ton interrogateur.
- La maison a été construite au début du dix-huitième siècle par une jeune veuve qui avait, selon les habitants du village, des comportements étranges.
- Quel genre de comportement? s'empressa de demander Mme Dupont.
- On l'accusait de sorcellerie, reprit l'agent immobilier.
- Je ne comprends pas. Quel est le rapport entre une présumée sorcière et un miroir?
- À l'époque, il y avait beaucoup de superstitions sur les miroirs et on raconte qu'après sa mort, son esprit démoniaque aurait été piégée dans ce miroir. La femme qui habitait là il y a quelques années était sa descendante. Elle aurait brisé le miroir et aurait hérité du démon qui habitait son ancêtre. Tout le monde ici racontait qu'elle aussi était une sorcière. Il faut dire qu'elle avait des comportements assez étranges...

   Suite aux dernières mots de l'agent immobilier, un silence s'installa dans la pièce sombre. Personne n'osait plus parler. Personne, à l'exception de Mélissa:

   - Mais le miroir est intact, dit-elle.
- Exactement, répondit l'agent immobilier qui semblait être un peu rassuré.
- Il s'agissait probablement d'une folle, continua Marina.
- Oui, c'est ce que je pense aussi...

   Une fois la petite discussion terminée, la visite continua dans un calme des plus étranges et pesants. A chaque ouverture de porte, l'agent immobilier faisait de son mieux pour cacher son angoisse croissante.

   Il devait vendre cette maison à tout prix. Il devait la vendre pour sa famille, pour oublier la folie qui avait emporté sa mère, dernière propriétaire du manoir.

     À suivre...

Halloween Game: Origines [Non Corrigé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant