Partie 56: Effet papillon

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Trois jours, trois putains de jours que je suis là, enfin je crois. Après ma rencontre avec Heat, ils m'ont pris la montre de mon père, le bracelet de ma mère et tout ce que j'avais sur moi. J'ai du mal à faire le compte du temps qui passe, je comprends maintenant pourquoi dans les films ils font ces petites barres, rangé par quatre et barré d'une cinquième. Ne pas perdre la tête, ne pas perdre une miette du temps qui passe enfermer ici, coincée dans ma tête. C'est bien ça le plus dur pour moi, la privation de mes mouvements dans ce petit espace ce n'est rien, le manque de liberté je peux le gérer aussi, mais être seule avec mes pensées commence à devenir insoutenable. J'essaie de me concentrer sur tout sauf sur ça, mon cerveau refuse de me laisser seule. L'espace qui m'entoure est simple. Il y'a un bureau sur lequel il y'a tout ce qu'il faut pour pouvoir écrire, je me demande bien à quoi ça pourrait bien me servir. Devant celui-ci, il y'a une chaise sur laquelle est posée une couverture sale, que j'ai bien envisagé d'utiliser, mais le sol d'une déchèterie semble plus propre. Je frotte mes paumes sur mes bras pour me réchauffer, je vais peut-être reconsidérer la question. Il y'a un lit simple et inconfortable, de toute façon, ça n'aurait pu être autrement, Jace n'y ai pas, je ne peux pas sentir ses bras se refermer sur moi pour m'apaiser.

Non, stop, ne pas penser à lui, c'est trop dur, je me lève d'un bond du lit trop petit. Souffle Nina, souffle. Concentre-toi. Comme tous les jours je fais le compte de ce qui m'entoure pour ne pas laisser mes pensées prendre le dessus.

Il y'a une petite fenêtre à plusieurs mètres du sol, mais qui n'est pas atteignable, même les bras levés je n'en toucherai pas le bord. Je fais un tour sur moi-même et fixe les murs qui, quant à eux, sont désespérément vides. Je ne peux pas échapper au souvenir.

On se croirait presque dans l'appartement de Jace avant que je ne l'oblige à mettre des photos par dizaines un peu partout. Je ferme les yeux et tente de m'évader de ma réalité pour me plonger quelques jours plus tôt. Un sourire fend mon visage quand j'y repense.

Ce soir-là Stephane n'était pas à l'appartement de Jace puisqu'il devait, avec Jessica, revoir le dossier complet qu'elle allait déposer devant le juge dans quelques jours. Mon frère était trop content de pouvoir sortir qu'à peine la rousse arrivait, il avait sauté dans la voiture, lunettes énormes devant les yeux et casquettes clouées sur la tête. Je savais que Jace avait prévu de m'emmener dans son lit à la minute ou son meilleur ami aurait mis les voiles. Dommage pour lui, j'avais d'autres plans en tête avant de le laisser m'enfermer dans sa chambre, bien que j'en crevais d'envie. Je l'avais d'abord agacé en essayant de le convaincre de me laisser décorer ses murs, je le sais parce qu'il avait levé les yeux au ciel et avait grogné de cette façon adorable quand il finit par céder à un de mes caprices. Je mettais mise sur la pointe des pieds, mes mains accrochées à sa veste en cuir, et l'avait finalement embrassé en dessous de la mâchoire sur son pouls trop rapide. Son souffle était devenu presque instantanément sifflant, la suite est évidente.

Tout est tellement simple avec Jace, et pourtant, si compliqué que c'en est fatigant. Le genre de fatigue qui vous prend aux tripes et qui se répercute dans tout votre corps, qui vous emporte loin avec elle pour toujours se retrouver au même endroit, dans son lit avec elle et lui. Après avoir longuement profité l'un de l'autre, sûrement trop, puisque Jace avait carrément brisé la tête de lit en bois mince cette nuit-là, je m'étais détaché de lui pour accrocher tout les polaroïds que j'avais emmenés la veille, sachant qu'il céderait de toute manière. Des centaines de photos, de nous, de nos amis... mais surtout de lui.

J'adorai le prendre en photo lorsqu'il ne s'y attendait pas. Alors que j'admirai mon travail et le mur remplis de photographies, Jace m'a fait sursauter en arrivant d'un pas de loup derrière moi. Après m'avoir fait tournoyer dans les airs, image insouciante d'un passé que je ne pourrais peut-être plus jamais saisir, il avait calé sa tête blonde sur mon épaule, les bras m'entourant fermement. I regardait les photos alors que moi je le regardais lui. Ce matin-là, c'est comme s'il réalisait tout ce qui était à lui, moi la première. Il m'a embrassé et m'a chuchoté dans l'oreille qu'il m'aimait, il s'est retourné sur les photos et il m'a dit qu'il y'en avait trop de lui tout seul, que ces préférés c'était celles où l'on était tous les deux. Et je lui ai dit que je l'aimais à mon tour. Il a vite retiré le drap qui recouvrait ma nudité et l'on s'est encore retrouvé au lit et avec une tête de lit en copeaux de bois autour de nous cette fois.

Une fois froissé il ne peut plus être parfaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant