Octosyllabe.

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Octosyllabe.

Particule d'être humain sur la plate forme terrestre, point sur la carte, fleur dans le champs, il marche, encore. Sans vraiment s'en apercevoir, il passe la sortie du lycée et s'engage dans l'allée. Il marche les yeux baissés, capturés autre part. Les pieds dans un monde, la tête dans un autre. Le corps dans une vie qui n'est pas la sienne, la peau brillante sous le soleil. Il marche. Et il lit en même temps qu'il marche. Le livre ouvert, le regard dessus, la tête dedans. Et rien d'autre. Rien à part Mozart dans son casque. Le classique transcende le code de leur banalité. Et TaeHyung est transporté. Il est emporté ailleurs par le livre que JungKook lui a donné. Il l'a commencé la veille, il en est à la moitié. Et il lit tout en s'imaginant que c'est lui qui le lit. Et il le lit en imaginant que l'auteur est en train de l'écrire, maintenant. Et il le lit tout en étant l'auteur puis les personnages, puis les deux en même temps. Parce que ce livre c'est l'histoire de l'auteur. Ce livre c'est Sur la route de Kerouac. Et c'est l'histoire d'un homme qui a vécu tellement.

TaeHyung traverse l'allée du lycée en lisant. Le soleil éclaire son pull aux motifs étranges, ses bras et ses mains et ses doigts puis le livre au centre de tout. Les gens se retournent parfois, pour le voir passer. Et TaeHyung continue de marcher sans les remarquer. La musique s'emballe. Les violons, puis les harpes, puis les flûtes enchantées, puis tout mélangés. Les mots sont un orchestre et les instruments un roman. Rien à comprendre. Rien à expliquer. Et TaeHyung se voit forcé de se détacher de l'histoire pour la ranger dans son sac et récupérer son vélo. Il monte dessus et le morceau change. Et quand il rentre chez lui à une allure calme, le monde change aussi. Le vent affleure contre son visage, soulève ses cheveux. Une chaleur encore fraîche s'étend sous le soleil très jaune, un peu blanc. TaeHyung voit la route défiler, furieuse qu'elle est. TaeHyung pense avancer sur une route de mots. C'est la vie qui se déroule sous ses roues. Furieuse qu'elle est. Alors il accélère. Il ne sait pas tellement pourquoi mais il accélère. Et le monde change encore. Le monde n'arrête pas de changer.

Et quand il arrive chez lui, il range à peine son vélo et part s'isoler dans sa chambre. Il ouvre grand la fenêtre. L'air rentre. L'air apporte beaucoup de choses de l'extérieur. Choses qui viennent se blottir contre son corps. La brise se fraye un chemin dans la pièce. Les objets brisés ont été nettoyés et les murs sont à nouveau blancs. L'endroit semble avoir été soigné d'une drôle de maladie. Mais lorsque le vent de printemps l'ensevelit, TaeHyung oublie. Il sort le livre de son sac et s'immerge complètement. Assis par terre, dans son isolement ultra-terrestre, il reste stable. Le ciel devient orange. Le ciel devient violet. Le ciel est bleu. Bleu d'une nuit nouvelle. TaeHyung aura fini le livre à l'aube. Il a oublié le temps. Mais le temps le rattrape quand il tombe sur une page marquée. Cette marque, c'est JungKook qui l'a laissée. Lentement, TaeHyung parcourt les lignes droites, s'attarde longuement sur les mots colorés. Et il y a ce passage que JungKook a surligné. TaeHyung les relit mille fois. Et de peur d'en perdre le sens intime, il murmure l'ultime morceau de l'unique phrase :

« ... avec la sensation de devoir avancer talonné par la mort, fantôme traqué par lui même, dans ma course vers un tremplin d'où s'élançaient les Anges à l'assaut de l'infini. »

TaeHyung se met à y penser très fort. Soudainement, brutalement, il ne pense plus à rien. Juste à ces mots. Et à JungKook. Il se laisse tomber en arrière, le livre contre le cœur. Et il pense à ces mots. Et il pense à JungKook. Juste à ces mots. Juste à JungKook.

SOUDAINEMENT, BRUTALEMENT, PLUS RIEN N'EXISTE.

Peut être que dans une autre réalité, quand il se réveille, le livre est encore contre son cœur.

Âmes Poétesses - TaeKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant