Forme fixe.
La pluie est une parcelle de glace tombée des grands icebergs logés dans les nuages. La pluie est un vacarme ce midi. Petits sujets d'un lourd royaume bleu, lancés depuis les brumes vers le goudron brut. Le tonnerre musical est un cri de guerre. Son éclair est une bannière. Drapeau de colère. La pluie s'écroule sur la Terre, fracasse le toit, très fort. Des lignes d'eau houleuses courent dans les rigoles, le long des trottoirs. Les gouttelettes deviennent des ruisseaux. Les flaques des océans. Et l'orage rugit. Et les adolescents sont furieux dans les salles de classe, dans la cantine, dans les couloirs. C'est une décadence sans décence. La tempête est une sauvage amazone qui emporte l'humanité. Sur son trône elle poignarde un corps. C'est la raison. Et la raison s'écroule, inerte, tandis que les Hommes se brisent le long de leurs cages étroites.
JungKook marche dans le lycée quand il aperçoit ses feux précis et son tissu coloré. Quelque chose remue au fond de lui. Et lorsque la silhouette se profile par la sortie, il s'élance à sa poursuite. La tourmente déchaînée s'abat sur lui d'un coup, elle, attirée par la Terre, lui, par l'aquarelle fugitive. Mais il le rattrape et l'appelle. TaeHyung se retourne d'un sursaut, éveillé par sa voix. Quelque chose s'agite dans son lui même. Ils se regardent. TaeHyung détourne le regard. Il voudrait disparaître. La pluie translucide coule de ses mèches jusqu'à son nez et de son nez jusqu'au menton. Il est comme un saule pleureur. Pleureur d'ouragan.
« -Si c'est pour me dire que je suis dérangé, ce n'est pas la peine. »
JungKook répond d'un froncement de sourcils. La voix de TaeHyung était comme tordue, abîmée quelque part à l'intérieur. Puis le brun retire sa veste et s'approche de l'autre pour tenter de les abriter avec. Leurs visages ruisselants sont assez proches pour en apercevoir les détails.
« -Le printemps des regrets ont fui les noirs hivers. »
La pluie bat de plus en plus fort. Les mots sont presque des cris. Mais ils sont si calmes au fond, comme une brise sur la plaine. Leurs yeux se toisent. TaeHyung répond après un instant :
« -Qui a dit ça ?
-Verlaine. »JungKook est englouti par son image. Il est prisonnier de son visage. C'est de la porcelaine.
« -Que veux-tu ?
-Te parler. »Ils se regardent. Ils s'écoutent. Le torrent est en déroute. Les couleurs coulent dans l'eau.
C'est beau.« -Tu es malade, TaeHyung. »
Une larme coule sous la pluie. Dans le cristal de son regard c'est une supplication. C'est une excuse. C'est un vallon. Sans un mot, c'est une demande. Aide-moi.
Dans une autre réalité, qui est en fait leur réalité, JungKook emmène TaeHyung à l'abris pour ne pas laisser la pluie brutale briser son corps fragile.
![](https://img.wattpad.com/cover/103604168-288-k73337.jpg)