Partie 38: Stalk

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– Non, mais tu es sérieux là ?

– À quoi tu t'attendais ?

Je suis sous le choc, on se croirait dans un des épisodes de Criminal Minds. Les murs de tout le studio de Julian sont recouverts de photos. Certaines montrent des coins d'Anguna comme la casse du vieux Joe, la fontaine du campus de la faculté, le centre commercial...

Mais les clichés qui attirent le plus mon regard sont ceux représentant une fille, jeune au cheveux châtains, et des yeux clairs. Sur certaines, elle pleure, emplie d'une tristesse qu'elle connait par cœur. Sur d'autres, elle a le nez retroussé et les sourcils froncés de colère, avec un garçon de dos qui porte une veste en cuir noir reconnaissable entre toutes, par ses défauts du au temps, et des cheveux blonds tirés en arrière. Le garçon croise ses mains derrière sa tête en signe de frustration, prémisses d'une dispute qui s'annonce, alors qu'il s'agissait d'excuse, jamais entendu de la part de quiconque, et qui résonne encore en moi: "Nina ! je suis désolé, j'ai foiré et je suis vraiment désolé, mais je peux pas revenir en arrière. Je ne sais même pas pourquoi je continue à m'énerver". Ce geste, que je n'attendais pas venant de lui, m'avait réellement touché, et ce qui a faillit se passer par la suite aussi. Savoir que Julian a été témoin de ce moment me gêne au plus au point.

– Tu nous suivais ?

– C'est évident, soit proche de tes amis, mais encore plus de tes ennemis, et à l'époque je ne savais pas dans quelle catégorie vous mettre.

Ses paroles sont crues, mais sans animosité. Ce sont les mots de quelqu'un qui fait tout pour atteindre son but sans arrière-pensée. Je ne relève pas que ce soir là, il nous ait coupés dans notre échange ambigu avec son coup de fil. Réclamant que je paye ma dette envers lui. Je balaye ce détail aussi facilement de mon esprit. De un, ce n'est vraiment plus à l'ordre du jour, du moins pour moi, et deuxièmement on est déjà dans une belle pagaille, pas la peine de rajouter du désordre dans ce bordel sans nom.

Je parcours l'appartement du regard en notant mentalement chaque photo. Je m'arrête devant celle du fameux « Speed ». Je lui demande alors en pointant le visage blafard et la tignasse rousse du dealer :

– Qui est-ce ?

– Anral Stephenson, dit « Speed ». Il deal au coin de Pineview et Meryl Street dans le quartier de Cresson. Il a trente ans. Arrivé d'Irlande avec sa famille il y'a huit ans. Il avait une jeune sœur, morte d'une overdose, continue-t-il en ne lâchant pas le visage dénué de vie du voyou en secouant légèrement la tête. Si ce n'est pas ironique, avec un tel passif, on aurait pu croire qu'il abandonnerait cette vie, mais non, fini-il de récitait en bon col bleu.

Julian quitte sa cible des yeux, je l'entends se déplacer dans mon dos. Mais mon regard reste fixé sur cet homme en essayant de compléter les blancs.

– C'est son patron que je cherche, ou plutôt le patron de son patron. Je ne connais pas encore son nom, mais quand j'aurai dégoté assez d'informations, sois sûr que j'irai lui rendre une petite visite .

J'ai beau me creuser les méninges, je ne vois toujours pas pourquoi et encore comment, mon frère s'est retrouvé impliqué dans cette histoire ? Jace est sur cette affaire pour la drogue à ce qu'il m'a dit, il est flic, c'est donc normal, mais Stephane, qu'est-ce qu'il vient faire l'un dedans ?

– Tu veux boire quelque chose ?

Je continue ma réflexion silencieuse pendant ce qui me semble durer quelques secondes. Quand je sens la main de Julian sur mon épaule, je me rends compte que ça fait bien plus longtemps.

– Tu es sûr que ça va Nina ? C'est beaucoup d'information d'un coup, et si tu veux mon avis..

– Quoi ? Si tu me sors que ma place n'est pas ici, sache que tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement, dis-je, sans quitter des yeux le mur étrange qui constitue une équation à de multiples inconnues.

Une fois froissé il ne peut plus être parfaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant