Ternaire.
Le ciel dans la pupille, et la peau agile, fine, maigre dentelle, il surprend le beau temps derrière la fenêtre. Il s'allonge de travers, laisse tomber sa tête en arrière, le menton levé vers la lumière, courbure blanche et lèvres étanches. Ses dents d'ivoire percent la lumière. Il prend l'air étouffé dans la pièce renfermée. TaeHyung, regardant par la fenêtre, voit un monde renversé. Et les meubles tiennent sur le plafond. Il y a des nuages dans le jardin des voisins et des oiseaux qui nagent. TaeHyung rejette l'air saturé et cache ses dents, emporte leur éclat. Il ferme les yeux pour passer le vertige et ne plus se sentir si haut. Les notes de Tchaïkovski montent en puissance, s'emballent, emplissent le monde comme un château d'eau. Son cœur s'affole. La Terre est si différente vue d'en bas. La Terre est changeante quand on l'écoute comme ça. Il découvre des nouvelles couleurs dans le sol. Il y a un couché de soleil magnifique. Il espère que JungKook le voit. Il pense à lui. Et à chaque fois qu'il le fait, il sent sa poitrine se déstructurer. Et à chaque fois, il ne comprend pas. TaeHyung pense être malade.
Il porte un pull tout neuf. Son col immense est posé sur son nez et il reconnaît l'odeur lointaine de celui qui le lui a donné. La laine épaisse est couverte de rayures. JungKook n'a choisi que des couleurs vives parce que TaeHyung est comme le soleil, comme les pastels sur les peintures d'art moderne, comme les teintes primaires qui sautent aux yeux, comme les couleurs qu'il a dans le cœur. Et le cœur de TaeHyung bat vite lorsqu'il y pense. Maintenant, quand ils se voient, JungKook l'embrasse et lui prend la main. Il le fait sans se poser de questions. TaeHyung, lui, se pose des tas de questions. Et là, encore plus que de savoir si le monde est à l'endroit, il veut savoir ce que JungKook fait, s'il écrit, s'il écoute de la musique ou s'il pense à lui. Et il se demande s'il a le droit d'embrasser un garçon. Puis il se dit qu'il s'en fout et que le monde aussi s'en fout et que le ciel est trop grand pour se soucier de deux paires de lèvres. Et puis TaeHyung aime quand JungKook l'embrasse. Il aime quand il le regarde et lui prend la main. TaeHyung aime ce pull aux grosses rayures et aux couleurs puissantes. Il aimerait faire un cadeau à JungKook mais il ne sait pas quoi. Et il était tellement heureux en recevant celui-là. Et il a cru pouvoir pleurer mais il ne l'a pas fait car il pense que pleurer aurait été ridicule. Il a simplement bégayé un merci et maintenant il cherche. Il cherche dans la révolution de sa chambre, une idée.
Il se questionne. Il se perd dans les questions, les questions qui s'échappent de sa tête et se fracassent sur le plafond. Toutes ses pensées débordent. Et entre les cascades de mots sans lettres, il arrive à sourire. Il ne se noie qu'à moitié. Ses doigts se tendent vers la fenêtre. La plante de ses pieds nus caressent le mur froid, tandis que ses orteils tracent des cercles que personne ne voit. Il aimerait attraper le soleil et le mettre dans un coffret qu'il fermerait à clé. Et après l'avoir capturé, il le lui donnerait. Et même en Hiver, et même dans la brume, et même les vêtements couverts de pluie, JungKook n'aurait plus froid. TaeHyung cligne plusieurs fois des yeux. Un morceau se finit. Le silence s'installe. Ses écouteurs fuient ses oreilles et s'écrasent contre la moquette. C'est la gravité qui l'a retourné. Puis TaeHyung se lève, retire son pull, le plie soigneusement et le pose sur le bureau. Il regarde le ciel bleu, le ciel clair. Et il ignore qu'il a froid, il ignore qu'il a faim. Il fait même semblant de ne pas en être fier. Il mime l'indifférence. Et il y croirait presque.
« -Dis, est-ce que maintenant, tu penses qu'on peut dire que toi et moi, on est ensemble ? »
Et dans une autre réalité où la vie n'est pas une enfoirée, JungKook n'a pas peur de lui réciter ses poèmes, et TaeHyung ne se pose pas de questions, et ils s'embrassent, encore.