Hyperbole.
J'ignore qui est le sombre idiot
Qui a promis de tout son lot
De savoirs et de richesses
Que l'amour n'est que tendresse
Que la mort vient après la vie,
Mais de tout mon être je le haïsJe t'aimais. Je t'aime. J'ai mal. Ce n'est même pas un poème. Et l'encre forme des traces toutes pâles. J'aimerais que le stylo ne se vide pas de son eau. J'aimerais que mon sang ne coule pas dans mes larmes. Mais mon cœur se liquéfie hors de mes yeux. C'est ridicule, c'est affreux. Pardon. J'ai mal et je t'aime. Et même en plein jour, il fait noir.
JungKook marche bizarrement dans les couloirs. Il ne va ni très droit, ni très loin. Et son esprit divague. Il baisse la tête et craint de le voir. Il essaie de disparaître sous sa peau blanchâtre. Son bras frôle les casiers. Il s'est cogné l'épaule. Il s'est fait mal. C'est bien peu comparé au trou béant qu'il ballade. Et le moindre regard insistant, la moindre parole de travers lui donne envie d'envoyer valser l'univers. Il a la bouche pâteuse, les lèvres endolories et un voile sur les yeux. Et quand il marche sans rien voir, le monde le surveille, attend que son corps se brise et s'écroule. Ça n'arrive jamais. Et JungKook continue de marcher jusqu'à sa salle de classe. Assis, il fixe le tableau et ça lui donne envie d'éclater d'un rire fort. C'est si laid que c'en est hilarant. Le monde était-il affreux depuis tout ce temps ?
Maintenant JungKook se pose des questions. Pourquoi ? Il n'a pas dit pourquoi. Il est parti sans dire pourquoi. Alors JungKook se demande pourquoi. Puis JungKook s'imagine des pourquoi et des comment. Maintenant il en est sûr. Il est persuadé. Il l'écrit même sur son cahier. D'une main tremblotante, il grave un poème d'une strophe et de six vers. Le prof parle, parle, parle. La vie s'agite encore en dehors de son corps. Il s'en fiche et ajoute une phrase claire, succincte en dessous du poème, en majuscules énormes, au milieu de la page.
J'AURAIS DU T'AIMER MIEUX.
JungKook voudrait ajouter qu'il est désolé, mais il n'est pas sûr de le mériter.
A la pause de midi, il s'éloigne. Il part là où il n'y a personne. Il donne un coup de pied dans chaque objet qu'il croise. Il aimerait jeter son cerveau plus loin, très loin même. Là où il n'y a pas de son, pas de lumière. Là où on ne se demande pas pourquoi. JungKook souffle longuement puis s'assoit dans les gradins désertiques. Et dans ces dunes d'inhumanité, il a perdu l'oasis, il se noie dans sa sécheresse, il meurt. Comme un signe, comme une insulte à la défaite, il se met à pleuvoir. JungKook a envie de jurer. JungKook a envie de pleurer. Ses mains sont froides. Son cœur coule. Et ce n'est pas la pluie brûlante qui recouvre son visage. Il ferme les yeux et se répète de ne pas être faible. Quand il les ouvre à nouveau, quelqu'un s'est assis à côté de lui. C'est Jimin. Jimin ne dit rien. Jimin pose une main sur le genoux de JungKook. Jimin reste immobile, mais reste là. Et leur silence en dit plus que ce qu'on croit. Et JungKook accepte d'être faible cette fois là. Et les autres fois aussi. Alors les deux garçons demeurent ainsi, à fondre bêtement sous la pluie.
Et peut être que dans une autre réalité où la vérité n'est pas un couteau aiguisé, les enfants n'ont pas peur d'ouvrir les yeux quand il est tard le soir.