Chapitre 26 : Make me wonder...

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Chapitre 26 : Make me wonder... (Nightwish)

Quand Harriet se réveilla, elle mit quelques minutes à se rappeler où elle était. Un rayon de soleil timide se hasardait à travers la fenêtre encadrée de bois vermoulu, sans toutefois mettre à mal la pénombre qui régnait encore dans la chambre biscornue où elle était allongée. Elle fixa un moment les murs orange ornés d'affiches animées, jeta un œil à la femme qui dormait paisiblement sur un lit de camp, à côté de son lit. Et puis, les souvenirs retrouvèrent peu à peu leur place. Lentement et douloureusement.

Elle avait su dès la première seconde que le coût de leur évasion serait lourd, qu'il pèserait douloureusement sur les consciences... Mais elle ne pensait pas que le meurtre serait aussi difficile à supporter. Les hommes qu'elle avait tués étaient plus forts qu'elle, mieux armés, ils n'auraient pas hésité une seconde à prendre sa vie, ils l'avaient torturée à mainte reprises, ils étaient profondément mauvais, et pourtant... Quand elle fermait les yeux, elle était hantée par leurs visages. Y a-t-il des circonstances dans lesquelles prendre la vie d'un être humain est pardonnable, compréhensible ? L'étrange instinct qui avait toujours guidé Harriet lui soufflait que non, et pourtant... Elle n'avait pas eu d'autre choix. Piète excuse, l'excuse des faibles, mais c'était pourtant la vérité. C'était tuer ou mourir.

Elle soupira, étira ses jambes courbaturées, et se décida à descendre. Maintenant qu'elle se rappelait, il lui était impossible de retrouver le sommeil. Elle emprunta les escaliers grinçants et tordus de la demeure des sorciers qui l'avaient recueillie, et retrouva sans la moindre hésitation le chemin de la cuisine. Elle avait toujours été merveilleusement guidée par sa mémoire exceptionnelle. Pour être tout à fait honnête, à cet instant précis, elle était plutôt guidée par l'odeur du bacon grillé qui embaumait la maison.

La petite sorcière replète qui lui avait si gentiment proposé du thé la nuit précédente s'affairait devant les fourneaux, cependant, elle ne paraissait pas débordée le moins du monde... Le bacon se retournait tout seul dans la poêle, et la vaisselle se lavait d'elle-même dans l'évier. La nouvelle venue vit avec effarement les assiettes quitter d'elles-mêmes leur placard, l'éponge quitter l'évier pour essuyer une tâche sur la table...

Harriet avait beau avoir intégré l'existence de la magie depuis plusieurs mois désormais, être témoin d'une utilisation concrète et habituelle de pouvoirs surnaturels l'étonnait réellement. Ainsi, on pouvait faire autre chose de sa magie que torturer les gens... Cela paraissait évident, et pourtant, Harriet n'y avait pas vraiment songé. Pour tout dire, elle avait eu l'esprit occupé à autre chose, ces dernières semaines.

La petite sorcière se retourna en l'entendant arriver, et lui adressa un immense sourire.

- Bonjour ! Vous êtes bien matinale, dites-moi ! Vous êtes la première debout, mais ce n'est pas grave, le petit déjeuner est prêt, installez-vous.

Harriet sourit du mieux qu'elle put et s'installa à la table familiale qui trônait au milieu de la cuisine. Elle n'eut pas le temps de prononcer un mot : une énorme assiette d'œufs au bacon venait de se poser d'elle-même sur la table.

La sorcière dut mal interpréter l'air égaré d'Harriet, car elle fronça les sourcils :

- Vous auriez préféré des toasts ? Du porridge ?

La mathématicienne sourit :

- Non, non, c'est parfait. Mais les assiettes qui se déplacent d'elles-mêmes ont tendance à m'étonner, c'est tout. Merci infiniment, madame.

- Oh, vous pouvez m'appeler Molly !

- Je m'appelle Harriet.

Aussi étonnant que cela pût paraitre, cet échange de banalités, la gentillesse pure qui émanait de la petite sorcière, rassura Harriet et sur son sort, et sur le sort de l'humanité... Puisqu'il existait des sorciers humains et bienveillants, les criminels qui l'avaient torturée durant des mois pouvaient être mis en échec... C'était tout ce qui comptait, et Harriet était bien décidée à faire tout ce qui était en son pouvoir pour les aider dans leur lutte.

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