Rejet.

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Rejet.

Le soleil brille difficilement sur le sol. Il semble se battre pour toucher le goudron. Et quand il échoue, JungKook a froid. Il frissonne. Assis devant sa maison, il s'acharne sur son carnet, réécrivant le même vers depuis dix minutes. Il attend son père, en tailleurs sur le trottoir. Il attend son père qui est parti au supermarché du coin. Il attend en écrivant des poèmes. Et dans ses écouteurs, il y a les Beatles. Et les Beatles chantent à la prudence. Et c'est drôlement beau. C'est étonnamment juvénile. JungKook retire un écouteur, il entend les oiseaux qui s'en vont. Une voiture passe. Il y a peu de gens dehors aujourd'hui. JungKook ne sent que cette odeur de gazon coupé. Ça lui plaît. C'est mieux que celle de l'essence.

Puis soudain, un vélo s'arrête. TaeHyung a freiné sa course. Il baisse les yeux, surpris. JungKook lève les siens. Et ils se voient. TaeHyung a une grande écharpe bleue. Et JungKook a les mains froides. Celui-ci se lève et s'approche. TaeHyung serre ses mains frêles autour du guidon. Les manches immenses recouvrent presque l'entièreté de ces doigts. Les phalanges sont frileuses mais on n'y pense pas. Personne n'y pense quand ils sont ensemble.

« -Dis, t'habites ici ?»

L'un sourit, dit oui. L'autre baisse la tête et passe la main dans ses cheveux. Ils discutent un peu. Ils se regardent complètement. Une des aiguilles de l'horloge s'est arrêtée. Puis entre deux mots, comme si le geste n'avait rien d'étrange, la paume de JungKook se pose sur les doigts de TaeHyung, chasse la glace et s'en va. Le soleil perce les nuages pour les voir, et, timide, il se retire encore. Et déjà, ils se saluent car la vie a des obligations que le temps insinue. Ils se disent au revoir un peu trop longtemps. L'un ajoute :

« -Joyeux Thanksgiving. »

Et l'autre hoche la tête pour dire merci. Et l'autre redémarre son vélo pendant que l'un reste planté sur la route. L'un attend que sa silhouette ait entièrement disparu et qu'une voiture lui hurle dessus avant de retourner s'asseoir sur le trottoir. Quelques secondes plus tard, le père de JungKook est de retour. Et quelques minutes plus tard, TaeHyung gare son vélo devant la porte du garage. Le monde dehors a été repeint en orange, mais les deux garçons l'oublient un peu lorsqu'ils referment la porte derrière eux. La mère de JungKook pose une main sur son épaule. Celle de TaeHyung ne le voit pas, ne l'entend pas, ou plutôt ne veut pas. L'un sombre dans l'euphonie. L'autre dans l'accalmie. Malgré ça, dehors est un crépuscule continu, où la mort s'abat, encore et encore.

Cette nuit là, TaeHyung ne dort pas. Il a trop mangé pendant le dîner. Il voulait faire plaisir à sa mère qui disait avoir payé la viande si cher. Mais maintenant il se sent mal. Tout est dérangé. Il se sent sale. Alors, il se lève et descend dans le salon pour nettoyer. Il nettoie parce que tout est sale et que ça le rend fou. Et il ne comprend pas que les choses puissent être aussi sales alors qu'il les a nettoyées hier et qu'il a vraiment envie que tout soit propre. Alors il astique jusqu'à ce que ses ongles soient roussis par un sang clair. Il cesse de nettoyer et reste allongé par terre, juste en bas des escaliers. Il n'a même pas la force de monter. Sûrement que personne ne sait qu'il est sale. Sûrement qu'on le ramassera demain matin. Sûrement qu'il est un monde qui ne s'en doute pas.

Et dans une autre réalité où la nuit n'est pas sombre, TaeHyung n'a pas froid, ainsi recroquevillé sur le sol luisant de propreté.

Âmes Poétesses - TaeKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant