Pendant toute la représentation, j'ai réfléchi à ce que je pourrais dire à Jace, par où commencer, comment ne pas passer pour une folle. Si je dois tout lui dire, ou bien passer sous silence les détails qui pourraient lui faire croire, que je suis encore plus cinglée que ce qu'il pense déjà.
Même pendant qu'Hailey danse, je n'arrive pas à me concentrer. Peut-être que c'est parce que j'ai vu sa routine un nombre incalculable de fois ces dernières semaines. Quoi qu'il en soit, j'arrive à la conclusion que, je suis une amie terrible. La musique s'arrête, je peux voir que les sièges occupés au premier rang par les recruteurs de Juilliard, sont vides.
Ils sont debout tous les deux. L'homme a une allure stricte et pincée, ses lunettes sont remontées sur le dessus de son front, il applaudit vivement Hailey. Elle a un sourire immense qui pourrait illuminer l'enfer.
La femme, plus âgée que son collègue, applaudit encore plus fort. Elle se penche pour chuchoter quelque chose à l'homme à lunettes, il acquiesce et se rassoit pour gribouiller je ne sais quoi sur son calepin. Quant à elle, elle reste debout. La représentante de Juilliard porte des couleurs criardes, qui dénotent fortement avec les smokings et les robes blanches ou noires de l'assemblée. J'imagine que personne ne trouvera rien à redire, après tout, son métier impose une certaine créativité.
Tout ce qui compte, c'est qu'Hailey obtienne une bourse de leur part. Ça m'a tout l'air d'être sur la bonne voie, je suis ravie pour elle. Je retourne instinctivement ma tête vers Jace, il me dévisage. Perdue dans mes pensées, je ne me suis pas rendue compte que j'étais la seule encore debout à applaudir. Je me rassois directement, Hailey me fait un clin d'œil en sortant de scène, elle ne peut pas me voir, mais je sais qu'il m'est adressé. Coïncidence ou pas, l'entracte se fait juste après son passage longuement acclamé. Jace disparait quelques minutes en loge pour féliciter sa soeur. J'évite soigneusement les parents de ces derniers, en sortant de ma rangée presque sur la pointe des pieds. Ce qui est ridicule puisque tout le monde parle et fait un bruit d'enfer, on se croirait au Comic Con de Boston.
Je jette un dernier regard à la bombe rousse assise à côté de moi, elle ne lâche pas son portable des yeux. J'espère qu'elle est aussi inintéressante qu'elle en a l'air, me dis-je, en allant attendre Jace dans le hall. M'évitant par la même occasion, de croiser la bande de vieux mal léchés, qui n'a pas arrêtée de me dévisager depuis mon arrivée.
En poussant la porte, je tombe nez à nez avec Mira. Elle porte une robe blanche magnifique avec de fines bretelles. Plus bas, elle porte un joli nœud noir en guise de ceinture, on dirait un cadeau de Noël.
Elle me regarde quelques secondes avant de mettre une main devant sa bouche, et d'hoqueter de surprise. Il m'a fallu une seconde pour me souvenir de l'aspect de mon visage. Je la rassure immédiatement en lui expliquant que c'était un accident.
Je lui raconte tout depuis le début, enfin, tout, c'est un grand mot. Je passe le fait que Julian me cache quelque chose d'apparement tellement énorme, qu'un délai d'une semaine semble nécessaire avant la « grande révélation ». C'est vrai, c'est comme si l'on était dans un film de Hitchcock. Bien que j'imagine mal Mira en agent double, j'oublie volontairement aussi de lui faire part des avertissements que Julian a émis sur mes « fréquentations ».
Raconter les événements des dernières heures me fait du bien. Garder tout ça pour moi était aussi fatigant que de le vivre, voir plus encore. Elle semble peinée, mais son sourire et son rire franc, quand je lui raconte le comportement de McCalsiter à l'hôpital, me détendent. Je me rends compte alors que son ombre n'est pas là.
– Où est Bastien ?
– Il est parti chercher la voiture, on ne peut pas rester jusqu'à la fin? Il a une urgence au boulot apparemment, dit-elle tristement.
VOUS LISEZ
Une fois froissé il ne peut plus être parfait
RomanceNina, jeune diplômée, voit sa vie basculer à la mort prématurée de son seul parent encore vivant dans des circonstances étranges. Le fragile équilibre qu'elle avait réussi à construire vole en éclats. Entre découverte de soi-même, reconstruction et...