Quatrain.
Neige d'écume tombée sur le bitume. Le lycée est vide, froid, résonnant. Les élèves sont partis. Ce sont les vacances scolaires. Les carrés bleus et blancs ne sont plus foulés par des milliers de pieds. Enfin, le silence. Et personne n'en profite. Les oreilles attentives sont destinées à subir le bruit. Sauf quand les flocons l'étouffent. Et TaeHyung aime quand les flocons remplissent l'espace, absorbent le son. TaeHyung pense que JungKook a une voix de flocon, car lorsque JungKook parle, même au milieu du vacarme, les autres voix s'évanouissent. Et il est beau comme la neige.
Les parents de JungKook ont mis un sapin dans le salon. Il est plus grand que celui de l'an dernier et les guirlandes clignotent plus vite. C'est presque amusant. Mais JungKook n'est plus enfant, alors il sourit pour d'autres jeux, fuit d'autres ennuis. Il traverse son quartier, les mains dans les poches, le souffle compact. Il salue les voisins qui posent les décorations dans leur jardin. Il n'y a plus trop de neige sur la route, sûrement qu'on l'a déblayée le matin même et que sans poudreuse, il y a moins d'accidents. JungKook s'en moque un peu, il fait bleu. Il y a un sourire entre ses joues roses. Hier, il a demandé à TaeHyung pour sortir. Et TaeHyung a dit oui. Et quand JungKook l'a dit à NamJoon, NamJoon a levé les sourcils longtemps. Et JungKook a fait semblant de ne pas comprendre pourquoi.
TaeHyung a la peau claire sous le soleil. Il a dessiné des formes sur les vitres gelées d'une voiture, il a dessiné sous les ombres des arbres nus. Et quand JungKook arrive, il aime ses dessins. Puis ils partent à pieds, les cils humides réchauffes par de tendres rayons jaunes. Aujourd'hui, TaeHyung porte beaucoup de bleu. Toutes sortes de bleus, du bleu comme le ciel, du bleu comme l'eau et du bleu que JungKook ne nomme pas. Il découvre les couleurs sur son tissu immense. Marchant côte à côte, ils observent les pavillons qui se ressemblent, les voiture qui se ressemblent, les parures de Noël qui se ressemblent. Dans le bus, ils se tiennent en équilibre aux barres de métal, ils tanguent à chaque virage et leurs sacs glissent sur le sol. Leurs doigts se frôlent et les coups de jus traversent leur peau. Ils descendent du bus en courant, oublient sciemment de payer les tickets et préfèrent en rire que de le clamer.
Ils se baladent dans le centre ville. Il y a des pubs fluorescentes et des stands de chocolat chaud. Il y a des enfants et des faux pères Noël. Il y a beaucoup de jouets en plastiques dans les vitrines et beaucoup de gens pour en acheter aux caisses des magasins. JungKook entraîne TaeHyung dans le vieux théâtre. Ils y repassent Le Cercle des Poètes disparus. TaeHyung ne l'a jamais vu alors JungKook l'y emmène. Il y a trois personnes dans la grande salle, alors libres, ils posent leurs pieds sur les sièges du devant. JungKook a renversé du popcorn par terre. TaeHyung se moque de lui sans se moquer vraiment. Et pendant le film, TaeHyung reste fasciné, immobile, le visage couvert des lumières projetées sur l'écran. Souvent, JungKook tourne la tête et le regarde. Il le regarde sans qu'il ne s'en rende compte et il le trouve beau. Il le trouve si beau qu'il se demande pourquoi il ne l'a jamais vu avant, pourquoi personne ne l'a jamais vu avant, pourquoi le monde est aussi con. Et quand tout est laid, JungKook trouve que TaeHyung est beau. A la fin du film, TaeHyung pleure sans faire le moindre bruit. JungKook le voit mais ne le dit pas. Son index caresse son petit doigt posé sur l'accoudoir. Leurs yeux se mélangent. JungKook se sent couvert de bleu à l'intérieur de ses prunelles. TaeHyung ne sèche pas ses larmes, les larmes s'envolent seules. Il dit alors :
« -Je crois que je comprends ce que voulait dire Whitman, maintenant. »
Peut être que dans une autre réalité où il n'y a pas de gravité, JungKook essuie les larmes de TaeHyung qui coulent vers le haut.