Chapitre 4 : Le hasard et la nécessité (Jacques Monod)

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- Miss Hermione Granger ?

Il n'y avait pas la moindre hésitation dans la voix de sa mère. Hermione savait que cela signifiait qu'elle avait parfaitement réussi son sort d'amnésie : aucun souvenir pas même inconscient ou enfoui, ne troublait l'assurance de Monica Wilkins. La jeune sorcière ne parvenait pas à s'en réjouir.

Elle répondit à sa mère par un signe de tête impersonnel. Aussi impersonnel, finalement, que le regard professionnel que cette dernière lui jetait... Hermione feignit de ranger ses affaires, faisant délibérément tomber son portefeuille ouvert, qui déversa son contenu sur le carrelage brillant de la salle d'attente.

Il fallait qu'elle gagne du temps, en attendant que la mamie qui venait de quitter le cabinet de sa mère sorte de la salle d'attente et que le patient de son père, qui apparaissait tout juste, fasse de même.

- Excusez-moi, glissa-t-elle.

- Oh oh, fit Monica Wilkins. Vous êtes anglaise ? Voilà qui est amusant, mon mari et moi aussi. D'où venez-vous ?

Hermione se maudit intérieurement : elle n'avait pas pensé à l'accent !

- De la banlieue de Londres, improvisa-t-elle. Nous sommes étudiants en échange, mon ami et moi.

- Oh, et vous vous plaisez i...

Hermione ne la laissa pas finir. Le patient de son père venait de sortir, il fallait agir. Toute angoisse oubliée, elle sortit sa baguette de sa poche d'un mouvement vif et maîtrisé, l'agita, et formula le contre-sort. C'était une manœuvre magique complexe, qui nécessitait un apprentissage précis des différentes étapes et une grande concentration. Mais si tout cela était maîtrisé, il ne prenait qu'une poignée de secondes. Surtout quand on était la sorcière la plus brillante de sa génération.

- ... ci ? Le climat est plus agréable, vous ne trouvez p...

Le regard de sa mère fut soudain brumeux. Ses mains, qu'elle agitait une seconde auparavant pour mieux illustrer ses propos, retombèrent le long de ses flancs, et le petit calepin qu'elle tenait fit un bruit sourd en touchant le sol carrelé.

Son père eut à peu près la même réaction.

Pendant une folle seconde, Hermione crut qu'elle avait échoué, et que ses parents resteraient ainsi pour toujours. Toutefois, ils reprirent rapidement vie.

- Ma chérie ! cria sa mère en la prenant dans ses bras.

La salle d'attente fut alors le théâtre de chaleureuses retrouvailles. Son père et sa mère la serraient si fort qu'ils manquaient de l'étouffer. Tous trois pleuraient à chaudes larmes, et répétaient sans cesse à quel point ils étaient heureux de se retrouver.

Hermione ne voyait pas Harry, mais elle supposait qu'il se tenait en retrait, derrière elle. Elle fut un instant désolée d'avoir entraîné son ami dans cette histoire : il devait se sentir bien exclu. Mais comme si sa mère avait lu dans ses pensées, elle rompit l'étreinte et se tourna vers le jeune sorcier.

- Mais tu dois être Harry ! Ça fait longtemps que je ne t'ai pas vu, tu as grandi. Mais tu n'as pas grossi. Si on allait à la maison manger un morceau ? Je suppose que si Hermione a pris l'initiative de nous faire oublier son existence, c'est que vous avez encore dû vous fourrer dans un pétrin sans nom.

Les questions de Jean Granger n'étaient que rhétoriques. Tous la suivirent. Hermione n'arrivait pas à cesser de pleurer, et bredouillait sans cesse des paroles d'excuse. Les mots de sa mère, bien que désinvoltes, l'avaient touchée. Maintenant, elle craignait que ses parents lui en voulussent, qu'ils se missent à la détester, et surtout, qu'ils refusassent de la suivre à Londres.

Principe de complémentaritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant