Underwater

1- comment, et pourquoi ?

"Caleb ? Caleb, chéri réveille toi."

Caleb ouvre lentement ses yeux, la lumière du jour l'agresse. Il voit flou mais distingue la silhouette fine et les cheveux blancs et longs de sa grand-mère. Elle lui sourit. Il regarde autour de lui et voit un espace blanc. Alors c'est ça le paradis ?

"Je suis au paradis ?
- Non, Caleb. Ton heure n'est pas venue. Tu as encore tant de choses à vivre.
- Non ! J'en ai marre ! Je veux mourir !
- Caleb, ouvre les yeux.
- Ils sont ouverts !
- Non, ouvre les.
- J'ai les yeux ouverts grand-mère je te vois !
- Caleb, respire.
- Quoi ?
- Respire."

Le jeune homme fronce les sourcils. Il ne comprend rien. Soudain, sa grand-mère devient floue et il n'a pas le temps de cligner des yeux qu'elle s'en va.

"GRAND-MÈRE !"

Trop tard. Caleb sent les larmes monter. Il veut mourir, c'est ce qu'il souhaite. Alors même le paradis ne veut pas de lui ? Il est tellement mal-aimé qu'aucun des mondes ne le veut ? Il entend soudain comme un bourdonnement, suivi d'un gros mal de tête. Il se rallonge et ferme les yeux espérant que la douleur passe. Mais rien à faire, c'est horrible. Il commence à entendre des voix et son prénom. Il ouvre les yeux et voit des gens en blouse blanche au dessus de lui. Des machines, et un tube dans sa bouche. Il tousse et recrache de l'eau, en se redressant légèrement. Sa tête est si lourde qu'il retombe sur ce qui semble être un lit. Le médecin pose des palettes et sourit à Caleb. Une larme roule sur le visage du jeune homme, il a échoué. Comme toujours. Le médecin d'une quarantaine d'années fait des examens neurologiques à son patient et prend ensuite la parole :

"Bienvenue parmi nous, Caleb. Tu es resté longtemps en arrêt cardiaque.
- Je suis où ?
- Tu es à l'hôpital.
- Pourquoi ! Je veux pas ! Crie-t-il
- Tu as eu beaucoup de chances. Tu aurais pu mourir noyé. Tu as échappé à la mort de près.
- Malheureusement."

Les larmes déferlent maintenant sur les joues du jeune homme. Il a l'impression que quoi qu'il fasse, c'est toujours nul. Toujours insuffisant. Il est presque mort. Mais il ne l'est pas. Et ça, c'est la pire sensation au monde pour Caleb. Il a l'impression de ne rien réussir, d'être constamment "presque" au bout. De "presque" y arriver. Il est presque mort. Mais il est toujours en vie.

Le médecin comprend alors que son jeune patient a voulu se suicider. Il a voulu mourir. S'ôter la vie. Ce n'était pas accidentel. Ce jeune garçon, Caleb Turner, à des problèmes. Il a envie de mourir. Il a voulu de suicider. C'est le mot. Caleb est suicidaire. Son état psychologique est instable. Il est instable.

Le médecin sort de la pièce où Caleb se repose, pris en charge par des infirmiers. Il va vers les parents du lycéen, et ceux-ci se lèvent, inquiets. La mère a les yeux rouges, et le père a les mains moites et tremblantes.

"Alors ? Comment va mon fils ? Demande la femme, sa main dans celle de son mari.
- Nous avons réussi à le réanimer, et aucun traumatisme neurologique ou physique n'est présent.
- Merci seigneur. Souffle la mère.
- Mais... Est ce que votre fils a des problèmes ?
- Non, il va au lycée, est premier de sa classe, joue au basket, il est heureux. Pourquoi ? Le père fronce les sourcils.
- Tout me laisse penser que votre fils a tenté de mettre fin à sa vie.
- Quoi ? Caleb a voulu se suicider ?! Mais non, c'est absurde.
- Comment pouvez-vous dire une chose pareille ? S'exclame le père, en colère.
- Quand j'ai réanimé Caleb, je lui ai dis qu'il avait eu de la chance. Qu'il était en vie. Il s'est mit a pleuré et m'a répondu "malheureusement", avant de fondre en larmes.
- Quelle imbécile. S'insulte la mère, en s'asseyant sur une chaise, les yeux perdus dans le vide.
- Vous... Vous voulez dire que Caleb, mon fils, a tenté de se noyer ? Dit le père, incrédule.
- Exactement, monsieur, je suis désolé."

Le médecin laisse les parents seuls et la mère de Caleb fond en larmes. Son mari la prend dans ses bras, retenant lui même la boule dans sa gorge d'exploser. Ils se demandent comment ils ont pu en arriver là. Comment ils ont pu être aveugles au point de ne pas voir que leur fils voulait mourir. Comment ils ont pu le laisser aussi seul, aussi livré à lui-même. Il avait juste besoin d'amour, de l'amour d'une mère et d'un père. Et ceux-ci lui ont juste mis la pression. Le père de Caleb se sent idiot, il a honte de lui-même. Sa mère, elle, est juste déboussolée. Juste perdue. Elle se demande pourquoi son bébé, celui qu'elle a fabriqué à partir de rien, a pu vouloir mettre fin à ses jours.

Comment, et pourquoi ?