Sophisme.
TaeHyung pousse la porte de sa chambre en silence. Il est tard. Mais pas si tard. Il marche lentement dans le couloir. Il marche sans bruit. TaeHyung s'avance, ses pieds nus foulent la moquette. Et sa peau s'expose à la lumière orangée, filtrant à travers une porte ouverte. Son œil s'allume. Et de l'autre côté du battant, sa mère prie, agenouillée près du grand lit. Elle marmonne des mots fulgurants, des mots qui se perdent dans les échos du soir. Elle prie et ses doigts sont si serrés les uns entre les autres qu'ils en deviennent blancs, vidés de leur sang. Et elle prie à en cracher ses chuchotements, pliée à genoux devant le ciel. Mais il n'y a pas de ciel. Il y a que des plafonds fermés et des fenêtres condamnées par la nuit. TaeHyung s'approche, presque impunément. Il tombe à genoux en face de sa mère. Et elle prie toujours.
TaeHyung l'appelle. Il dit maman. Il n'y croit pas vraiment. Pendant quelques secondes, le silence. Puis les murmures reprennent. Alors il recommence. Elle insiste. Lui aussi. Et ses mots à lui perdent de leur calme. Il en saigne de tant de silence. Il a les cordes vocales entachées de toujours se taire. Il enroule ses mains autour de ses poignets.
« -Arrête s'il te plaît, murmure-t-il. »
Sa mère découvre ses prunelles amères. Mais elle fixe un point, autre part. Pas lui. Jamais.
« -Il faut prier pour nettoyer tout ce mal que tu nous fais, lâche-t-elle.
-Quel mal ?
-Tu me fais honte. »Elle arrache ses mains des siennes et retourne à ses prières. Elle s'entête à réparer l'enfer, à purifier ses pêchés, et ce fils qu'elle ne peut pardonner d'exister.
« Regarde-moi. »
« -Va-t'en, souffle la mère. » Et elle prie encore. Avec plus d'ardeur. Et elle répète des « Va-t'en » à tout bout de champs. Soudain TaeHyung attrape ses mains liées et les serre très fort.
« -Regarde-moi ! »
Et c'était presque un hurlement jaillissant dans une nuit noire d'espérance. Elle ouvre des yeux terrifiés, ahuris, et ils se posent sur lui. Et ils le regardent. Elle le regarde dans le noir.
« Ne vois-tu pas comme ce monde souffre ? Prier ne mène à rien. Ne vois-tu pas que le ciel est vide ? Il n'y a pas de Dieu pour nous. Personne ne viendra t'aider. Ça ne sert à rien de prier. Regarde. Regarde-moi. Tu ne peux pas hein ? Tu ne vois rien. »
« -Va-t'en, crache-t-elle. »
Et elle reste figée, ainsi, dans le grand vide qui lui glace le cœur.
« -Oui. Un jour je m'en irais.
Et je ne reviendrais jamais. »
Et peut être que dans une autre réalité, il lui dit qu'il l'aime. Car dans une autre réalité, oui, elle aurait pu l'aimer. Et il l'aurait volontiers fait en retour.