Fable.
TaeHyung marche sur le parking du lycée. Les toits des voitures sont couverts de feuilles. Le jaune et le orange s'affrontent dans le vent et les arbres s'extirpent de leurs vêtements. Une pluie dorée menace de tomber. Les feuilles sont couvertes de gouttelettes suintantes. Et il y a un soleil fugace, perçant entre deux gros nuages. Des jeunes passent, certains dévisagent TaeHyung sans le voir, d'autres ne le remarquent pas. TaeHyung sait qu'il ne sait pas. TaeHyung est à l'opposé de leur conscience. Peut être que les autres connaissent son nom. Peut être que les autres s'en foutent. Et peut être que les autres ne l'intéressent pas tant que ça.
Radiohead tourne dans sa tête, absorbe ses neurones, remodèle son cerveau. Et le monde va plus lentement, la vie dure plus longtemps. Au milieu des regards qui le transpercent, la musique coupe les liens à la réalité. Si TaeHyung relève la tête de temps en temps, c'est parce qu'il cherche son visage entre les voitures et les lycéens curieux. Sans le savoir, sans y croire, il espère que ses yeux ne le sondent pas. Il aime à savoir que lui ne le toise pas. Non, lui, il le regarde. TaeHyung aime ça. Mais cette fois là, lui n'est pas là. Il est sûrement autre part. Et peu de gens s'en doutent. Car beaucoup s'en foutent.
TaeHyung tourne dans la petite allée derrière la cafétéria. Ce couloir froid, à l'étroit entre les briques et le béton humide, où traînent les décalés, les marginaux des marginaux. Hoseok est adossé au mur de droite, il bouge la tête au son d'un vieux rock, une cigarette entre les lèvres. Il sourit à TaeHyung quand il l'aperçoit. TaeHyung aime bien Hoseok. Hoseok ne parle pas beaucoup, mais quand il parle, TaeHyung l'écoute. Il sort d'une époque perdue entre la modernité et un passé sans âge. Il aime les vêtements déchirés et le vernis noir, mais il n'est pas gothique ou punk pour autant. Hoseok est comme TaeHyung, il est comme il est et ne prend pas le temps de subir les étiquettes. Hoseok apprécie TaeHyung parce qu'il absorbe tout ce qui l'entoure, mais aussi parce qu'il n'a aucune raison de ne pas l'apprécier. Il fréquente des filles de temps en temps, et TaeHyung les tolère bien car elles sont toujours intéressantes. Aux yeux de TaeHyung, Hoseok n'aime que les choses intéressantes. Il les collectionne même. Toutefois, ces derniers temps, ils traînent souvent seuls et dans le silence qui les habite. Ils ne font rien pour y remédier, ils attendent que la vie fasse un signe, ouvre une brèche pour qu'ils puissent s'y engouffrer.
La vie a fait un signe. La vie a creusé une faille dans le cœur du crépuscule.
Hoseok propose une cigarette à son vis à vis. TaeHyung refuse d'un coup bref de la tête. Il ne fume pas. Il n'a jamais essayé. Et il ne préfère pas. L'odeur lui suffit. Odeur qui s'imprègne en lui. Odeur du noir. Celle qui luit dans le couloir. TaeHyung colle son dos au muret et s'assoit. Il regarde le ciel gris qui s'infiltre au dessus de l'allée. Il s'y perd et attend. Attend qu'il se passe quelque chose. Il ne sait pas. N'importe quoi. Et c'est le même ciel qui l'observe avant de s'endormir, derrière son velux ouvert par où le froid afflue. Et c'est le même sentiment d'attente qui le couve lorsque la nuit tombe et que le vent se rafraîchit.
Il n'a pas vu JungKook ce jour là, et il ne le verra peut être pas le lendemain, ni le jour suivant. C'est le hasard qui se joue d'eux. Et JungKook s'énerve contre le hasard, contre la grandeur du lycée, sur ses cours trop nombreux et sur son manque de volonté. TaeHyung cesse de penser. Ce jour là, sa mère ne lui a pas parlé une seule fois. TaeHyung ferme les yeux. TaeHyung attend.
Et dans une autre réalité où TaeHyung broie du blanc, il ose dise que son attente est en fait de l'espoir.